18 juin 2008 3 18 /06 /juin /2008 11:57

"Sans fenêtre."

La catastrophe AZF a exacerbé la douleur pour mieux la faire connaître, la tutoyer, l'apprivoiser, et finalement, la maîtriser.
Chacun, chacune, après s'être inquiété sur le sort d'un mari, des enfants, d'une famille regagne son nichoir où il se sent bien ; en tous cas mieux.
Je suis rentré dans mon modeste deux pièces où deux fenêtres étaient fracassées. Le souffle de l'explosion avait pénétré mon for intérieur. Des bris et des éclats parsemaient mon lit.
J'ai allumé la télé. Télé-Toulouse, quoi de plus naturel de s'informer local ? La petite brune que j'aime bien est en direct sur le plateau et tient l'antenne ; couvre. Des images terrifiantes sont projetées, pendant que des exhortations à se protéger défilent dans un bandeau en haut de l'écran : "Restez chez vous. Calfeutrez vos portes et fenêtres." Comment faire quand on n'en a plus ?

Les sirènes hurlantes et les hélicoptères papillonnent sur les toitures. Je suis doublement retranché dans mon deux-pièces et ma peur. On dit qu'il est impossible de quitter la ville. Il est difficile de se joindre par téléphone. Que faire ? Bien dans ses murs, ses meubles, ses chaussures, et dans sa tête, passe encore pour accepter de mourir par asphyxie, mais attendre seul sa dernière heure, avec la langue sèche, le coeur vide et la poitrine oppressée, ça, non.
Malgré les exhortations à rester chez soi, je descends dans la rue.
Je parviens à plonger dans ma voiture. Je m'échappe. Je vais au vert.

Relégué au rang des "sans fenêtre", comme les "sans papier", "sans domicile fixe", "sans toit" et "sans famille", je m'apprête à laisser les éclats sur place, au sol, pour la preuve et les éventuels assureurs. Ca risque de durer.
En ville, on assiste à une pénurie de vitres et de vitriers. AZF a fait couler beaucoup de mastic et de colle et rempli les caisses des miroiteries.
Plus que jamais fidèle à mes habitudes, je laisse sous le lit avec les troupeaux de moutons les fragments de carreau, de verre (Aragon dit joliment dans "Les yeux d'Elsa" que "le verre n'est jamais plus bleu qu'à sa brisure") comme des morceaux de glace des montagnes effondrées.
C'est la crèche de Noël en septembre !

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17 juin 2008 2 17 /06 /juin /2008 12:09

"C'est en septembre..."

2001. L'année de tous les dangers. Tombé sous la titraille des journaux que j'achète mais ne peux pas lire. S'accumulent sur une tablette, au jour le jour, jetés plus que posés, des exemplaires et des éditions spéciales forcément uniques, des tirages spéciaux imprimés à mon intention, qui me tordent la tête et ne l'essorent pas. Sans cesse freiné au cours de la lecture, je préfère tout laisser en tas ; si je tente une oeillade, je risque gros sur le plan de la retenue. Je devrais me dire que "Molière est nouveau ce matin, et rien n'est plus ancien que le journal du jour". Mais baste !

Septembre 2001. Le onze. Il doit faire quelque chose comme doux. Une collègue annonce que "des avions se sont écrasés à New-York sur le Pentagone. C'est un attentat." On sent bien que quelque chose de grave s'est passé. Les antennes d'héliotrope se vrillent dans l'air du temps. Mais même les instants historiques ne se laissent pas capturer, cerner à la seconde près. Ce n'est qu'après qu'ils se peuvent calculer, qu'il se peut dire : "J'y étais" ou "J'en étais".

