13 décembre 2007
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LA CAGE
(Court-métrage, saynète ou chorégraphie
de Joël Fauré)
Personnages :
Un homme
Six femmes
Un homme, tout de rouge vêtu, pénètre dans un décor blanc, très dépouillé, seulement constitué de trois paravents.
De derrière chaque paravent, surgissent deux femmes bottées jusqu'aux cuisses. Hautes cuissardes noires. Pantalon d'équitation. Chemisier manche gigot. Gants noirs. Masque neutre. Longue
chevelure brune.
Les six "cuissardesses" s'approchent de l'homme, en formant une ronde, en dessinant autour de lui un cercle qu'elles font décroître.
L'homme s'agenouille, ne sait plus où donner de la tête.
Une musique se laisse entendre. C'est "Le vol du bourdon" de Rimsky-Korsakoff.
Les six "cuissardesses" cernent l'homme jusqu'à l'entraver.
Leurs jambes bottées deviennent des barreaux de cage, de prison auxquels il s'agrippe.
Il maintient sa tête "à l'extérieur".
L'une des "cuissardesses" enserre la tête de l'homme entre ses cuisses, comme dans un étau.
Les autres femmes se retirent.
La "cuissardesse exécutante " se penche et laisse retomber sa longue chevelure sur la tête, ainsi qu'un rideau.
JF
Raoul Jefe
12 décembre 2007
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19:42
J'ai souhaité faire une petite pause dans la narration de mes "carnets" , histoire de
"souffler" un peu...
Or donc...
"C'EST VOUS QUI TIENDREZ LE MIROIR"
(Court-métrage noir et
blanc semi-muet
de Joël Fauré)
Personnages:
Jeune femme 1
Jeune femme 2
L'homme
Une femme
Plan 1 :
Dans un train, la jeune femme 1 (cheveux bruns attachés) lit une lettre, la replie, la replace dans son enveloppe. Songeuse contre la vitre.
Dans un train, la jeune femme 2 (cheveux bruns attachés) lit une lettre, la replie, la replace dans son enveloppe. Songeuse contre la vitre.
Plan 2:
14 heures. Un train s'arrête dans une petite gare de province. La jeune femme 1 descend. Elle se dirige vers la sortie. Elle traverse une petite place, frappe à la porte de la
maison juste en face. Une femme la fait entrer et l'introduit dans une salle d'attente.
Elle dit : "Entrez"
14 heures 30. Un train venant de la direction opposée au premier s'arrête dans la petite gare. La jeune femme 2 en descend. Elle traverse une
petite place, frappe à la porte de la maison juste en face. Une femme la fait entrer et l'introduit dans une salle d'attente.
Elle dit : "Entrez"
Plan 3 :
Les deux jeunes femmes sont dans la salle d'attente. Elles sont vêtues de la même manière. Pull blanc, jean et bottes cuissardes noires.
Plan 4 :
Un homme est assis à son bureau. La quarantaine bedonnante. Grand, massif. Il se lève. Il s'approche de la fenêtre ; écarte le rideau. Il pleut. Il monte le chauffage. Il
allume une télévision. C'est un moniteur de télésurveillance. Il observe un long moment les jeunes femmes dans la salle d'attente.
Plan 5 :
L'homme fait entrer la jeune femme 1.
Elle s'assoit en face de lui.
Il lui désigne un paravent (ou une cabine ou un sas...) derrière lequel elle se rend.
Il fait entrer la jeune femme 2.
Elle s'assoit en face de lui.
Il lui désigne un second paravent (ou une cabine ou un sas...) derrière lequel elle se rend.
Plan 6 :
Au fond de la pièce, l'homme tire un rideau rouge de théâtre. Une petite scène. D'un côté, il y a une caméra de télésurveillance et un écran ; de l'autre, une chaise sur
laquelle est posé un miroir.
Il entre sur scène.
Le rideau se referme.
Plan 7 :
3 coups sont frappés. Le rideau se lève.
L'homme est debout, entre la chaise et la caméra.
Il est vêtu d'une toge blanche.
Il frappe dans ses mains.
Plan 8 :
Les deux jeunes femmes apparaissent. Elles ont les cheveux lâchés. Elles sont vêtues d'une toge noire.
L'une se place à genoux près de l'homme ; l'autre s'empare du miroir.
Plan 9 :
Les trois personnages retirent leurs toges.
