5 août 2007 7 05 /08 /août /2007 08:27

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Marthe Fauré née Trémolières sur son lit de mort. Août 2006.
(Cliché JF)

Je n'aime pas les jours anniversaires.
A la rigueur les lendemains d'anniversaire :
Hier, le 4 août 2007, il y a un an que la "femme de ma vie" nous quittait.
Je déteste les chiffres.
Seul le temps compte.
C'est lui donne. C'est lui qui prend.
Que l'on soit croyant, athée ou agnostique.

"Dans le temps, on montrait les morts. Aujourd'hui, on ne montre plus les morts. (...)Les gens se croient bien portants. Et de se croire bien portants à se croire immortels, il n'y a qu'un pas et, me semble-t-il par moments, un certain nombre de leurs problèmes sont des problèmes d'immortels, alors qu'on est mortels. (...)
L'idée de la mort n'est pas une idée triste : c'est une idée d'une salubrité fantastique."
Jacques Brel. ("Radioscopie" avec Jacques Chancel en 1973.)

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4 août 2007 6 04 /08 /août /2007 11:13
Les commerçants ambulants.
"Si tu ne vas pas à Lagardère, c'est Lagardère qui ira à toi."  Telle pourrait être la devise, écrite sur les flancs des camionnettes, fourgonnettes, estafettes, toutes avec deux "ailes" et deux "t" qui parcouraient les campagnes, bondées de denrées et de produits divers. Du plus loin qu'il m'en souvienne, arrive en tête de cette course automobile de la mémoire, la "203 commerciale" de Paul Casaméa, le boulanger. Le samedi matin, c'était "l'épicier de Paulhac" Oltra, dans le petit fourgon de la marque au losange. En tiercé gagnant sans photo, il était talonné, presque roue dans roue, par le camion -que le prisme filtrant de mes souvenirs me fait voir plus pansu- de l'épicier "Spar". Là, joie ! Il y aurait un cadeau dans le paquet de lessive "Bonux", et une sucette qui faisait aussi sifflet. Il était suivi le samedi après-midi et le jeudi matin par le "tube" du boucher. Pour s'annoncer, il jouait une petite cantate au klaxon : "Ta ta ta ta ta ta ta ta". Il ouvrait son hayon et alors, je découvrai, alors que ma mère demandait son gîte habituel, pour le pot-au-feu du lendemain, le grand billot de bois aussi haché que le biftec qu'il avait supporté, et les énormes couteaux de conte ou de "Psychose". "Wolf", patient comme un chien assis, attendait le moment délicieux où le vol plané d'un morceau d'échine viendrait rejoindre ses babines. Enfin, bon antépénultième, le boulanger "Delmas", "Peugeot" gris et tablette basse où se mêlaient le bon pain et les petits chocolats en forme de fête religieuse -oeufs, poissons, cloches, pères Noël et Petits Jésus-. Voiture-balai ou Lanterne rouge, les "Magasins bleus" proposaient des fripes qui n'étaient jamais à la bonne taille, et "Le Bonhomme de Neige", opportuniste des congélateurs paysans, venait jeter un froid dans le porte-monnaie de maman.
On a trop tiré sur les ambulants. Ils sont à la casse, au cimetière des nostalgies, ou en photographie chez un carré d'irréductibles collectionneurs.

Réunion de crise.
De la difficulté de choisir un titre pour un livre consacré à sa mère.
Monsieur mon éditeur me presse de lui remettre ce présent manuscrit pour des raisons qu'il m'a expliquées, mais que je n'ai pas su, ou voulu comprendre. Je lui fais une confiance absolue.
Après le succès remporté par mon livre précédent "J'ai très bien connu Jacques Brel", j'ai pensé à "J'ai très bien connu ma mère". Mais ça fait trop "reçusée", trop sériel, trop "exploitation d'un filon".
Puis j'ai pensé à "Une maman, c'est important". Mais ça fait trop mièvre.
Puis j'ai pensé à "Marthou". A "Vé", qui m'aurait permis de renouer avec ma période "théâtre" où je donnais des titres très courts...
Devant mon indécision Cornélienne, un ami m'a même glissé à l'oreille, pour la désamorçer "Partouzes Lituaniennes"... "C'est vendeur" m'a-t-il dit.
Finalement, j'ai retenu le titre que vous savez.
Et vous, qu'auriez-vous choisi ?

