3 juillet 2007 2 03 /07 /juillet /2007 19:36
A France Brel.
Parce qu'elle a dû porter des jupes...

Parce que son père était fantastique mais invivable...
Parce qu'elle a accepté que je la tutoie...

Une maman, c'est important.
Ma mère a réussi le tour de force d'interviewer Jacques Brel après sa mort. Brel est assis dans un fauteuil ; elle doit trouver qu'il a les cheveux un peu longs et les lèvres luisantes. Brel dit : "Dieu, ce sont les hommes, et un jour, ils sauront." Cette vitre qui les sépare n'est rien. La télé en noir et blanc met face à face deux êtres qui m'ont bousculé. Brel est à Buzet-sur-Tarn, dans la salle à manger. Il passe dans la petite lucarne entre "La pie qui chante", "la vache qui rit" et mon père qui fait la gueule. Brel reproche à ma mère : "Vous savez, madame Fauré,  je crois que l'injustice la plus flagrante du monde, c'est l'attitude des adultes quand quelqu'un a dix ou quinze ans. Parce que là, il n'y peut rien. De cette attitude dépendra sa vie qui sera déterminante. C'est l'instant où il se demande si ce sont les adultes qui sont cons ou si c'est lui qui se trompe."
Que veut-il dire par là ? L-a-t-il entendu dire : "S'il était là, il serait à ses pièces le pauvre enfant." ? Parle-t-il de mon père ? Parle-t-il de lui-même qui obligeait ses filles à ne porter que des jupes ?
France prétend -à juste titre- qu'elle a des comptes à régler avec son père. Elle le dit fantastique mais invivable. Et le plus souvent absent.
Mon père, Fernand, était invivable, peureux, poltron. La seule chose agréable dont je me souvienne, c'est qu'il avait la main verte, qu'il était un excellent jardinier, qu'il m'a aidé à planter dans un petit pot la petite brindille de sapin offerte par le magazine "Pif-Gadget."

Le sapin de Pif.
Ainsi donc, en 1975, le magazine pour les jeunes "Pif-Gadget" avait eu l'heureuse idée de glisser sous son céllophane un jeune plan de sapin du Grand Nord. En fait, un épicéa. Je l'ai planté, avec mon père, d'abord dans un pot, puis en pleine terre, près du puits et de sa vieille pompe à chapelet, en orée de la forêt de Buzet-sur-Tarn (Combien j'aimerais qu'on rebaptise "Buzet-sur-Tarn" "Buzet-la-Forêt...)
Nous l'avons planté, très précisemment le dimanche 19 octobre 1975 (je l'ai marqué sur un petit carnet... vous savez, je note tout...) Et aujourd'hui, superbe et luxuriant, il me parle avec force et nostalgie du temps qui a passé. Il reste un vrai symbole de vie.
Je suis fier de le voir respirer. Nous l'avons planté, et j'ai souvent imaginé que d'autres enfants, à l'époque, avaient fait de même.
Et la question que je me pose aujourd'hui est la suivante :  "que sont les sapins de "Pif-Gadget" devenus ?" Où sont-ils ? Et leurs petits planteurs, ont-ils gardé la main verte ? Se souviennent-ils que le conifère du jardin qui a bien grandi est le reflet d'une époque ?
Je rêve d'établir une sorte de "sapineraie" du coeur, du souvenir et de la mémoire.
"Et qu'il soit pareil aux arbres que mon père avait plantés, fiers et nobles comme un soir d'été..." (L'homme dans la cité.)

Sur le tourne-disques...
Chez ces gens-là, monsieur, on sortait pas.

L'homme qui vit et l'homme qui écrit...
peuvent-ils, comme un seul homme, impunément étaler leur intimité ? La littérature nous a donné d'impitoyables journaux de l'intranquillité. Les auteurs, les artistes sont de grands oiseaux blessés qui regardent leur sang couler. Ils mettent sur la table leurs tripes et leurs cerveaux. Brel se moque des bigotes, mais avoue : "Je me rends compte que je suis moi-même un bigot." Les bourgeois ? "J'en suis."  Jef ? "Jef, c'est un peu tout le monde, mais c'est un peu moi."
"En fait, on n'invente rien, on se raconte."

(A suivre.)

Joël Fauré

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PETIT BILAN DE SITUATION
au bout de 3 mois de blog-notes

Ce qui est intéressant avec la "blogosphère", c'est l'échange, les arborescences, les associations d'idées. "Tenir un blog", je veux dire "l'alimenter" sans trop de mièvrerie n'est pas seulement destiné à quelques adolescentes suicidaires, selon l'idée fréquemment répandue. J'en veux pour exemple l'excellent travail de Pierre Assouline (La République des Lettres.)
Une fois déblayées la pléthore "médiocratique" et les fourmis masquées de loups de ce "no man's land" (mais vous savez, je suis comme tout le monde, et certains soirs, je vais dans des lieux crasseux, pisseux, merdeux...), l'outil est bien utile.