Gestes rapides.
Aucune nudité n'est visible.
Les trois personnages sont hautement bottés. Talon aiguille pour les femmes. Talon plat pour l'homme.
Plan 10 :
Plans rapprochés.
Aucune nudité ne doit être visible.
Il s'agit de suggérer que :
l'homme bande ; l'une des femmes lui fait une fellation ; l'autre tend un miroir.
L'homme se délecte à regarder l'action, tantôt sur l'écran, tantôt dans le miroir.
Il s'agit de montrer le plaisir, la sensualité, sans jamais tomber dans la vulgarité.
Plan 11:
Dans un train, la jeune femme 2 ouvre une enveloppe. Elle sort une enveloppe qu'elle déplie. Il est écrit : "La prochaine fois, c'est vous qui tiendrez le miroir."
JF
Raoul Jefe
11 décembre 2007
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17:52
"Je vois des cuissardes
partout.
Je vois des cuissardes partout. Dire ou lire le mot
"cuissardes" fait abonder les matières.
Insidieusement, un fétichisme s'est installé, celui d'un leitmotiv, les bottes, gérant mes stimulus et ma libido. J'en ai rêvé, j'ai phantasmé. Si on me fait une radio de la tête, on y
découvrira une paire. Certains ont "des petits vélos", d'autres des "chausses" qui trottent, qui roulent. J'ai parlé de ma petite voisine ; je me souviens d'autres bruissements de bottes qui
ont été doux à mes oreilles ; d'autres coloris aux pieds d'une maîtresse d'école ou d'un frère consanguin... Car les bottes que j'aime n'ont pas de sexe. En revanche, elles doivent répondre à
des critères exclusifs : elles doivent dépasser le genou et être en cuir. Condition sine qua non pour le nec plus ultra. Sans quoi elles ne présentent aucun
intérêt.
Si je suis fétichiste, je suis aussi collectionneur, ça va de "paire"...
La presse, surtout, m'a copieusement fourni du cuir dont on fait les bottes. Actes puérils je l'avoue, j'ai soigneusement découpé dans les magazines des dizaines et des dizaines de modèles, de
quoi alimenter le rayon chaussure des grands magasins pendant plusieurs saisons. Parfois même l'achat d'un journal ne se justifiait que par la publication en manchette d'une photo de star de
cinéma en cuissardes rouges ou noires. Il m'est souvent arrivé de fendre la tranche et de compulser, dans les kiosques, le rouge au front, des gazettes people à la recherche effrénée de
porteuses et porteurs de "hautes-de-formes". La "presse à sandale" met parfoit "l'or à la babouche". Toujours à l'affût de mes marottes -la rime est riche-, j'ai fréquenté les lieux favorables
à l'éclosion de ses longues tiges : les orchestres de bal, les coulisses des cirques, les boulevards chauds où "y'en a "des" qui se donnent un genre", et les vitrines des "chaussureries"
léchées à double titre.
Sexe. Sexe à talon. Obsession. Phantasme. Sexe : outil de plaisir et de procréation. Le sexe ne me quitte pas d'une semelle, me tourmente, m'envahit, me pollue, m'assiège.
Il faut redire les choses : je suis fétichiste à tendance sadomasochiste. Que faut-il faire ? Tuer le mal par le mal ? Mettre un voile sur ces pratiques ? Les enterrer ? Pour qu'elles germent
encore, plus vivaces ? Couper le poil ? Pout qu'il repousse plus dru ?
Que faut-il faire ?"
-----
Brèves :
Le Père Noël habite à Libourne.
La tradition est bien ancrée. Depuis que j'y crois plus fort qu'avant, j'écris tous les ans au Père Noël. Et il me répond. J'ai gardé toutes ses lettres.
"Le 11 décembre 2007,
Mon cher Père Noël,
Malgré mon âge, il me serait agréable de recevoir un tout petit signe de vous.
Plus que jamais, je veux croire en votre magie.
Je vous souhaite grand courage, et je vous aime."
Le secrétariat du Père Noël, sauf erreur de ma part, est installé à Libourne (33500), Centre de recherche du courrier. Mais si vous mettez "au ciel", "au Pôle Nord" ou "dans les
étoiles", la lettre arrivera quand même...
Tant qu'il y aura des facteurs...