Septembre 2001. Le vingt-et-un. Il doit faire quelque chose comme bon. 10 heures 15. J'ai deux disquettes à la main. Je vais faire une sauvegarde et un transfert de données. Je suis debout, près d'un couloir. Ce que je retiens, au nom de la littérature qui relate sans faire de chichis, c'est le petit panneau orange suspendu en l'air à une potence, comme une enseigne, où il est inscrit le nom d'un service, qui s'amuse à faire de la balançoire alors que l'heure est grave. J'entends une très grosse explosion, le sol tremble, du plâtre tombe. Tout va très vite. Pour moi, qui me souviens plus des cours de géographie que des cours d'histoire, j'attribue ce vacarme à un tremblement de terre. Oui, je sais que je peux mourir. Et, paradoxalement, je n'ai pas peur. Je descends les étages sans hâte, presque second, presque serein. Je vais même jusqu'à rassurer une collègue. Je sors. Je suis sur la place. Tout le monde est dehors. Je ne vais pas donner dans le pathos, le mélo, l'archi-connu, lu, su, entendu, dit, écrit, déformé, amplifié de ces instants-là : "la catastrophe AZF à Toulouse".

Tout le monde est dans la rue. Les sirènes hurlent partout. On voit des gens se protéger le nez et la bouche avec des masques de chirurgien de fortune. Un nuage toxique se déplace. Il vient vers nous. Qui a fait ça ? Des extrêmistes, qui nous en veulent, nous haïssent même ? Comme à New-York ? Alors, si c'est le cas, mon père avait raison ? Allons-nous mourir en collectivité ? Ils veulent jouer avec nos nerfs, nous réduire en poudre, nous asperger de produit létal avec des avions, comme dans le film d'Alfred "La mort aux trousses" ? Ils veulent mettre de l'anthrax dans les enveloppes. Comme si je n'avais pas assez de mal à les ouvrir sans ça...
"C'est l'ONIA qui a pété". A Toulouse, on dit encore l'ONIA alors qu'on devrait dire "AZF", ou "APC" ou encore "Grande Paroisse". Mais "L'ONIA", c'est joli, ça fait prenom féminin, alors qu'"AZF", ça fait médicament. On aurait dû se méfier de cette entreprise qui s'interrogeait autant sur son identité, vous ne trouvez pas ?

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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 15:49

"Diariste."

Je tiens journal. Diariste. J'aime les mots. Je n'ai pas de style. En fait, j'aimerais beaucoup qu'on dise que j'en ai un.

A la librairie la plus proche de chez moi, j'ai feuilleté le dernier livre de Michel Tournier, "Journal extime". Un mot m'a accroché. Un court passage. J'aime. Ca m'a fait penser que j'ai rencontré à la clinique verte et blanche un ami de Tournier, prof de lettres. Assez entamé au dessus du cou. Le sait. Sympathie brève. Le lendemain, il repartait chez sa fille. Il m'a pourtant laissé une belle lettre. Je m'étais promis d'écrire un jour à Michel Tournier. J'ai préparé une lettre. Je ne l'ai jamais envoyée.


Je suis sûr que je sens mauvais. J'ai une odeur de moisi qui me colle. Je sens le pâté de maisons de campagne. Dans quelle pièce de Beckett ai-je lu que les gens, les hommes, les humains sentaient mauvais ? Ils avaient beau se laver, le corps sentait mauvais.
De plus jeune, à la campagne, des odeurs mêlées me reviennent : l'odeur des vaches et de l'étable, celle des fauves chez "la dame du zoo", celle du caoutchouc de l'usine Baudou, celle des rots de pilchards, de melon l'été, des sueurs séchées, mal ou pas lavées.
Je n'ai porté ni de véritable attention ni de chaussures vernies, ni de polo avec un crocodile sur la poitrine... Les TOC ont éloigné avec la brosse et le cirage toute velléité de porter des chaussures à lacets. Les blousons, manteaux, canadiennes, pelisses, imperméables mastic, gabardine, duffle-coat, bref les sur-tout ont ramassé les odeurs de friture, de jus et de sauce, et en ont colporté l'échantillon mieux qu'un représentant de commerce. N'est pas l'inspecteur Columbo qui veut.