Je me suis aperçu que la tenue d'un blog était très chronophage.
Personnellement, j'y consacre environ deux heures par jour. Si je le fais, c'est que je veux bien le faire, me direz-vous ? Et vous n'aurez pas tort.
Je mets un point d'honneur à rendre ce"site" plus convivial (la "charte typographique" y aide), agréable à lire, à le fidéliser tant sur la thématique que sur le choix des mots et le respect de l'orthographe.
"A propos de bottes"  se voulait être au départ un espace entièrement dédié au fétichisme des bottes et des cuissardes. Et puis, très vite, ma passion de la littérature a repris le dessus. Il me permet de ressortir de mes tiroirs les manuscrits qui ont tous été unanimement refusés par les éditeurs !
Il n'empêche, je reste un homme aux semelles indécrottables, et les cuissardes feront toujours leur petit effet dans ma tête et dans mon ventre.

Les deux (!) lectrices fidèles et revendiquées de ce blog l'ont aussi compris : je souffre de troubles obsessionnels compulsifs assez invalidants pour être autorisé à écrire : "Les Toc, c'est une vraie saloperie".
Les mots que je trace sur la neige de cet écran ne sont que thérapie et catharsis. Tant mieux s'ils trouvent un écho favorable chez vous.

Je voudrais ici remercier Aurora, que j'ai l'impression de connaître depuis toujours, et qui a été le "catalyseur" de ce blog ; Camille, providentielle ; Téberli que je m'entête à écrire par son nom "Liberté" ; Théo et ses doux friselis et dentelles de mots, et tous(tes) les inconnu(e)s du hasard venu(e)s et à venir.

Brèves:

Noms d'oiseaux.

"Le poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer
Exilé sur le sol au milieu des huées
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.'
Charles Baudelaire. (L'Albatros)

Camille a déniché des buissons épineux où il se réfugie le mésite. Aurora a consulté "l'encyclo de son bambino", et a découvert que le mésite était l'oiseau le plus rare du Monde. Et le plus vulnérable aussi. Elle en a déduit que nous en étions. Merci et bravo à elle. Nous l'acceptons dans la nichée. Pour la becquée et les bécots.
A mon tour de vous faire découvrir ce que vous ne saviez peut-être pas sur l'oiseau le plus apprécié pour sa chair : l'ortolan. (Non, ce n'est pas la contraction d'orthographe et verlan !) L'ortolan qui s'est si souvent retrouvé calciné (ou suicidé ?) dans l'assiette d'un certain François Mitterrand. (Il en était friand.) s'appelle ainsi car il fréquente assidûment les "orts", autrement dit les "jardins" en occitan.
Si vous venez un jour à Toulouse, vous pourrez vérifier mes dires : le square-jardin "Wilson" est "sous-titré" "Ort Wilson-Goudouli"
L'Amérique occitane, voilà un bon rapprochement est-ouest.

*

Dites le avec des fleurs.

Ce matin, pour agrémenter mon bureau, j'ai acheté un bouquet de fleurs. Des cosmos.
Ma mère en avait beaucoup dans son jardin. Le marchand me les a emballées dans une feuille de papier-journal.
J'ai mis les cosmos dans un vase et, avant de jeter la feuille de papier, je l'ai rapidement parcourue.
Je suis tombé sur une annonce qui disait : "Amandine. Soins du corps, Donjon. 10 h / 18 h 30. Avenue de la Gloire."  La gloire ! Suivait un contact téléphonique et le numéro du Registre du Commerce. J'ai appelé, je suis tombé sur une voix humaine. De femme. Je lui ai demandé ce qu'il fallait entendre par "donjon". Elle m'a dit : "Ce sont des rapports sado-masochistes". Je lui ai demandé si elle possédait des cuissardes. Elle m'a dit : "Oui." Je lui ai demandé ses tarifs : "120 euros une heure." J'ai remercié.
Tu vois, maman, je n'arrive pas à m'en sortir... même quand je veux penser à autre chose...
Dans le passé, je faisais ça aussi, mais en cachette, j'étais plus jeune, ignorant, frustré, le coeur battant, culpabilisé, humilié et tremblant, et après, j'avais du mal à passer à autre chose.
Aujourd'hui que la vie m'a appris, à mes dépens,  que la masturbation ne rend pas sourd mais que la frustration rend hypertendu, trois choses ont changé :
- j'appelle sans honte la dame de l'annonce ;
- j'ai bien envie de faire comme la dame de l'annonce (Déjà, avec 2 fois 120 €, je pourrais..) ;
- j'aime beaucoup plus les fleurs.