Aujourd'hui, le facteur est passé. Mais il n'est pas passé comme d'habitude. Il a sonné à ma porte. J'ai dit : "Oui
?". Il a dit : "C'est le facteur." J'avais le choix entre un mauvais pli et un calendrier. C'était le calendrier.
Bien sûr, avec lui, j'étrennais la période des étrennes. J'avais le choix entre des chats, des chiens et un ours.
J'ai pris l'ours.
**
*
Frais postaux en sus.
L'immense Michel Simon (Si vous êtes patients, vous trouverez sur ce blog une photo inédite de lui, aux côtés de la dame à qui je viens de consacrer une biographie)
était un érotomane notoire.
Je viens de lire dans un journal paraissant le soir que l'acteur de "Drôle de drame" a fait frémir un guichetier de "La Poste", chargé d'acheminer un catalogue d'oeuvres
érotiques. Malgré une mise en garde de l'expéditeur, ce dernier a dû payer une surtaxe, au motif que l'envoi était contraire aux bonnes moeurs.
Sur une photo, on voit Michel Simon qui fait une fellation à un travesti, et tous deux regardent l'objectif.
Je me rappelle avoir lu quelque part qu'il existe des colonies de singes qui ne font jamais de dépression parce qu'ils se sucent entre eux, et d'autres qui en font parce qu'ils ne le font
jamais..."
Vous avez dit bizarre ?
JF
Raoul Jefe
6 décembre 2007
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"Je me souviens
du temps perdu.
Je me souviens du temps perdu. Et je vois la
cuisine, la table grise, la télévision, ma mère en face de moi, mon père à ma gauche, trop silencieux ou trop exaspérants. J'entends les longs silences suspendus au dessus des daubes, seulement
précédés des raclements de gorge de mon père qui indiquaient que, s'il fallait se mettre à table, c'était maintenant, là, tout de suite et pas dans huit jours. Et puis rien, des bruits de
mastications et de ruminations ; et surtout pas d'humour, un microclimat totalement dépourvu d'humour, chacun sur son verre -jadis de moutarde- bien distingué par Schtroumpf grognon,
Grand-mère Tartine et Caliméro. Et puis rien.
Ou plutôt si. Beaucoup, beaucoup d'angoisse quand, dans la télévision, aux nouvelles, on parlait d'un homme perdu qui avait tué ses parents ou violé une petite fille.
Cet homme perdu, c'était toujours immanquablement moi.
Il faut apprendre l'amour, le joli, aux enfants.
Tout dialogue est impossible, verrouillé.
J'aimerais pourtant dire que j'aime enfiler des bottes et me faire fouetter. Je voudrais une transparence totale ; pas de double-tiroir, double-porte, double-fond, double-vie.
Les tourments du sexe parasitent tout le champ de la pensée. Je crains, j'évite les situations d'échange et de convivialité.
Pour apporter la clarté et la transparence ; pour la preuve qu'une vie est celle d'un monstre, d'un crétin, d'une crapule ou d'un honnête homme, je propose ma solution : il faudrait s'installer
dans un cinéma et visionner un film qui durerait la longueur d'une vie, un film d'une seule prise, sans coupure, en temps réel, un peu comme dans "La corde" d'Alfred
Hitchcock. Il faudrait qu'une caméra assidue témoigne. Une caméra qui aurait fimé sans discontinuer, jour et nuit, à notre insu, avec des gros plans pour capter les sens et des
champs-contrechamps pour les échanges, sans négliger la bande-son.
Il y aurait quelques longueurs mais nous aurions des surprises...
Un film qui durerait
la longueur d'une vie."
Raoul Jefe
5 décembre 2007
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"Décrire sans circonscrire
Bien des choses ont évolué
depuis le début de la mise en lumière des troubles. L'écriture, cathartique, m'a permis de décrire sans circonscrire le mal. Rien ne me prédisposait à écrire : chez mes parents, il n'y avait
aucun livre. Aujourd'hui, une bibliothèque s'est constituée. J'ai vu apparaître entre mes doigts une plume qui m'a, on ne sait comment, guidé vers le psychodrame. Rien ne me prédisposait non
plus à écrire pour le théâtre. Voisinant avec les présents "carnets", des intrigues dramaturgiques dormaient dans des tiroirs. Totalement vierge en théâtre, je n'avais approché cette discpline
-majeure- que par le biais de représentations scolaires, telle "L'avare" de Molière, au théâtre Sorano. Je devais avoir quatorze ans.