La Maison Grise.
La Maison Grise devient verte l'été. Elle s'habille d'un corset de vigne vierge. L'hiver, elle retrouve son teint blafard et ses veines saillantes. Bâtie en 1967, on lui affubla pompeusement le nom de villa. A la campagne, certains mots, chez ceux qui n'en possèdent pas beaucoup, sont investis d'un pouvoir suprême. Ainsi, au hameau des "Rouquiès", si vous en aviez cru les autochtones, il y a "Le Château". En fait de château, si vous vous transportez sur les lieux, vous découvrirez une belle demeure certes, aussi carrée qu'un "Rubik's cube", qui n'est en fait qu'une "Maison de Maître" avec belle allée et parc arboré, qui peut entretenir l'illusion du placébo aristocratique.
La Maison Grise et Verte est à l'écart du hameau. Ses persiennes orange viennent compléter l'idée qu'elle ne déparerait pas dans un tableau de Chagall.
Le rez-de-chaussée est tout entier garage, cellier, cave, avec une partie encore en terre battue. Nous habitions l'étage, auquel on accédait par un escalier extérieur, terminé par un balcon qui n'avait pas les moyens de faire le tour de la bâtisse. Alors on l'avait arrêté juste après le percement de la porte. A l'étage, les pièces étaient desservies par un couloir en L renversé.

Cellule de crise.
Au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture de ce texte, on est en droit de se poser quelques questions sur l'auteur.
1) Qu'est-il devenu ? (On ne sait rien de ce qu'il est, de ce qu'il fait au moment où il rédige ces lignes.)
2) Sa mère est-elle morte ?

(A suivre)

Joël Fauré

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3 août 2007 5 03 /08 /août /2007 16:07

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Square Wilson, Toulouse.
Le poète occitan Goudouli et sa muse Liris.
(Cliché JF)


C
amille sera de retour du Portugal prochainement. Elle ne fera pas de "soirée diapos", elle me l'a promis. Elle fera mieux. Elle vous fera partager ses ressentis et émotions avec des mots...
A propos de mots, juste avant son départ, je lui avais suggéré d'écrire un petit texte érotique...

VOUS M'AVEZ DEMANDE...
par Camille C.

Vous m'avez demandé un texte érotique et c'est un vaste défi car vous savez que je ne saurai pas l'écrire.
Tout de même, je le relève.
Il y a bien cet homme et cette femme, sur le rocher blanc, au centre de l'urbaine placette.
C'est un poète. Il est assis d'une manière assurée, une jambe tendue et l'autre ramenée vers sa large ceinture. La taille est fine et contraste avec de costaudes épaules dont les muscles développés marquent la chemise de serge froissée. C'est suggestif.
Si je pouvais toucher, ne serait-ce qu'effleurer le galbe de sa peau... la sentir.
Je suis trop loin et je me contente d'imaginer, mais des frissons me parcourent, premières sensations...
Son visage de plâtre ne doit pas être si blême ; je le sens hâlé par les rayons du soleil occitan. Les cheveux de cet homme sont assurément blonds comme des épis de blé, ce sont des critères de beauté. C'est excitant. Si les cheveux sont clairs, ses yeux sont bleus ; cela je le veux et j'en décide ainsi. Après tout, c'est à moi qu'il convient d'évoquer, pauvre martyre ; que ne ferai-je pour votre plaisir ?
C'est un caprice car mon ventre vide commence à se tordre ; l'appétit me vient en regardant...
Son chapeau de feutre lui sied parfaitement, il est assuré de son effet ; je le lui retirerai bien volontiers pour passer mes doigts laqués dans ses cheveux bouclés qui lui barrent les sourcils et se perdent dans son dos.
Maintenant, je le contourne, car je n'ai pas songé à regarder de ce côté. Je crois que je commence à me faire plaisir. D'ici, la carrure est plus cambrée ; qu'à cela ne tienne, je suis trop tentée pour m'arrêter à cet endroit où deux jolis creux marquent le bas des reins. Ma langue s'y retrouvera. Je suis affamée.
La ceinture fait obstacle ; je passe la boucle de métal sur mes lèvres rosées afin d'étancher ma soif... de mâle. 
Et c'est là qu'il faut rêver, imaginer, fantasmer, délirer à la manière de Joël Fauré, sur ses longues jambes gainées de cuissardes fauves à l'odeur entichante et musquée !
Je peux le faire aussi et je passe mes mains sur le cuir dans un geste de sensualité que vous ne pouvez pas imaginer... car elles sont déjà remontées pour toucher, pour fouiller, pour déshabiller et flatter, lécher... la sueur...
Qu'alliez-vous imaginer ? C'est un plâtre ! Une statue ! Il n'y a ni feutre ni cuir. 
Comment pourrai-je un instant oublier que cet homme figé n'a d'yeux que pour sa muse Liris à ses pieds alanguie.
Oui, elle est nue.
Oui, elle est belle.
Non, vous n'allez pas recommencer ! Candide Camille.