Hiver 2001. J'ai sur le dos une horrible canadienne luisante de crasse, puante, décousue au bas des manches, et, rien à faire, je suis paralysé à l'idée d'en changer. Alors je fais avec malgré tout.
Un oncle aveyronnais meurt à l'âge de 92 ans. Son dernier mot aurait été : "La vie a été courte. Je ne l'ai pas vue passer." ! Que cette phrase fait du bien. Sa fille lègue à mes parents une grande partie de ses vêtements. Parmi ceux-ci, un blouson en simili-cuir, sans attrait vraiment, mais bien propre, avec de grandes poches, avec ses zips et ses pressions, et deux petites cordelettes amusantes qui en font le tour, pour le serrer comme une bourse ; matelassé avec sa doublure en deuxième main, en deuxièmes manches. Ce blouson, j'en ai été l'heureux porteur.
Le marqueur social qu'est le vêtement n'a pas fini de livrer tous ses secrets.
Les hivers se suivent et ne se ressemblent pas. Le blouson de mon oncle a été aussi utile d'une capote dans la Grande Guerre.

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15 juin 2008 7 15 /06 /juin /2008 13:38
L'affiche de "Orbe"
Maquette et conception graphique : PC
Illustration originale, détail d'un tableau de HV


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15 juin 2008 7 15 /06 /juin /2008 12:41

"Il y a tellement de risques de dire n'importe quoi."

Au soir le soir, j'ai des appétits de scène, et vibre parfois devant une bonne pièce. Du bout des lèvres, je rencontre des gens de théâtre de tous les gabarits. Je garde les mêmes pudeurs à leur parler, une fois le rideau baissé, les poursuites et les rasantes éteintes ; une fois que les filles et les garçons ne se prénomment plus, soudain -pas parce qu'il n'y a plus de lumière, mais parce que la brochure a été toute mise en bouche- Agnès ou Estragon, ne portent plus de robes à cerceaux et des fraises, mais des jeans et des écrase-étron semelle élastomère compensé. Je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas voir les artistes tout de suite au sortir de la rampe. Il y a tellement de risques de dire n'importe quoi. Que l'on ait adoré, détesté, tremblé, pleuré, eu la chair de poule ; que l'on se soit assoupi, que l'on ait dormi ; difficile, très difficile d'émettre un avis "à chaud".

2000. "Orbe, le personnage tout rouge", une curiosité inclassable est en cours de répétition. Inclassable ? Atypique plutôt. Il y a trop d'inclassables classés à la rubrique des inclassables.
"Orbe, le personnage tout rouge" est en cours de répétition.
Avant de mettre la curiosité en chantier, à la table où étaient réunis les futurs interprètes, on me demande : "Quel est l'alibi de ton texte ?". Je ne sais pas. Je bredouille quelque chose qui n'est pas une réponse.
En revanche, j'ai de la chance : la distribution des rôles et des emplois est faite. Actrices et acteurs sont choisis par la magie de la rencontre. Ce sont des bons. J'assisterai à tout, aux prémices, à toutes les lectures, les "italiennes", les "allemandes", les "couturières", la "générale", le travail à la table, brochure en mains, texte mémorisé ; puis la recherche et le jaillissement des idées, le jeu des acteurs...
Je me tais. Je laisse faire le metteur en scène. Il a sa lecture. La mise en scène, c'est l'art d'accomoder les gestes.
Je suis là, à regarder, écouter les acteurs... Que doivent-ils penser ?
Et moi, qu'est-ce que j'attends d'eux ? Qu'ils me disent : "On prend du plaisir, ton écriture est belle." ? Ils me le disent.
Qu'attendent-ils de moi en retour ? Une pièce sur les TOC, un homme qui se croit coupable de tout, ce n'est pas rien. Comment ça se traduit, un TOC ? C'est quoi, un TOC ? Attendent-ils le moment où quelque chose va se passer ? Or, il ne se passe rien, si ce n'est que, tétanisé à l'idée de penser qu'on puisse penser que quelque chose va se passer, par cette peur d'attente et d'inconfort, je renvoie l'image négative d'un homme fermé, coincé, verrouillé, tendu, tremblant, rouge, nerveux.

La pièce au titre retenu "Orbe" a été créée et jouée au théâtre de poche de Toulouse en 2000.  Elle a été reprise l'année suivante, dans le même théâtre.
Puisque vous voulez tout savoir, je ne suis pas éreinté par la critique. On m'a rapporté que des gens avaient aimé. On m'a dit de belles choses. On a dû me cacher les mauvaises. Il faut épargner les artistes "toqués".