J'avais écrit une première pièce "Agence", à l'instinct, sans les bases de données de l'écriture dramatique. Le thème, seul, ne m'était pas étranger : la frustration et ses nombreux
méfaits. Longtemps j'avais laissé dormir ce manuscrit et ne l'avais donné à lire qu'à quelques amis. Ils m'avaient en retour adressé quelques encouragements. Etaient-ils de complaisance ? Plus
tard, j'ai voulu savoir si mes écrits présentaient un certain intérêt ou si ce n'étaient que gribouillages d'adolescent et d'écrivaillon du dimanche.
Timidement, j'ai frappé à quelques portes autorisées...
* *
*
J'ai peur des femmes. Je ne vois plus en elles qu'un sexe béant et gluant qui va m'engloutir.
J'ai peur des hommes. Je ne vois plus en eux qu'un volumineux phallus qui va me farcir tous les orifices.
J'ai peur des enfants depuis que je n'en suis plus tout à fait un. Une amie bretonne avec qui j'entretiens une très belle relation épistolaire -nous ne nous sommes jamais vus et jamais parlé
(depuis bientôt trente ans !)- possède une grande finesse de perception. Elle a eu un jour les mots si justes que j'en ai été profondément ému : "Je fais le souhait que le petit garçon
qui sommeille en vous, avec toute sa tendresse et sa sensibilité se réveille et s'affirme comme le meilleur. Quand au petit garçon effrayé qui bouscule et complique la vie de l'homme que vous
êtes, que le vent fort de ce jour en Bretagne l'emporte pour toujours."
Longtemps, j'ai eu peur du Christ sur sa croix. Méphistophélès m'obligeait à faire une fellation au Christ qui devait aussi simultanément me sodomiser !
Un sexe dans la bouche ; un autre dans le derrière, ça fait pas un sexe de trop pour un seul homme ?
A moins que ce ne soit l'ubiquité...
A moins que
ce ne soit l'ubiquité."
Raoul Jefe
4 décembre 2007
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"Devant : un profond ravin.
Derrière : un ours en colère.
Juste devant moi, un profond ravin ; juste
derrière, un ours en colère que tout porte à croire que je lui ai volé son miel ; de part et d'autre des arquebusiers, toutes flèches tendues.
Je suis cerné.
Cette image illustre l'état de paralysie dans lequel me plonge la névrose. Lorsque cette scène n'est pas "objectivement" vécue, elle est fortement redoutée. C'est l'anticipation de
l'angoisse.
Les obsessions et leurs pendants, les compulsions, génèrent l'aboulie. Le schéma est le suivant : je n'entreprends rien parce ce que je vais connaître des compulsions.
Il est important de rappeler que les TOC sont épuisants.
Passé le plus tard possible, je quitte le bureau.
J'ai du mal à marcher. Je suis assiégé de doutes, de fatigue et d'angoisse. J'ai peur du vide. Déstructuré, j'ai du mal à imaginer mon corps inscrit dans l'espace. J'aimerais pouvoir m'écarter
de moi-même et me regarder vivre. Les visages des passants semblent m'agresser, me reconnaître, m'en vouloir. TOUS LES GENS SEULS SONT DES GENS SUSPECTS. Je suis tourmenté par mes vieilles
frayeurs thématiques. Avec ses accessoires : je suis oppressé, j'ai mal à la tête, j'ai mal au ventre, j'ai envie de vomir, j'ai trop chaud ou j'ai trop froid. Je suis un homme d'excès et de
démesure. Je rumine. Je ressasse.
J'ai du mal à me concentrer : mon cerveau ressemble à une centrifugeuse. Et je me disperse. Les angoisses sont abyssales. L'esprit parasité de pensées nocives, de peurs irraisonnées. Sexe. Je
"sadomasochise" clandestinement. Je vois des cuissardes et des fouets partout. J'achète une revue spécialisée, pour la jeter immédiatement après.
Aux soirs venus de déroutes et de routes déviées, je consulte une messagerie vocale. Des opinions s'échangent...
Se faire attacher et fouetter et aimer ça, quelle importance ?
Moi, je suis dans un courant alternatif : j'aime ça et ça m'angoisse. Fascination et répulsion.