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3 août 2007 5 03 /08 /août /2007 11:52
Mange, ça va être froid.
Chez moi, ce n'était pas chez moi, c'était chez eux... Ma mère et mon père. Chez eux, il y a toujours eu du vin à la cave et du lard au grenier... Le grain, de blé et de raisin, permettait de lire des avenirs à mettre en silos et en barriques... Le jardin promettait des patates et des oignons, de l'ail et du persil. Le cochon tout. Les poulets faillirent un temps être amnistiés, ma mère refusant obstinément de les exécuter. Mais devant le prosélytisme de Georgette, sa belle-soeur, elle se fit tueuse en série des affidés et des inféodés de la Basse-Cour. Secondée par Georgette convoquée, ma mère égorgeait, récoltait les sangs, taillait dans le gras, coupait les cous, cassait les os... Les graisses étaient fondantes et les cuissons prometteuses.
Mais ce sont les canards surtout qui ont connu un grand génocide. Les musquets et les mulards. 
Avant l'arrivée des condamnés, ma mère s'affairait aux préparatifs orchestrés comme une messe, le Saint-Office d'une anti-Mi-Carême. Dans un plat, elle faisait un lit de mie de pain, d'ail, de persil et de lardons. Il était destiné à recueillir le sang des palmipèdes, qui venait noyer la mixture. Une fois le sang figé, on donnait à la préparation ainsi obtenue le nom de sanquette. Et tout se terminait dans une poële à frire, puis son un filet de vinaigre.
Sous un trépied, dehors, près du poulailler, un feu était allumé. Dans une grande lessiveuse, de l'eau était mise à bouillir.
Les canards, il faut les ébouillanter avant de les plumer, sinon les "targnots" ne viennent pas. Les "targnots", ce sont les racines des plumes, enfoncées dans la chair, comme des pieux dans une prairie. Quand on presse un peu dessus, il y a du sébum qui gicle. Je le savais mais je l'avais oublié. Je m'en suis ressouvenu en me rasant : c'est plus difficile avec de l'eau froide.

J'adore sucer...
les os du lapin, du canard, du cochon... fendre la tête et manger la cervelle. Et manger des produits improbables : la queue du cochon, les ris du veau, les sot-l'y-laisse, les mous...
A creuser sa propre tombe, autant la creuser avec une fourchette.
Ma mère m'a-t-elle nourri plus qu'élevé ? J'ai la reconnaissance du ventre. J'ai entassé le jaune des oeufs, le vert des salades, le blanc des poulets, le noir du chocolat liés par un gros rouge qui tache... qui tâche d'annuler la tête...
Puisque ma mère m'y invitait, m'y incitait, j'ai bouffé, boulotté, bâfré...
puisque je ne savais pas que je ne pouvais pas baiser.

"La nourriture de votre mère, c'est une monnaie d'échange."
C'est ma neuro-psychiatre, le docteur Marie-France Moles-Durand, 26, rue du Languedoc, Toulouse (Hospitalisations : Clinique de Castelviel, Chemin des Affreux, 31180 Castelmaurou) Maladies du système nerveux - Psychotérapies, conventionnée, Secteur I. Téléphone : 05.61.52.92.75. (Appelez-la de ma part) qui me l'a dit.