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14 juin 2008 6 14 /06 /juin /2008 13:20

"L'homme qui vit et
l'homme qui écrit."

Ma soif de vouloir encore mieux connaître Jacques Brel me donna des ailes pour contacter et approcher l'abbé Casy Rivière -instituteur laïc converti à 30 ans- qui fut un familier du chanteur. Il achevait une vie intense, dans une maison de retraite à Toulouse. Cet homme bon, chaleureux, avait aussi été l'ami de Claudel, Montherlant (qui lui a dédié "La ville dont le prince est un enfant"), Guitton, Kessel et Mauriac. Oui, je serrais la main de cet homme qui avait serré la leur. J'étais passablement bien parrainé. L'abbé Rivière est devenu mon ami. Je retiens de lui, entre autres bonheurs distillés, plusieurs belles phrases : "Il ne faut pas rencontrer les auteurs. L'oeuvre de l'homme est plus grande que l'homme. Mais moi, je n'en fis rien, et je rencontrai..." La seconde : "Aucun destin n'en rencontre impunément un autre."

Et voici que, plus tard, alors que, timidement, maladroitement, je sors mes textes, écrits sous le joug de la vie, je reproduis le scénario de la rencontre.
Tant qu'ils restent dans des tiroirs, ils ne voisinent qu'avec des cellules miscroscopiques ; mais dès qu'ils prennent l'air -Que la démarche est hasardeuse !- ils tombent sous les yeux et entre les mains d'êtres pensants et jugeant.
Je n'étais en rien prédisposé à écrire pour le théâtre. Pourquoi donc Thalie est-elle venue me visiter alors que j'étais plus habitué à l'envahissante présence de la fée Carabosse ? Je ne sais pas.
Ce que je sais avec plus de netteté, c'est qu'ensuite je me suis approché de mes contemporains et leur ai fait partager mes doutes, jetés sur le papier.
Ils ont aimé ce partage et me l'on fait savoir. Comme d'habitude, avec mes silences gênés et maladroits, j'ai bredouillé en rougissant quelque chose dont je ne me souviens plus.
Tout a commencé avec mes collègues de travail qui ont monté l'une de mes pièces.
Et puis après, très vite, des portes se sont ouvertes, dans des pièces où il y avait d'autres portes qui ouvraient sur des pièces où il y avait des gens qui en connaissaient d'autres...
Mais je ne suis pas du "sérail".

Février 2000 : "Orbe, le personnage tout rouge", une curiosité inclassable est en cours de répétition. Des comédiennes et des comédiens mouillent la chemise et défendent mes mots. Comment ne pas en éprouver de la joie ?
Et eux du courage, celui d'avoir capturé et domestiqué le sauvage que je suis.
L'homme qui vit et l'homme qui écrit a besoin des autres.
C'est le grand mystère de l'échange...

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13 juin 2008 5 13 /06 /juin /2008 13:29

"Lire et écrire."

Les TOC, exponentiels, deviennent de plus en plus nombreux, de plus en plus sévères, de plus en plus invalidants.
Lire et écrire me sont devenus des manoeuvres cruellement difficiles à réaliser.

Je n'ouvre plus de livres : j'y resterai piégé et aliéné. Je suis sans cesse freiné au cours de la lecture. Un détail me séquestrerait trop longtemps.
Je n'écris presque plus. Ca me manque ? Oui.
J'ai acheté deux livres. "Jacques Brel. J'attends la nuit", de Paul-Robert Thomas (Le Cherche-Midi éditeur) et "Petite géographie intime", ouvrage collectif (Le Pré aux clercs). Ils ont été achetés, ainsi qu'en atteste le ticket de caisse, le 2 juillet 2001. Ils sont restés sous embargo dans le sachet d'emballage jusqu'à leur libération, le 7 avril 2002.


"Compter."

