6 janvier 2008
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12:56
L'homme : Madame, monsieur. C'est bien celui-ci ?
Le personnage tout rouge : ...
L'homme : (Il désigne la blason) Le blason, c'est bien celui-ci ?
Le personnage tout rouge : Vous êtes bien le premier qu'il fait presque tomber. Vous venez de loin pour le voir ? Sans doute, car ceux d'ici, tout près, ne l'ont jamais vu. Vous
êtes intéressant, monsieur. Vous êtes spécialiste, peut-être ?
L'homme : Si l'on veut. Je les décroche.
Le personnage tout rouge : Et vous en décrochez beaucoup ?
L'homme (Le décrocheur de blasons) : Non. Celui-ci sera le premier. Je ne sais pas comment m'y prendre.
La responsable des fêtes terminées : Et pourquoi donc voulez-vous le décrocher ? Vous ne pouvez pas faire comme tout le monde, décrocher une timbale, une lune, un cocotier...
Non, vous votre truc, c'est les blasons ?
Le décrocheur de blasons : Je ne suis qu'un modeste exécutant, madame. Je peux seulement vous dire qu'il est destiné à être "repensé".
(Le personnage tout rouge décroche le blason et le porte hiératiquement entre ses mains, sur sa poitrine.)
Le personnage tout rouge : C'est un peu de l'histoire de ce quartier qui s'en va. De sa mémoire. (Il brandit le blason au dessus de sa tête.) J'élève mon...
notre histoire pour la postérité. Mais, vous ne nous... vous ne m'empêcherez pas d'être un albatros. Je suis un albatros... (Il fait imprimer au blason les mouvements d'une aile.)
Le décrocheur de blasons : Il ramène toujours tout à lui ?
La responsable des fêtes terminées : Il se protège comme il peut. C'est difficile d'être d'ici.
Le décrocheur de blasons : Au fait, vous avez vu ? Quelqu'un est mort.
(Le personnage tout rouge arrête brusquement son "vol". Le blason tombe et vient s'aplatir au sol dans un bruit sec.
Il s'approche du décrocheur de blasons, inquisiteur.)
Le personnage tout rouge : Vous avez du nouveau ?
(A suivre.)
Raoul Jefe
5 janvier 2008
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13:08
La responsable des fêtes terminées : Vous avez l'air de bien connaître cet endroit. Et pourtant, vous me dites ne pas y avoir été hier
soir. Vous étiez parti cueillir des simples, c'est bien ça ?
Le personnage tout rouge : Je suis de ce pâté. Selon toute probabilité, il m'arrive plus souvent d'être ici que là où j'aimerais être. Là où la chèvre est attachée, il faut
qu'elle broute. Je suis seul. Je vis seul. Je pense seul. Je ne l'ai pas souhaité mais il n'y a que les poètes et les poivrots qui peuvent refaire le monde. Et quelqu'un de toujours tout seul,
c'est louche. Quand des enfants jouent sur cette dalle, moi, je prends la tangente. S'ils venaient à disparaître en même temps que moi, il y en a qui seraient tentés de dire qu'ils ont disparu
avec moi. Ce n'est pas un enfant qui a été tué au moins, hier au soir ?
La responsable des fêtes terminées : L'irréparable n'a peut-être pas encore été commis. Imaginons qu'il l'ait été : je ne sais pas quel visage ni quelle altitude il a ravi.
(Un homme s'approche et vient se placer contre le personnage tout rouge.)
Psst... Il y a quelqu'un derrière vous...
Le personnage tout rouge : (Il se retourne) Bonjour, monsieur...
(A suivre.)
Raoul Jefe
4 janvier 2008
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13:17
La responsable des fêtes terminées : Il s'est passé hier soir, au moment où la fête battait son plein, quelque chose de très émouvant. Et de
très grave. Qualqu'un a, semble-t-il été tué. On n'en est pas encore bien sûr, mais avouez que ce n'est pas rien, vous en conviendrez ?
Le personnage tout rouge : Il se peut bien que ce soit moi qui ai fait le coup. J'ai tous les motifs de le faire.
La responsable des fêtes terminées : C'est bien ce que je disais : on n'est jamais sûr de rien...
Le personnage tout rouge : Que disiez-vous ? Qu'on n'est jamais sûr de rien ou que j'ai pu commettre l'irréparable ?
La responsable des fêtes terminées : On n'est pas bien sûr que vous ayez pu commettre l'irréparable puisque vous en doutez vous-même. Sans compter que l'irréparable n'a peut-être
pas encore été commis. Il est joli, ce blason...