Le syndrome de Stockholm.
Il est des bourreaux qui fournissent les vivres. Il est de gentils assassins à qui on ne peut vraiment pas en vouloir. En voulant me faire beaucoup de bien, ma mère, la femme de ma vie, m'a fait beaucoup de mal. Elle a dicté toutes mes décisions, fait infléchir toutes mes intentions, m'a mis en porte-à-faux avec les Institutions...J'ai été retenu en captivité.  J'ai été en otage, et personne -ou presque personne- ne l'a su. Elle m'a couvé, surprotégé, gâté, pourri : c'est ce que veulent entendre d'aucuns ? Voilà, c'est dit. A bon entendeur, salut.
Aidez-moi à répondre à une question : "A-t-on le droit d'en vouloir à ses parents ?"

Ephémérides.
Morceaux choisis.
Dimanche 18 décembre 1980 : Repas du dindon avec toute la famille.
Saucisson-beurre. - Coeurs de palmiers oeufs durs tomates. - Pâté foie canard. Coquilles Saint-Jacques. - Ris de veau sauce. - Champignons lactaires. - Dinde aux marrons. - Fromage. Salade endives. Bûche glacée. Bûche au chocolat. Fruits oranges bananes pommes.

(A suivre.)

Joël Fauré

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2 août 2007 4 02 /08 /août /2007 17:59
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Affiche de Jeannette Mac-Donald
Illustration de Ruddy - imprimerie Chabrillac


DEMAIN SUR CET ECRAN :
Le 12e épisode de "LA FEMME DE MA VIE"
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2 août 2007 4 02 /08 /août /2007 11:37
Quand Jeannette vivait dans la forêt.
Pleine, une vie l'est. Mais il n'est pas sérieux de la vouloir décrire. A peine ai-je dit : "la vie extra-ordinaire de Jeannette Mac-Donald" que le nom accroche. Mord. Fouette. J'entends d'ici mon père, lui outre-tombe, armé comme peut l'être un mort, me plomber d'un retentissant : "C'est cette femme qui t'a envoûté !". Sans doute avait-il raison, si l'on veut bien considérer que les envoûtements possèdent leur part de charme. Sans doute avait-il raison, le Vieux, ennemi de toujours de l'exotisme, seulement rencardé à 19 h 22 devant les "actualités régionales" présentées par Roger Surjus ou devant l'inaudible générique de "Questions pour un champion" -oui, si vous voulez me mettre au supplice, enfermez-moi quelque part et diffusez la musique du générique de "Questions pour un champion."-.
Nous sommes en 1973. J'ai 11 ans. Je suis plus habitué aux meuglements des vaches qu'aux rugissements des lions.
Jeannette Mac-Donald a fait les beaux soirs du cirque Français dans les années cinquante. Elle était dompteuse. Après une vie riche, intense, tout entière vouée aux bêtes -elle était la seule femme au Monde présentant un groupe de 10 lions-, elle a essuyé un revers de destin ; son cirque a brûlé, elle s'est retrouvée ruinée et a échouée dans la forêt de Buzet, dans un petit zoo qui végétait.
Je lui rends visite.
Sous les frondaisons de la forêt, elle a garé -pour toujours- ses vieilles roulottes, ses cages, son vieux chapiteau, ses lions, ses singes et son Arche de Noé. Elle a dans ses cheveux et son sillage le parfum vivifiant du voyage.
De sa vie dans "le Cercle Enchanté" ne restent plus que quelques photos jaunies -avec Michel Simon, Achille Zavatta...-, des programmes, des affiches et des costumes de piste. Des bottes, des gants, des fouets.
Je mesure, à l'aune de mes réflexions d'enfant sauvage, la chance que j'aie de gagner l'affection de "la dame du cirque", malgré les admonestations de ma mère qui me dit que je devrais pas fréquenter cette bohémienne, cette gitane, cette "voleuse de poules". N'empêche, je suis le petit garçon de "Cinéma Paradiso" devant la star de "Boulevard du Crépuscule".
Les "Amar, Bouglionne, Gruss et Zavatta" deviennent plus familiers que de lointains cousins. Elle me conte mille historiettes du Monde fascinant du Cirque...
Si mes doigts et ma tête me le permettent, un jour peut-être, je vous promets un livre sur Jeannette...
Elle vivait dans une minuscule caravane qu'elle appelait sa "caisse à savon", sans eau courante et sans électricité !
Tout mon temps libre, je l'ai passé là, dans la ménagerie Mac-Donald... au grand désespoir de maman...
Le dimanche, je devenais caissier du petit zoo (entrée 5 francs pour les adultes et 3 francs pour les enfants) et m'improvisais vendeur de cachuètes, de sucettes et de Coca-Cola...
Et quand Jeannette, le coeur plein mais les poches vides, me demandait de lui acheter une bouteille de gaz ou de lui avancer 100 francs, je le faisais, au nom des paillettes et de la poudre de perlimpinpin à mes yeux de ce bleu si clair, donc si fragile, si facilement aveuglé...
Pour une passion, faut-il dire "Combien ça vaut ?" ou "Combien ça coute ?" ou encore "Quand on aime, on ne compte pas ?".
Ma mère ne fit pas de sémantique. Lorsqu'elle apprit que j'aidais financièrement "la dame du zoo", sa sensibilité sanguine d'Auvergnate la propulsa dans la forêt. Et malgré mes tentatives d'apaisement, elle déboula dans la cage aux fauves et déclara que je n'étais pas un "tiroir-caisse"...
Ca se passait comme ça chez Mac-Donald.