Joël Fauré



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2 juillet 2007 1 02 /07 /juillet /2007 16:38
Une petite annonce dans "La Dépêche du Midi"
Alors voilà l'itinéraire. Vous allez à la bibliothèque municipale de Toulouse, rue du Périgord, département des périodiques. Vous demandez à consulter les archives du quotidien "La Dépêche du Midi". Vous précisez votre recherche : mardi 28 novembre 1995. On vous apportera un volumineux registre.
Vous vous rendrez à l'exemplaire jauni de la date sus-dite, page 28. Ce sont les petites annonces. Vous y êtes ? Dans la dernière colonne à droite, sous la rubrique "Rencontres", c'est la troisième petite annonce :
"J.H. esthète, aimant Brel, Brassens, les mots et la sensualité des bottes de cuir qui dépassent le genou, rech. J.F. alter égo. Ecrire : X - 16463 "Dépêche" 31095 Toulouse Cédex."
C'est moi qui ai passé l'annonce. C'est dire s'il y a urgence pour trouver une botte à mon pied...
Le 14 décembre 1995, je reçois cette réponse :
"Votre annonce est ambiguë = c'est pour cela que j'ai hésité à y répondre. D'abord, elle est mal ciblée (on ne sait pas tout à fait ce que vous recherchez exactement, à part la sensualité, et encore exclusivement centrée sur un point, êtes-vous fétichiste ?) ; ensuite, on ne sait quasiment rien de vous = êtes-vous beau garçon, ou bien ingrat, petit, atteint de calvitie précoce, ou boutonneux ?
Ou encore terriblement timide, complexé ?
Vous insistez sur l'amour porté à 2 chanteurs, mais ce n'est pas le but d'une vie...
L'amour des mots, mais votre annonce ne le montre pas. J'essaie donc, sans trop d'espoir : j'attends votre appel, espérant avoir plus de renseignements sur vous.
Pourriez-vous m'appeler le soir tard, à partir de 21 H 30 ? Merci. Marie."
Je n'ai pas rappelé "Marie". Pour la bonne raison qu'elle a "oublié" de me communiquer son numéro de téléphone.
"Les filles, ça joue à jouer
Ca joue pour tricher
Ca joue pour gagner
Mais les chiens
Ca ne joue à rien...
C'est peut-être pour ça
Qu'on doit les aimer."
(Les filles et le chiens.)
La prochaine fois, promis-juré, je passe une petite annonce pour adopter un petit chien...

Un mauvais geste.
Je me souviens, c'était en novembre 1992, l'inauguration du Centre Musical Jacques Brel de "Saint-je-m'y-perds", dans la banlieue toulousaine.
Après les traditionnelles conventions (discours des élus, couper du ruban, découverte de la plaque... verbes interchangeables), le maire de la cité annonce qu'une "poète de Paris" va maintenant déclamer un poème de Jacques Brel : "Le Plat Pays".
Une dame s'approche du micro, distinguée, bien habillée, parfumée à la sulfateuse, et entonne son texte. A la fin d'une strophe, pour illustrer par le geste "le plat pays qui est le sien", elle jette son bras derrière elle, amplement, et sa main vient s'écraser sur le nez du Président d'une assemblée territoriale, celui-là même qui se targue de connaître Jacques Brel aussi bien que moi.
Le Président, imperturbable, garde un sang-froid déconcertant, malgré les rires feutrés de l'assemblée.
La poète termine quand même ses rimes, puis, ramenant sa main fautive sur sa bouche, mesure l'étendue de son geste, le regrettant confusément.
Le mouvement des marées, le flux et le reflux, le souci de restituer la gestuelle brelienne expliquent sans doute ce geste déplacé.

Nouveau seuil critique.
Plus que jamais, je sens mon sang qui bout dans ma tête. Tant qu'il n'y aura que des grumeaux, ça ira. Par contre, je crains les caillots.
L'éditeur a bien fait de se hâter de prendre mon livre. Quand il me l'a annoncé, j'ai caché ma joie. J'ai fait celui qui... Mais, à l'intérieur, mon plus beau manège s'est allumé et s'est mis à tourner...
Il y avait tellement longtemps qie j'attendais ça...
J'en avais plein les bottes d'arpenter les librairies, à fendre la tranche des livres des autres. Et d'arrêter ma lecture à 19 h 30 parce que la FNAC fermait. Et qu'il faudrait que je revienne demain si je voulais savoir la suite...

(A suivre.)

Joël Fauré

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Brèves:

Quelques miettes de madeleine.