(Elle désigne le blason apposé au mur.)
Le personnage tout rouge : Il représente les armoiries de cette ville. Il est un peu rouillé mais il y en a qui songent à le redorer.
La responsable des fêtes terminées : Savez-vous ce qu'il représente ?
Le personnage tout rouge : Vous voulez la petite explication ou la grande ?
La responsable des fêtes terminées : Allez, ne lésinons pas et soyez bon prince : donnez-moi la grande ! Il ne faut rien se refuser quand il s'agit de faire avancer
l'histoire.
Le personnage tout rouge : De gueules, un escalier ascendant au flanc senestre arbore une volée de six marches ; une botte à longue tige, carénée comme un paquebot de croisière
foule d'un talon plat et d'une semelle usée mais pas trop, la plus basse desdites marches. Sur le palier, quatre graines d'hellébore disposées en losange. Hors du champ, mais fortement
pressentie, et sur ce même palier, la porte d'une agence que l'on devine mystérieusement close. Au canton dextre du chef, un albatros sur fond azur, toutes ailes traînantes, au sol de sinople. La
botte, c'est l'attribut de la suprématie, surtout quand elle fait du bruit. L'hellébore, c'est la graine censée guérir celles et ceux qui en ont un grain. L'albatros à terre, c'est la liberté
entravée. Quant à l'agence, personne n'a encore su ou pu en percer le mystère. Bien des vivants se font des signes et des petits gestes par tradition, sans s'inquiéter d'où ils viennent. Vous me
croirez si je vous dis que, la plupart du temps, les gens passent devant ce blason sans le voir ?
La responsable des fêtes terminées : Oui, je crois.
Le personnage tout rouge : Alors, je vous le dis. Ils voient ce mur aveugle, cette rue truffée de plaques ; ils s'emportent contre les chicanes et les aspérités du sol, mais le
blason, pffffffff..... il ne les fera jamais tomber, vous comprenez. Alors... ils l'ignorent !
(A suivre.)
Raoul Jefe
3 janvier 2008
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La responsable des fêtes terminées : Où étiez-vous et que faisiez-vous hier soir sur la plage qui va de dix-huit heures
trente cinq à minuit, via le crépuscule et la tombée des ténèbres ?
Le personnage tout rouge : Autant vous l'avouer tout de suite : si j'ai tué quelqu'un, c'est bien seulement le temps. Pour ainsi dire. Et puis, comme ça m'arrive quelquefois. Un
vrai massacre ! Suis allé voir barboter les canards dans un ru que j'aime bien au milieu de cognassiers et de peupliers qui ondulent sous le vent. Ai gagné la prairie. Suis allé caresser la
chevelure des herbes folles. Ai vu monsieur l'automne qui, avec mélancolie met l'ancolie aux pentes des fossés. Gentil, l'automne ! A l'orée des forêts, ai vu les crocs sévères des brabants
mordre la terre à pleines dents. A six reprises, les aiguilles se sont superposées : six occasions d'en vouloir au monde entier. Ai entendu les flonflons et les froufrous d'une fête cachée. A
trop fixer des yeux les cuivres luisants de l'orchestre que je ne voyais pas, me suis brûlé les yeux. Suis rentré éreinté dans ma mansarde. Ai pensé à elle...
La responsable des fêtes terminées : A elle ?
Le personnage tout rouge : Je l'admire et elle m'impressionne.
La responsable des fêtes terminées : Vous êtes tout rouge.
Le personnage tout rouge : Je vous remercie de me le rappeler. Un rien m'émeut.
(A suivre)
Raoul Jefe
2 janvier 2008
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13:45
Le personnage tout rouge : Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que je n'ai pas fait ? Vous tombez mal : je suis triste. Je viens d'apprendre
la mort d'Eugène Ionesco. Je viens de lire dans un organe battant à droite deux belles phrases sur lui.
(Il s'approche de la pile de revues, en saisit une, en fend la tranche et lit.)
"Il suffisait qu'il échappât à l'ennui, qui lui fut un bourreau fidèle. Alors les voisins de repas, les rencontres, les sympathies de passage, tous ceux qui
purent croire, souvent, à l'indifférence dont il donnait l'impression, voyaient sourire en lui, soudain, des bienveillances et des délicatesses qui allaient jusqu'à une apparence de gaiété."