Ephémérides.
Dimanche 10 juin 1979 : allés avec Joël au cirque Pinder à Saint-Sulpice. 2 places à 27 F l'une.
Lundi 2 juillet 1979 : Jeannette est venue voir le film "L'Age ingrat" avec Fernandel, Jean Gabin.
Dimanche 28 septembre 1980 : allés à la fête de Villemur avec Fernand. Joël resté au zoo.
Dimanche 1er mars 1981 : Le directeur du cirque Pinder donne 5 cartes de 4 places chacune à Joël pour Jeannette Mac-Donald.



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1 août 2007 3 01 /08 /août /2007 16:37
L'ARGENT N'A PAS D'ODEUR MAIS LES LIVRES OUI.


Si j'avais été Clémenceau, je n'aurais jamais prononcé cette phrase idiote :  "Une phrase doit comporter un sujet, un verbe et un complément direct. Pour les compléments indirects, venir me voir..." Je trouve que cette phrase est un "tue-littérature".Je n'arrive pas à la comprendre.
Si j'étais patron d'un journal moi, je laisserai carte blanche à mes reporters. Et ça donnerait quelque chose comme ça :

Coimbra (Portugal) - De notre envoyée spéciale Camille C.
Visiter l'Université de Coimbra est un enchantement des yeux et de l'esprit. Du nez aussi. Les livres ont une odeur... La bibliothèque n'est pas grande, tout en hauteur. 
(NDLR : ça; c'est de Camille, ce qui suit, c'est "pompé" sur l'une de ces feuilles photocopiées dans toutes les langues que l'on trouve dans les lieux publics... chut...) "Tous ces exemplaires sont dans un excellent état, l'édifice constituant un réceptacle parfait et dont l'atmosphère est absolument stable, tout au long de l'année, en été comme en hiver. L'édifice a en effet été conçu pour être une "maison de livres", protégée par des murs de 2 mètres 11 de largeur. La porte de ce véritable "coffre" est faite en bois de tek, ce qui assure une température constante de 18 à 20°. Pour préserver la stabilité de l'atmosphère, les niveaux d'humidité relative sont maintenus dans les 60 %, ce qui est possible grâce aux lambris qui revêtent les murs. Les livres, par ailleurs, ne craignent pas seulement les écarts de température et d'humidité mais également les insectes "papirophages". Pour résister à ce dernier ennemi, les étagères ont été faites en chêne, matériau qui, en plus de son extraordinaire densité obstacle à la pénétration, dégage une odeur qui repousse les insectes. Les livres comptent encore un autre allié dans ce combat quotidien contre la dégradation, une colonie de chauve-souris, habitant ce sanctuaire de livres, défend les volumes contre les insectes. Il va de soi que la présence de ces petits mammifères requiert des soins supplémentaires pour protéger le bois précieux des superbes tables contre leurs déjections. Un employé les recouvre tous les soirs de housses de cuir et tous les matins procède au nettoyage des salles.
(NDLR : la suite est de Camille.) J'ai levé les yeux et j'ai vraiment cherché à apercevoir une chauve-souris suspendue à un vieux dictionnaire, pourtant, ce n'est pas un gag, c'est inédit, tout simplement.
Note Interne : Il est possible que les pipistrelles ne sortent que la nuit, et, comme il paraît que ce sont des animaux timides, peut-être vont-elles se réfugier, les jours de grande affluence touristiques, entre les pages d'un roman ?