Parmi les complications directement nées des TOC, les inévitables évitements. Ainsi, j'ai du mal à pointer les mouvements de mon compte bancaire. Trop d'angoisse à la clef. Les enveloppes qui contiennent les relevés restent fermées. Politique de l'autruche. Une fois par mois, après préparation psychologique, je tapote sur le pavé numérique du guichet automatique et je demande du bout des doigts fébriles un historique de compte. Que va-t-il y avoir au bout du compte ? En fin de compte, l'appareil gargouille, tire la langue, éructe et sort son crachat financier. Pour ne pas m'y noyer, je retire rapidement le petit papier, et surtout, sans le regarder, je le glisse dans ma poche. Je diffère. La moitié du travail est faite. J'attendrai d'être dans un état d'esprit serein pour savoir "où j'en suis", savoir si je suis dans le rose, le rouge, ou le rouge foncé.

A la faveur d'une période d'état de grâce, de rémission ou d'audace, je regarde bien en face les derniers relevés mensuels des paiements par carte où sont listés les libellés d'opérations et leurs débits correspondants. Je n'ai pas un train de vie pharaonique, et une somme un peu importante, inhabituelle, m'écorche les yeux. Bénéficiaire : la SNCF. Or, il y a fort longtemps que je n'ai pas pris le train ! Bizarre... Je me lance dans une enquête personnelle, à la manière du lieutenant Columbo ; vous savez, le petit détail qui fait que... celui auquel on ne songe pas...
J'appelle la banque. Mon interlocutrice me renseigne sans tarder. Un petit malin vient de se faire passer pour moi et m'escroquer sans vergogne. La somme, somme toute assez coquette, correspond à un dossier voyage dûment référencé, billet Paris Montparnasse / Toulouse. Pourquoi se gêner ? Un petit malin : pas si malin que ça, en fait. Son achat a été effectué par minitel ; il lui a suffi de donner mon numéro de carte bleue. Où l'a-t-il trouvé ? Je suppose sur une facturette oubliée, froissée, jetée dans une poubelle. Le système n'est absolument pas sécurisé. Un petit malin : pas si malin que ça finalement puisque son nom, son prénom et son adresse me sont communiqués par ma banque sans hésitation. Un autre que moi lui aurait rendu une visite que je doute être de courtoisie. Mais ma mansuétude est légendaire. La banque régularise la situation.
Le mois suivant, j'ouvre sans compulsion le courrier contenant le relevé. Nouveau retrait frauduleux et récidive de l'escroc qui, décidément, ne tient pas en place et voyage beaucoup. Cette fois-ci, il s'offre une villégiature plus lointaine. C'en est trop. Je porte plainte, je fais opposition à toute utilisation de ma carte bleue de peur, et le service monétique de la banque me crédite de la somme soustraite et de toute sa compréhension.

Voilà l'histoire.
Que se serait-il passé si je n'avais pas mis mon nez dans mes comptes puisque les TOC et les évitements m'empêchent de le faire souvent ?
Mon escroc au minitel se serait-il hasardé à faire des voyages plus coûteux, plus fréquents, à voir du pays sans même m'envoyer une carte postale ?

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12 juin 2008 4 12 /06 /juin /2008 12:21

"Un TOC sévère."

Les obsessions-compulsions n'ont cessé de m'empoisonner l'existence, de me détruire à petit feu. Ce mal qui me ronge au quotidien est un enfer indicible que les littératures parviennent aujourd'hui à traduire. C'est en marche. C'est vital. Les TOC : les reconnaître pour mieux en parler et mieux les combattre.

L'appartement où je survis m'angoisse terriblement. Il est là, à son deuxième pénible étage, dans une rue imprononçable du centre-ville ; une rue étroite, engoncée et bruyante. Comment ai-je pu "m'y faire" ? Ah, oui ! Bien sûr, je ne m'y suis jamais fait. Je suis passé d'un trop grand désert à une trop grande agitation ; d'un trop grand silence à un tintamarre assourdissant. Je suis prisonnier ici. C'est la campagne qu'il me faut ! En fait, je suis un rat des champs qui n'a jamais pu s'acclimater à la ville.