(1)
La responsable des fêtes terminées : Oui, mais moi, je n'ai pas fait la démarche d'entendre ça. Je vous répète que je suis chargée de
d'arrêter un homme qui vous ressemble singulièrement.
Le personnage tout rouge : Ah, ça, alors, c'est un peu fort ! Si l'on m'avait dit qu'il me serait donné de vivre une resucée de
Kafka...
La responsable des fêtes terminées : Une quoi ?
Le personnage tout rouge : Une resucée de dragées au poivre. Un ennui, quoi ! Je constate que vous indemne de toute influence culturelle.
Aucune célérité d'esprit quand on vous tend des aliments intellectuels. Ca promet...
(Il regarde sa montre.
Puis relève la tête.
Il regarde sa montre.
Puis relève sa tête.
Même jeu quatre fois.)
La responsable des fêtes terminées : Qu'est-ce que vous faites ?
Le personnage tout rouge : Je m'adonne à mon occupation favorite : je regarde l'heure à ma montre. Et lorsque la grande et la petite aiguille se superposent, je ne peux pas
m'empêcher de penser : "Mais où est donc passée l'autre aiguille ?" Ca ne dure pas longtemps mais c'est éprouvant à vivre. Et ça revient souvent.
(A suivre.)
Raoul Jefe
1 janvier 2008
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12:00
"On n'interroge pas un homme ému"
René CHAR
Personnages :
Le Personnage tout rouge
La Responsable des fêtes terminées
Le décrocheur de blasons
Première femme à la carotte à poignée
Deuxième femme à la carotte à poignée
Le Chef du bureau des fêtes terminées
PREMIER ACTE
Un énorme pan de mur orbe.
A hauteur d'homme, est apposé un blason.
Au pied du mur, une pile de vieilles revues et un tas de sable.
Un homme, tout de rouge vêtu, semble en proie à ses affres et tourments.
Le personnage tout rouge : A partir d'aujourd'hui, ce sera comme d'habitude. A partir de désormais, ce
sera comme dorénavant. L'essentiel, c'est toujours le principal. La vie est ainsi faite : aujourd'hui jujube et demain cacahuète.
(Une femme s'approche.)
La femme : Bonjour, monsieur. Vous fonctionnez toujours comme ça ?
Le personnage tout rouge : Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
La femme : Ne me dites rien. Dites-moi, c'est bien à vous qu'il faut que je demande si ça a été ?
Le personnage tout rouge : ...
La femme : Je viens de m'apercevoir que nous n'avons pas été présentés. Je suis responsable des fêtes terminées et je viens vous demander si la fête qui vient d'être donnée
s'est bien passée, et s'est bien passée ici ?
Le personnage tout rouge : Tout me porte à le croire, bien que je n'aie pas trempé mes lèvres dans la coupe trop pleine pour qu'elle ne le soit plus.
La femme (La responsable des fêtes terminées) : Or donc, on m'a remis un jeu de clefs. Une clef argentée qui ouvre toutes les portes de ce pâté, ici, et en haut...
Le personnage tout rouge : Haut les coeurs !
La responsable des fêtes terminées : Et une clef dorée qui ouvre seule la seule porte du château bas.
Le personnage tout rouge : Château bas !
La responsable des fêtes terminées : A toutes fins utiles de savoir si, parmi les fêtards, il n'y avait pas de mauvais coucheurs ; combien il y a de lève-tôt, combien il y
a de lève-tard. Je suis aussi chargée de recenser les trouble-fêtes et d'arrêter, au nom de la loi, un homme qui vous ressemble singulièrement.
(A suivre)
Raoul Jefe
31 décembre 2007
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09:15
J'ai l'intime conviction que, fort d'un passé qui n'appartient
qu'à moi, sorti grandi des nombreuses épreuves endurées, je pourrai vivre moi aussi.
J'aimerais bien que le temps me donne
raison
Ainsi prend fin, en ce dernier jour de 2007, la publication de ces "carnets".
Ces fragments de vie demeurent des matériaux déposés sur un chantier.
Une matière brute qui m'a permis d'échafauder d'autres édifices, et en particulier les premières intrigues théâtrales.
Ce blog, créé en avril 2007, avec l'ambition d'être littéraire et érotique, s'est révélé comme un passeur de mots, avec le souci de qualité et la liberté d'être coquin, sans jamais tomber dans la
vulgarité...
2008 confirmera cet essai.
Etats d'âme, états de coeur, états de corps, états d'esprit s'y succéderont.
2008 : 30e "anniversaire" de la disparition de Jacques Brel.