Si j'étais redacteur en chef d'un journal, j'ajouterais un petit "encadré", deux ou trois choses qui se lisent vite.
Leur bibliothèque...
"Un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle" dit un proverbe Africain. Plus près de nous, l'Académicien Toulousain José Cabanis disait que "chacune de ses peines avait été soulagée par la contemplation de ses rayonnages". Un peu plus loin, le Bordelais Montaigne -qui fut longtemps abonné à notre titre et qui y signa de splendides esssais- se fit construire une tour pour vivre au milieu de ses amis silencieux. Enfin, de derrière les Pyrénées, Michel Del Castillo renchérit : "Tant que je pourrai voyager autour de ma bibliothèque, je ne me sentirai jamais tout à fait désespéré."

Jo. Fa.


Bon  à tirer.


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1 août 2007 3 01 /08 /août /2007 11:49
La forêt de Buzet.
La forêt de Buzet s'étale comme la chevelure d'une jolie dame. Elle sent bon en toutes saisons. La pluie lave ses mèches. Le soleil moire ses houppiers. Le givre la laque. Le vent la fait frétiller et le temps teinte ses bouclettes.
Connaissez-vous la légende de la forêt de Buzet ?
Savez-vous que toutes les nuits de vent et de pluie, le vocabulaire de la forêt se donne rendez-vous pour s'amuser à construire des phrases ?
Il y a là de mots très simples comme "arbre, feuille, fougère, clairière, lierre, mousse, champignon."
Des mots plus compliqués comme "chêne sessile, chouette effraie, orée, houppier, tan, regros..."
Et enfin des mots très savants comme "sylve, saboté, sente, lai, chablis, futaie, aubier..."
Ils écrivent un Grand Livre qu'ils tiennent caché, et qu'ils mettront seulement à la disposition du Monde lorsqu'il sera terminé. Je leur ai promis de ne pas leur porter ombrage, avec l'ouvrage que vous avez entre les yeux...
Nul ne sait où est sa cachette, pas plus que nul ne sait où cette Société Secrète se réunit.
Et ce n'est pas faute d'avoir essayé de l'approcher, de la domestiquer.
Amis, voulez-vous vous bien chausser, vous bien couvrir, et venir avec moi à la recherche du Grand-Livre, et des choses écrites de la dernière pluie ?

Une nuit, alors que, longeant la forêt, je rentrai chez moi, j'entendis soudain des sanglots. Je m'approchai et je vis un sentier battu qui pleurait à chaudes larmes.
" - Nous n'avons pas la chance de la forêt de Brocéliande, se lamentait-il, avec ses riches heures et ses pittoresques personnages. Nous n'avons pas la célébrité de la forêt de Sherwood, avec Robin des Bois."
J'entendis quelqu'un répondre, que je ne voyais pas :
"- Il nous faut inventer notre propre histoire... Ce n'est pas par ce que nous dirons et nous ferons que nous aurons... Mais ce que nous écrirons sera notre vrai Trésor."

Et ainsi, ils se mirent à travailler...
Et c'est alors que je vis arriver des éperviers, des faucons hobereaux, des circaètes, des gypaètes barbus, des aigles bottés, des busards et des fauvettes venus des coupes, des pics et des pies grièches écorcheuses, de la périphérie ; et des pipits rousseline, des hibous majeurs ducs, des chouettes milan noir et des engoulevents.

Je racontait mon histoire fabuleuse à ma mère. Elle me répondis : "Mais où est-ce que tu vas chercher tout ça ?"