J'ai longtemps cherché une image qui expliquerait ce qu'est une angoisse à ceux qui n'en ont pas : une bombe qui va exploser sous le cuir chevelu ; un gouffre ; des souris qui grignotent le
cerveau...
J'ai longtemps cherché.
Je n'ai pas encore trouvé.
Fascination et répulsion"
Raoul Jefe
3 décembre 2007
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ON JASE GRATIS
Ce blog se veut ni bête ni méchant, mais ce soir il me vient l'envie de "m'amuser".
Il aura fallu qu'un "papier" qui se dit "journal gratuit" dont on nous farcit la main, à nous qui sortons, comme l'avait prévu Brel de ces "métros remplis de noyés", traîne
négligemment sur une table.
J'ouvre et je lis :
Page "Détente" :
"Demain, nous serons le mardi 4 décembre 2007. Lever : 8H25 - Coucher : 16H55"
Saint de demain : Sainte Barbe. C'est une grande fête aujourd'hui chez tous les pompiers. Pourtant, l'histoire de Sainte Barbe est terrifiante, bien plus que celle d'un incendie ordinaire. En
effet, au IIIe siècle, son père brûle entièrement à l'instant où il l'assassine parce qu'elle est chrétienne."
Page télévision :
"3 étoiles. A voir absolument : Du mou dans la gachette."
On peut très bien éteindre la télé, ou, mieux, ne pas l'allumer.
On peut se coucher tôt et se lever tard.
Par contre, il est difficile de ne pas savoir à quel saint se vouer.
JF
Raoul Jefe
3 décembre 2007
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"Je porte la maladie
comme une bannière
Je porte la maladie comme une bannière. Je n'en
finis pas d'analyser. Qui suis-je, au fond ? Je suis plusieurs. J'aime les dés. Ils ont toujours une face cachée quand ils lévitent.
Où commencent les troubles de la personnalité, comme ceux du comportement ? Enfant, je me cachais souvent. Adulte, j'ai peur des gens, à l'état brut. C'est une maladie.
Bon.
C'est "de naissance" ou bien "ça m'est venu par la suite" ?
J'avance péniblement. Tout me coûte. Je force des portes en permanence. Je vis en plain brouillard mais "putain, que les éclaircies sont belles" !
Je repense aux belles choses de ma vie. Comme tous les grands timides, je suis capable (coupable ?) de grandes audaces : faire déplacer un grand spécialiste du SIDA pour une émission de radio ;
mobiliser la compagne des îles Marquises de Brel, pour baptiser une salle des fêtes du nom du chanteur ; faire rencontrer encore des proches de Brel, désireux de se
rencontrer depuis longtemps mais n'y parvenant pas ; faire en sorte qu'une ancienne artiste de cirque ne soit pas oubliée...
Je suis à la tête d'une ingérable névrose. Je ne suis pas assez fou pour qu'on m'enferme et trop pour vivre normalement. La souffrance est réelle et sous-estimée. On peut peser des fruits et
des légumes ; on ne pèse pas la souffrance. Et nous sommes, paraît-il, très inégaux en face d'elle. Telle personne va développer une dépression parce que son canari est mort ; telle autre parce
que c'est son conjoint...
La douleur est sèche. Parmi les manifestations physiologiques qui s'annexent à l'angoisse, l'une d'elles est particulièrement pénible : la très grande fatigue qui plombe les semelles, bétonne
la tête et leste les bras de lourdes valises.
Encore autre chose qui me vient à l'esprit, si vous me le permettez : l'apparence physique. On sait déjà, si on m'a lu en amont, le peu d'harmonie suscité par mon corps. Voici que, sous l'effet
du regain d'intérêt y afferent porté par mes assaillants, il va se donner "corps et âme" à la boulimie. Résultat : j'ai du ventre, des bajoues et un double menton. Et je ne supporte pas du tout
cette image...
Mon visage porte le masque de l'angoisse. Je suis un chien sauvage, traqué, apeuré. Je suis un petit enfant qui a toujours peur d'être pris en faute. Où vais-je puiser la force de sourire,
d'avoir un bon mot ? Je ne sais pas de quoi sera fait le prochain quart d'heure : voilà pourquoi j'ai du mal à me projeter dans le temps. Je "gère" impulsivement "l'immédiateté". Les obsessions
surgissent sans crier gare.