Je note un TOC très sévère. En voici la description : tous les soirs, au coucher, le verre qui me sert à boire l'eau qui accompagne les comprimés "oublie-tout" ne se laisse pas reposer sans encombre. Rinçage et symétrie sont les deux mamelles de la transe. L'évier, la table, le verre sont de l'aventure et participent étroitement. C'est une danse étrange. Je prends le verre, je rince, j'agite, je pose, je reprends. Je rince. J'agite. Je pose. J'égoutte. Je rince. Je pose. J'égoutte. Je pose. Je reprends. J'égoutte. Je pose. Je touche quelque chose (une miette, une aspérité de la table...) Je reprends. J'égoutte. J'agite. Je pose. Je vois quelque chose (un point noir au sol, une brèche dans l'évier, une petite tache...) Je reprends. J'égoutte. Je pose. (Je pense à quelque chose ; là, c'est vaste... Je pense à... "Surtout ne pas penser..." Je pense. Je pense à... Je pense surtout...) Je reprends. Je pose. J'entends un craquement. Je reprends. J'égoutte. J'agite. Je pose. Je reprends. Je pose. Je m'en vais. Je pense. Je reviens. Je recommence.  Je reprends. J'égoutte. J'agite. Je pose.
 Je m'en vais. Je fais quelques pas. Je me retourne. Pas dans n'importe quel sens. Je fais volte-face pour être dans le bon. Je ne dois pas repartir dans ce sens. Je reviens. Je reprends le verre. J'égoutte. J'agite. Je fais : "han !" Mais il ne faut pas faire : "han !" Je pense. Je pose. Je reprends. Je pense à... Je pose. Je m'en vais. Je pense. je pense à... Je reviens. Je prends. J'égoutte. Je pose. Là, c'est clair, tout contribue à créer un climat de crainte et d'insécurité. La peur de la contamination par le Sida est dominante. Les goutelettes du verre contiennent-elles le virus ? La douleur est à son paroxysme. Je reprends. J'égoutte. Je pose. Je pense. Je reprends. Je pose. Le verre a été mal posé. Je l'ai posé trop sec. Il a fait trop de bruit. Je reprends. J'égoutte. Je pose.

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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 13:19

"Etat des lieux."

Je donne le change. Mais l'état des lieux est déplorable. Il faut faire comme si... 
Les TOC : vous imaginez ce que ça représente de pressions et de tensions au quotidien ? Qu'il serait bon de pouvoir se détendre, d'envisager calme, équilibre et sérénité, d'accomplir une manoeuvre de déscrispation, de déraidissement.
Comment ? Que dites-vous ? Que ça va venir ? Je convoque mes souvenirs "d'avant". D'un peu avant. Je mesure l'importance de l'évolution, de l'intrusion dans les moindres détails.

En 1994, en faisant le "coming out", je ne savais pas trop où j'allais... Parmi les enseignements que je peux en tirer, il faut savoir qu'après avoir choisi d'avouer ses faiblesses ou ses différences, il faut assumer. Des entourages se sont formés. Il y a ceux qui m'ont approché par obligation, par défi, par curiosité ou par compassion. Il y a ceux qui m'ont évité, des cas où, on sait jamais... Et il y a surtout la grande masse des maladroits.
Une certitude : déjà doté d'une nature timide et inhibée, je me suis encore plus vulnérabilisé. Mais paradoxalement, j'ai puisé aussi une grande force.
"Ne dis pas où tu as mal, sinon tout le monde y mettra le doigt dessus." "Ce n'est pas le microbe qui est important, c'est le terrain."

Je voudrais vous y voir à ma place. Il était dit que l'amour me serait réfractaire. Me l'eût-on fait comprendre autrement, je l'eusse mieux accepté.
Névrose. Fétichisme. Compulsion. Obsession. Phimosis. Circoncision. Loupé...
C'est important, la sexualité. C'est même très important. Elle est nécessaire à l'épanouissement. A quoi bon nier cette évidence ? Pas besoin de s'appeler Freud pour comprendre ça. Il faut arrêter de se cacher derrière son petit doigt. Taire le fonctionnement du corps, c'est être directement responsable de générations entières de frustrés, de névrosés...
Depuis que je tiens ces "carnets", je ne cesse de le penser, de me le dire -mais peut-être ne l'ai-je pas assez écrit ?- la présence d'une compagne à mes côtés, à aimer et aimante, confidente et partageuse, complice en tout pour construire, entreprendre, discerner, dialoguer, communiquer, s'émouvoir, s'enrichir et apprendre, lutter aussi ; à l'esprit critique, à l'analyse, aux encouragements mutuels, aussi bien dans les coups durs que dans les sourires entendus, les bonheurs à deux, aurait permis de vivre autrement.
Oui, j'aurais beaucoup plus accompli et réalisé si une amie s'était penchée sur mon épaule.