Quand Jeannette vivait dans la forêt...
Si vous consultez une carte de l'Institut Géographique National, vous constaterez que la périphrase de "poumon vert" est vraiment le terme ad hoc pour la forêt de Buzet. Comparez-là avec les planches anatomiques du "Petit Larousse Illustré". Les formes dont identiques.
S'il est une autre histoire, amis, que je dois vous conter, s'il est un autre personnage que je dois dessiner, dans ce petit livre consacré à ma mère, c'est bien ceux qui suivent. Ils auront du mal à contenir dans ces fragments éclatés, ces pièces de puzzle avec leurs contours si tourmentés.
Le lieu, je l'ai : c'est la forêt.
Quel vertige me saisit soudain, quand je veux écrire fort mais mesuré, tant la matière abonde et que je la veux maîtriser ?

(A suivre...)

Joël Fauré

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31 juillet 2007 2 31 /07 /juillet /2007 17:24
LA SEULE CHOSE QUE J'AI RESILIEE, C'EST MON ABONNEMENT A "LA VIE DES SAINTS" "LA VIE DES STARS" "LA VIE DES BETES" ET "LA VIE DES SAINTS STARS UN PEU BETES"


Une demie-page dans "Le Monde"  de ce jour consacrée à la résilience : il fallait au moins ça  pour appréhender le monstre, qui ne devrait pas en être un, puisqu'il est sensé être un mot réjouissant d'humanoïdes civilisés, qui ont tout compris, qui maîtrisent tout, qui n'aspirent qu'au plaisir et au bonheur.
Plume libre a été laissée à Serge Tisseron, qui n'est pas un inconnu dans la littérature des affections du dessus du cou. Il se pose des questions.
L'article est passionnant à plus d'un titre.
Il est titré : "Du bon usage de la résilience". Et le "chapeau" dit ceci : La "psychologie de bazar" n'est pas seule en cause dans l'abus du terme. La définition scientifique d'une "vie réussie" est impossible.
Madame Avy, qui fut mon professeur de Français préféré serait heureuse de savoir que j'ai dépiauté l'article avec une rigueur d'entomologiste.
D'abord, j'ai dégagé la définition initiale du mot résilience. "Les [scientifiques] sont les premiers à l'avoir introduit dans leur vocabulaire technique : le mot anglais résilience désigne à l'origine l'élasticité d'un matériau capable de retrouver sa forme après avoir subi des pressions." C'est le sens propre, dirait Madame Avy.
Or, c'est le sens figuré qui a mis en lumière cette fameuse "résilience" assaisonnée à toutes les sauces, et qui demeure associée à un homme, Boris Cyrulnilk.
Au sens figuré, "il désigne (...) une personne qui parvient à réussir sa vie après avoir fait face à un traumatisme grave." "Or, poursuit Serge Tisseron, il est évidemment très difficile de savoir ce que signifie "réussir sa vie" Et avec ça, on est bien avancé...
Si je devais donc résumer l'article, je dirai "qu'il est difficile de dire ce qu'est la résilience puisqu'il est difficile de dire ce qu'est "réussir une vie".
Soyons un peu plus concret et ne nous masturbons pas l'esprit avec des mots.
La gueguerre entre les psychanalystes et les comportementalistes ont fait suffisament de dégâts au détriment des personnes en souffrance. Enterrons la hache de guerre, par pitié !
Moi qui ai eu une méningite cérébro-spinale à 16 mois, (la médecine m'avait condamné), des réactions méningées dix ans plus tard, moi qui ai subi à 10 ans une circoncision "à vif" pour remédier à un phimosis (opération ratée, vie sexuelle sinistrée) ; moi qui ai développé un psoriasis assez disgrâcieux le dois dire ; moi qui suis hypertendu (sans me vanter, j'ai atteint des pics à 27.12) ; moi qui souffre de Troubles Obsessionnels Compulsifs très sévères et très invalidants ; moi qui connaît mes premières crises de goutte et de rhumatismes psoriasique ; moi qui pourrai militer dans une douzaine d'associations de patients ; moi qui ai des amis psys (et je sais qu'ils n'ont pas de baguette magique et ne se déplacent pas en soucoupe volante), la seule chose que j'ai réussi à résilier, c'est mon contrat à "La vie des Saints', "La Vie des Stars", "La vie des Bêtes" et "La vie des Saints Stars un peu bêtes".

P.S. : Je découvre, sous la plume de Serge Tisseron, que l'un des "pères" de la résilience est un certain Julius Ségal (qui a mon avis n'a jamais dû rencontrer la "pédégère" des éditions Odile Jacob) Je vais m'informer sur ce type.