Si mon visage n'est pas félon, mon timbre de voix ne l'est pas non plus. La voix se décline en tessitures "parlantes" : voix de rogomme dès potron-minet ; de fausset devant l'adversité ; chaude
et chaleureuse dans les moments de sérénité. Et dans l'obtusion mentale propre aux névroses, elle s'altère et s'efface purement et simplement pour devenir mutisme.
Ce qui m'exaspère le plus, c'est que je ne peux pas donner libre cours à ma nature profonde. Il y a un manque de lien entre la volonté et l'action. "C'est de l'aboulie" disent les manuels
foliotés de la folie.
Quelle est donc cette force qui m'empêche d'être moi-même ? Un esprit que ça arrangerait dirait qu'en pareille circonstance, il est envoûté. Ma vie est à portée de main. Qui retient mon bras
?
Qui retient mon bras ?"
Raoul Jefe
2 décembre 2007
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21:06
A Sandrine,
d"OSEZ"...
Pour faire tomber les tabous, sans vulgarité
www.osez-desir.com
Raoul Jefe
2 décembre 2007
7
02
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20:18
"Le gras du bouillon
fait briller
les cheveux dans la soupe...
J'ai dissimulé mes troubles du mieux que j'ai pu,
mais maintenant, le gras du bouillon fait briller les cheveux dans la soupe. On ne m'a pas fait de cadeaux. J'en ai bavé. Des ronds de chapeaux et des semelles de bottes... Je ne serai pas
assez fou pour qu'on m'enferme et trop pour vivre normalement.
Oui, je change de temps à chaque phrase ; je malmène la conjugaison. Et alors ? Les obsessions se foutent pas mal de la concordance des temps.
Sexe. SIDA. Solitude. Famille. Frustration. Cuissardes. Putes. Psoriasis. Phimosis. Cyphose. Névrose. Spasmophilie. Phobie. TOC. Au bureau où je suis, obscur employé aux écritures, les dossiers
s'empilent jusqu'au plafond. Il faut les traiter au mètre-cube. Hélas, trois fois hélas, je suis paralysé ; je compulse des feuillets rédigés en serbo-croate... Je ne peux plus avancer, piqué
comme un insecte sur la planche d'un entomologiste. Je suis emmuré dans le ghetto de ma névrose. Rien n'est simple et tout se complique. Je comprends que certains de mes contemporains
assermentés aient pu me taxer de simulateur ou de tire-au-flanc. Je prête le mien aux commentaires calamiteux. Les salons bien pensants aiment se repaître de "merdre" en papillote. Que dire ?
Que faire ?
A mi-chemin entre le culot et l'énergie du désespoir, je tentai un ultime soubresaut, perdu pour perdu.
Puisque mes pauvres lèvres étaient impossibles à dire ma détresse ; puisque ma souffrance était réelle et sous-estimée, j'optai sans vergogne pour un filtre qui, s'il est mal manipulé, peu
produire l'effet contraire à celui escompté, c'est-à-dire ne laisser passer que les impuretés. Ce filtre est public et grossissant : il s'appelle médiatisation.
On peut bien dire ce qu'on voudra : narcissique, mégalo, exhibitionniste, je n'en ai rien à faire... Je pense avoir "géré" ma "promotion" avec juste ce qu'il faut de pudeur et juste ce qu'il
faut d'orgueil.
Cette année-là donc, un quotidien titrait à la une : "Atteint de troubles obsessionnels... il raconte son enfer quotidien." Un grand papier, illustré de ma photo en gros plan,
racontait avec des mots choisis et justes le lot commun des "toqués" ;
cette année-là, -c'était sans doute le Moyen-âge des TOC- je "passai" à la télévision dans une grande émission médicale. On m'y voyait dans le feu de l'action, sous la mitraille d'un tir groupé
de TOC. Le tournage avait duré quatre heures. Le preneur de vues et le preneur de son avaient un sujet complaisant : les multiples prises, nécessaires à l'élaboration d'un sujet parfait, ne
sont-elles pas, en puissance, des compulsions ? Coupez ! On la refait...
Le montage rendit une quintessence de trois minutes crédibles.
On me reconnut déjà dans la bande-annonce de l'émission : un grand dégingandé qui ouvrait et fermait sa boîte aux lettres plus souvent qu'il n'est permis sous le fallacieux prétexte qu'un pli
confifentiel pouvait y être à jamais perdu.
Raoul Jefe