LES TOCs NE SONT PAS UNE MALADIE DIPLOMATIQUE
"Docteur j'ai peur.
De quoi ? Voilà.
Guéris-moi d'mes maux
En deux coups de cuillère à pot.
De la mort, de c'qui mord,
De c'qui grince, de c'qui pince
Des coups d'froid, des fins d'mois
Des maux d'rein, des coups d'frein
(...)
D'avoir la vue qui baisse
De m'faire des taches de graisse..."
Jacques Debronckart (Docteur j'ai peur)
Texte et
photos
Joël
Fauré
Toulouse, 6 novembre 2010. C’est
la deuxième fois que la ville rose proposait une journée de sensibilisation aux troubles obsessionnels compulsifs, depuis la création de l’association et de l’antenne régionale.
Forte d’un plateau de qualité,
cette action s'inscrivait dans l'objectif d’être utile et d’apporter au grand public l’information de base sur une pathologie qui, on le sait maintenant, sort de l’ombre et du silence un peu
honteux où elle était tapie.
Destigmatiser la maladie, mieux en
parler pour mieux la repérer, la comprendre et la traiter, tels sont les axes directeurs de cette démarche.
Se sont succédé, sur la tribune de
la salle Barcelone devant un auditoire beaucoup plus clairsemé que lors de la première journée de 2002 (signe des temps ? Internet apporte de l’info "fraîche" à foison, mais pas
toujours fiable), des spécialistes du TOC, thérapeutes et souffrants - le vécu étant pour ces derniers un savoir.
C’est le docteur
Guy Parmentier, psychiatre à Albi (Tarn) qui a ouvert les travaux, avec un habile recours au célèbre aliéniste toulousain Etienne
Esquirol, celui-là même qui séria les vésanies et offrit une alternative aux douches froides et aux électrochocs. Son "cas de Mademoiselle
F.", une "intéressante malade" présentant un authentique dossier de "monomanie raisonnante" en 1838 permet aujourd’hui
encore de se pencher sur les multiples visages des obsessions et compulsions."Ce que je pense se réalise" : le Dr Parmentier a, pour étayer ses
dires, également "convoqué", depuis l’autre côté des Alpes, le psychologue suisse Jean Piaget (1896 - 1980) qui a décrit le "stade de la pensée magique", un ingrédient hélas toujours pas
périmé.
Margot Morgiève, psychologue à l’hôpital de La Pitié Salpêtrière à Paris, a ensuite
présenté le résultat d’un abondant travail de recherche auprès des patients et des proches, dont certaines paroles en disent long sur la méconnaissance, voire la sous-estimation du TOC :
"Je m’étais aperçu de scènes et de rituels, je me disais "quel Glandu !". Je ne m’étais pas imaginé que c’était un problème". Double pénalisation
de la souffrance et de son déni. Les études et les recherches de cette jeune doctorante sont prometteurs d’une génération de thérapeutes décomplexés face aux archaïques tabous de la maladie
mentale.
Christophe Giocanti-Belmonte, psychologue comportementaliste à Toulouse, a quant lui, détaillé une
thérapie comportementale et cognitive, basée sur un socle désormais bien établi aux preuves évidentes : l’exposition avec prévention de la réponse. Son expérience "Ne pensez pas un ours blanc" (1), vérifiée "in vivo" dans le public, donne le diapason de la forte implication du siège de la pensée.
Enfin Vincent Trybou, psychologue clinicien au Centre des Troubles Anxieux et de l’humeur à Paris, auteur de l’indispensable ouvrage co-écrit avec le Dr Elie
Hantouche "TOC, vivre avec et s’en libérer" (Editions Josette Lyon) a apporté un éclairage pertinent sur le dépistage et les nouvelles théories
explicatives des TOC résistants.
Maîtrisées, éprouvées, les
techniques de prise en charge des patients sont là encore porteuses d’espoir et le discours est "rassurant" pour reprendre le mot d’une souffrante présente dans l’assemblée.
Dans l’assemblée encore, bien
assis sur les chaises municipales de la salle Barcelone et sur ses toc enfin terrassés, l’un des tous premiers patients ayant bénéficié de la stimulation cérébrale profonde a apporté son
témoignage, celui d’un homme bien amélioré par cette technique opératoire.
On le voit, la littérature autour
du TOC gagne en étoffe et se répercute "sur le terrain".
L’AFTOC, depuis sa création, a
accompli un énorme travail de pionnier, et son président actuel Christophe Demonfaucon, a su établir des passerelles entre les différents
acteurs de santé.
Il a rappelé le rôle essentiel des
groupes de paroles en régions, des entraides et des liens indispensables qui doivent se créer, se perpétuer.
Du dialogue instauré entre le
public et les intervenants, entre questions sur les thèmes récurrents (la sérotonine, les comorbidités) et les témoignages ("Je me sens
robotisée" ; "J’ai des addictions"), il ressort que ces actions d’informations sont primordiales et se doivent d’ être relayées par
les médias.
Elles l’ont été à Toulouse, grâce
au quotidien "La Dépêche du Midi"et à sa télé locale par la présence efficace et précieuse de Sophie Voinis, journaliste sur cette chaîne, très impliquée dans ce travail. Elle a animé les débats avec un professionalisme qui n’a d’égal que son
humanité.
Il reste enfin à remercier
Monique Durrieu, qui représentait Pierre Cohen, maire de Toulouse et la Communauté Municipale de Santé (en particulier Cathy Crémadeills et Emmanuelle Keyser) sans qui cette manifestation
n’aurait pu se dérouler.
Joël Fauré
On peut retrouver sur le site de
"Télé Toulouse" www.teletoulouse.com l’émission consacrée aux TOC. Cliquez sur la rubrique "Le Mag santé,
puis "Voir les vidéos", sélectionnez émission du 9 octobre 2010 (2e partie)
(1) Cf "Les ennemis intérieurs" Jean Cottraux. Editions Odile Jacob.
"Docteur j'ai peur
De quoi ? Voilà.
Guéris-moi d'ça vite
En deux coups de fourchette à huître
De parler, de baiser
De rester en rideau
De vieillir, de souffrir
Qu'on m'aime pas, qu'on m'aime trop
D'être seul, d'être deux, d'être trois à l'étroit
D'être en couple, d'être en groupe
D'être en troupe, d'être en tas..."
Jacques Debronckart (Docteur j'ai peur)