Joël Fauré
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31 juillet 2007 2 31 /07 /juillet /2007 12:30
Quand Simone lavait son linge sale "en voisines".
Simone et ma mère ont acheté leurs premières machines à laver en 1969. Ou 1970. Au nom de l'incalculable nombre de lessives qui, depuis, se sont succédé, leur mémoire est imprécise. En revanche, elles n'ont pas oublié le temps où le seul tambour qui roulait, c'était celui du garde-champêtre. Le temps où les machines à laver avaient un toit et quatre murs.
Avec Félicie, Noëlie et Philomène, on lavait son linge sale "en voisines", au hameau des "Luquets", tout près de la placette qui ondule un peu, courbe l'échine et s'incline devant la Croix des Rogations. Le lavoir municipal était là, jouxtant le ruisseau, l'école, le dépôt d'ordures et l'édicule que n'aurait pas renié Vespassien.
Ici se sont dénoués sans mélange des torchons et des serviettes. Ici l'on a tordu et battu bien des draps qui n'avaient pas été sages. Puis on les a suspendus touts près, dans les prés, tels des rideaux de théâtre, parfumant l'air frémissant, rectangles blancs qui invitaient encore à ne pas les respecter...
Ici se sont évanouies la crasse, la sueur et la confiture qui n'avaient pas encore appris à se médiatiser. Seul, l'épicier itinérant "Fossat", dans son fourgon jaune citron pressé, et sur ses étagères encombrées, vantait les mérites d'un paquet de lessive-miracle d'où Philomène extrayait, entre le pouce et l'index, ces merveilleux cadeaux qui vous garantissaient la poudre aux yeux.
Et toujours au lavoir, en ce Parlement tombé en quenouille, les lavandières, bien loin de leur Portugal, commentaient les événements du hameau et des hameaux alentour : le sacrifice des canards et du cochon, la naissance de jumeaux, les moissons passées, les vendanges prochaines, l'heure de la messe des Rameaux, l'acquisition du "Massey Ferguson" et... un raton-laveur !
Que sont leurs dires devenus ? Se sont envolés dans les bulles de savon ? Peut-on les retrouver dans les vignettes colorées des illustrés "Fripounet" ?

Le dimanche, quand les habits étaieint propres, on les mettait. Le dimanche, des gens de la ville venaient. Guy et Suzon. Jeanne et Raymond. Louis et Marie-Jeanne. En cols blancs et souliers pointus. Ils restaient manger. Au dessert, les hommes allumaient leurs pipes et racontaient des histoires : "Quand Schubert a voulu faire "l'Avé Maria", Shakespeare a fait "Othello".
C'était à peine augurer sur les temps modernes : la vieille pompe à chapelet, privée de mains fidèles, a été priée de ne plus pomper ni l'eau ni l'air de personne.
Le seul argent qu'il allait falloir blanchir, c'était celui, moussant et sponsorisé par Pinay, destiné à l'achat d'un lave-linge.
Et c'est alors que les maisons -y compris les plus grises- se sont pourvues de cubes sages, alignés comme à confesse, d'où il semblait qu'on pouvait voir la mer et ses eaux mouvantes, à travers leurs navire quittant le mouillage.
Pour véhiculer le message, il aura fallu qu'une brave paysanne, solide carrure, passe dans un autre cube, la télévision, pour accréditer d'un répercutant "C'est ben vrai, ça." une attraction-vedette qui allait forcément mériter toute votre confiance !

Aujourd'hui, le lavoir municipal a subi une descente d'organe -le bassin- et a été transformé en salle de réunions ; le ruisseau est souvent à sec ; l'école, en France, en général, aussi ; les ordures sont enlevées selon la frugalité des repas et des achats, et on est prié d'aller pisser ailleurs.

Il conviendrait de laver son linge sale en famille. 
Mais comment faire quand elle est éclatée ? Mes cols sont souvent douteux, les pulls de laine s'imprègnent du fumet du coq au vin de chez "Flunch", les pantalons invitent à repasser un de ces jours...

Et j'ai dû débrancher la machine à laver.

(A suivre...)

Joël Fauré


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