A l'heure où je retranscris sur ce blog ces carnets, je suis toujours comme un adolescent attardé, aussi terrorisé à l'idée d'inviter une femme à danser..

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10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 12:07

"Dans les petits papiers."

Je viens de retrouver un papier sur lequel j'ai écrit :
"Je suis un enfant non-désiré. J'ai 37 ans (écrit en 1999). Je n'ai pas coupé le cordon ombilical. Ma mère m'a couvé, hyperprotégé, infantilisé.
En voulant me faire beaucoup de bien, elle m'a fait beaucoup de mal. Elle m'a gardé en otage. Elle a dicté toutes mes décisions, fait infléchir toutes mes propositions ; elle a exercé et maintenu une étouffante pression.
Elle a créé une dépendance financière.
Elle m'a transmis tout son stress.
Je n'ai jamais pu acquérir une autonomie ; encore moins une indépendance.
Elle ne m'a pas vu grandir et je ne l'ai pas vu vieillir.
Aujourd'hui, je mesure l'ampleur des dégâts.
J'ai passé le plus clair de mon temps auprès de ma mère ; tout me ramène à elle.
Je nourris pour elle un véritable rapport amour/haine.
Indépendamment de cette éducation très protégée, je souffre d'une anomalie génitale (phimosis mal soigné) qui m'empêche d'avoir des rapports sexuels.
Les femmes me font peur.
Je me sens très seul et j'éprouve de très grosses angoisses."

Je viens de retrouver quelques phrases de Franz Kafka, extraites de sa correspondance, en 1920 :
"J'écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je devrais penser, et ainsi jusqu'au plus profond de l'obscurité."

Je viens de retrouver la copie d'une lettre que j'ai adressé au "Courrier" du quotidien régional "La Dépêche du Midi". Elle est datée du 11 septembre 2000 et dit ceci :
"J'ai été élevé dans un milieu figé et étriqué où la sexualité était un sujet tabou, occultée par de nombreux non-dits et interdits.
Mon père fut insignifiant et ma mère très possessive.
A 10 ans, j'ai subi une circoncision pour remédier à un phimosis. Ce fut un magistral loupé.
Pendant 20 ans, j'ai vécu -en me taisant- avec un sexe charcuté qui n'était pas fonctionnel.
Je n'ai jamais pu instaurer un dialogue qui aurait peut-être permis de limiter l'ampleur des dégâts.
En 1994, j'ai accepté de subir une intervention réparatrice, une plastie du frein.
Hélas, la frustration et la carence affective ont généré des troubles psychiques dont j'ai du mal à me défaire.
Insidieusement, une déviance s'est installée, le fétichisme (des bottes-cuissardes) à tendance sadomasochiste.
Je me sens VICTIME DE CETTE DEVIANCE QUE JE N'ASSUME PAS, qui gère, obsède et envahit tout mon système de pensée. J'alterne l'attrait et le rejet. J'éprouve un GRAND SENTIMENT DE CULPABILITE ET DE HONTE. Du conflit fascination/répulsion naît le refoulement et l'angoisse. CE COMBAT EST EPUISANT.
Voulez-vous m'aider à y voir plus clair ?"
C'est un appel au secours que je remets aux bons soins de l'acheminement postal. Je guette une réponse dans les colonnes du journal. Ce cas de figure est-il si délicat ? La lettre s'est-elle égarée ? Quoi d'autre encore pour que je ne trouve pas de réponse à ce douloureux questionnement ?

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