On sait l'admiration fervente que je lui porte.
Il ne sera pas étonnant de le retrouver ici, souvent...
Tenez, voici, pour commencer :
"Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser certains.
Je vous souhaite des passions. Je vous souhaite des silences.
Je vous souhaite des champs d'oiseaux au réveil et des rires d'enfants.
Je vous souhaite d'aimer ce qu'il faut aimer et d'oublier ce qu'il faut oublier.
je vous souhaite de résister à l'enlisement, à l'indifférence et aux vertus négatives de notre époque.
Je vous souhaite surtout d'être vous."
Jacques Brel
Que rajouter de plus ?
Raoul Jefe
28 décembre 2007
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18:08
Cette page de carnet est dédiée à Aurora.
"J'aperçois un homme seul
Ce dimanche soir, alors que je
déplore une fois de plus la vacuité des instants, alors que je m'apprête à regagner ma tanière, j'aperçois dans ma rue un homme seul, titubant. Rencontre fortuite ? "Il n'y a pas de hasard,
il n'y a que des rendez-vous" disait Aragon ; et l'abbé Casy Rivière ne m'avait-il pas un jour confié : "Je crois aux rencontres. Aucun destin n'en rencontre
impunément un autre." Ici, c'est plus facile au niveau des probabilités : il habite mon quartier.
Donc, cet homme, je le reconnais. Je l'aborde. Nous allons boire un pot.
Nous parlerons de la vie, de la mort, de l'amour, de la célébrité et des TOC (Il emploie le mot d'"incarcération")
Cet homme, en perpétuelle représentation, a fait bien du chemin pour arriver là où il est. Le "mur du son" a amplifié sa vie d'homme public. Il est aimé, reconnu. C'est un grand poète-chanteur.
Il est dans le dictionnaire. Il n'a plus rien à prouver. C'est confortable. Mais pas tant que ça, finalement...
Avec son lyrisme particulier, il me dira : "Je te transmets mes neurones".
J'ai passé un mémorable instant de grâce.
Cet homme, c'était Claude Nougaro.
Je te transmets
mes neurones..."
A voir aussi :
La "gambade parallèle" ;
le dessin offert par Nougaro, sur la page "bloguesque" du 30 juin 2007.
Raoul Jefe
26 décembre 2007
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22:32
"Si un détail te gêne,
peut-être qu'il est supprimé
des "carnets" ?
J'ai chargé un ami de longue date de mettre au
propre sur le papier les présents carnets. Il en saisit les lignes sur sa machine moderne, avec scanner et publication assistée par ordinateur. Je lui ai demandé ce qu'il pensait de ce qu'il
retranscrivait. Il m'a donné sa réponse par écrit, et s'y montre sans concession sur le fond, sans complaisance. A propos des carnets, il écrit -et ça pose vraiment question- : "Si un
détail te gêne, peut-être qu'il est supprimé des carnets histoire de faire aller l'histoire dans le sens qui t'arrange." C'est une phrase très importante. Le sérum de vérité existe-t-il ?
Le commentaire critique est nécessaire aux exhibitionnistes. Il doit rendre humble. Je tiens ces annotations très pensées et judicieuses à la disposition des chercheurs et des égégètes qui
étudieront un jour mon cas d'espèce !
Ma crainte d'être un monstre ; le besoin de justification ; la recherche de la vérité ; le besoin de clarté et de transparence totale ; l'idéal élevé de justice sont des thèmes éternels qui me
taraudent.
Moi, je crois que j'ai un bon fond, mais qui peut me croire ?
Je n'ai pas volé, je n'ai pas tué, je n'ai pas violé. J'ai menti, mais c'étaient des mensonges pieux ; j'ai fouetté des femmes et des cochons d'Inde, mais les derniers, c'était au stade sadique
anal, et les premières parce qu'elles me l'avaient demandé, qu'elles étaient consententes.
J'ai fouetté
des cochons d'Inde
et des femmes..."
Raoul Jefe
24 décembre 2007
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16:29
"A propos..."
Cette carte postale est partie de Paris (Rue Poussin) le 24 décembre 1904.
Elle était destinée à Mademoiselle Madeleine P., à Marseille.
Ecrit à l'encre violette :
"Ma chère petite Madeleine,
Bon et joyeux Noël pour toi, ta maman, ton papa ! Que le petit Jésus te comble de faveurs et de joujoux et moi ma petite Madeleine je te donne mes meilleures caresses.
Marie"
Laissez parler les p'tits papiers...
Raoul Jefe