Je me pose une question. Combien sont celles et ceux qui évoquent la fameuse "madeleine de Proust" sans jamais avoir lu l'historique passage où elle dévoile ses secrets ?
Pour la beauté du texte, voici. Lege, quaeso.
Mais avant, une astuce personnelle pour lire mon ami personnel, le fragile et délicat Marcel : n'ayez pas peur de la longueur des phrases, coupez "mentalement", ne tenez pas compte des parenthèses et des tirets de retrait, et vous verrez, ça va couler tout seul, et c'est vraiment très beau.
"Et tout d'un coup, le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leut eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur goutelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir."
Marcel Proust. (A la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann.)

*

Voyage autour de mon bureau.

Vraiment, la souris de l'ordinateur ressemble plus à une coccinelle.

Les tampons, timbres, dateurs, cachets font de la Résistance : ce sont les derniers Mohicans de l'administration de papa. L'informatique ne les détrônera jamais.

Vous croyez que si j'invente les rideaux pour fenêtres d'enveloppes à fenêtres, mon invention pourra être brevetée ?

Je m'étonne que les secrétaires n'utilisent pas de liquide correcteur pour se laquer les ongles.

J'ai punaisé sur le mur près de mon bureau deux citations.
L'une de Joseph Delteil :
"Qu'importe la pieuse formule bureaucratique, le formalisme de l'encre et de la parole quand il s'agit des choses du coeur."
Et, là où je suis, ça prend tout son sens.
L'autre de Paul Claudel :
"Je fais l'apologie du désordre qui, en m'obligeant à chaque instant à revoir les affaires qui jonchent mon bureau, m'empêche de les oublier, ce que je ferais certainement si elles dormaient en une pile bien arrangée."


Voici ma ligne directe :

123   123   123    123  123
456   456   45   456  456
789   789    789   789   789
*0#    *0#    *0#   *0#   *0#

123   123  12 123   123
456    456 456   456   456
789    789  789  789    789
*0#     *0#  *0#  *0#    *0#


*

A Camille, à son trouble, à ses caractères :

Mon indomptable,
Furtive mais pas captive.
(Tu n'aimerais pas.)
Tu m'obéis quand je ne veux plus que tu m'obéisses.
Tu lèches mes bottes quand je les ai enlevées.
Tu déjoues. Tu désarçonnes.
Tu brises mes fouets.
Et tu me suces quand je ne m'y attends plus.
Parce que c'est ton bon plaisir.
Animal, va !
Chameau ? Chien ? Lion ? Chat ? Hyène ? Mante ? Abeille ?
Ablette ? J'aime les bêtes.

JF



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1 juillet 2007 7 01 /07 /juillet /2007 18:15

img058.jpg

Edouard Caillau me donne son appréciation sous le regard sarcastique de Grand Jacques.

img059.jpg

Carte postale de Jacques Brel adressée à Edouard Caillau.

" -Edouard, je peux faire des photocopies de vos cartes postales ?
- Fais en ce que tu veux..."

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1 juillet 2007 7 01 /07 /juillet /2007 16:13
A la mémoire d'Edouard Caillau.

Canal.

Ce fameux canal perdu et pendu du "Plat Pays" semble être le même qui dans "Bruxelles" met le moral dans les chaussettes : "Y'avait mon grand-père, y'avait ma grand-mère... Ils étaient gais comme le canal, et on voudrait que j'ai le moral."
A Toulouse, j'en connais un autre qui doit "l'avoir mauvaise" : Pierre-Paul Riquet qui a creusé le Canal du Midi. La rigole nourricière de la Montagne, qui place le port de Cette à la portée des Copains d'abord, sur un rafiot affrété par Brassens. La statue de Riquet tourne le dos au canal...

Nouveau seuil critique.
Comment vous y prenez-vous pour lire mon livre ? Vous êtes parvenu ici, en ayant tout lu en amont ? Vous butinez un peu par ici, un peu par là ? Vous venez de l'ouvrir et vous tombez sur ces phrases ? Vous incitent-elles à aller plus avant ? Vous avez lu l'incipit et la quatre de couverture et vous l'avez reposé ?

Edouard Caillau.
Passage 44, boulevard du jardin Botanique à Bruxelles. La Fondation Brel a pignon sur galerie. J'y accomplis mon stage de gratte-papier. Je loge dans un kot, avenue Chazal, tout près de la place Dailly. Pour me rendre à la Fondation, je prends le tram. Juillet rutile sur la Grand'Place. Chez les Brel, Rosa, la si bonne, la si fidèle Rosa, veille à tout. Aujourd'hui, elle revient, radieuse : elle vient de dénicher un disque rare de Brel. Brel raconte l'histoire de "Babar", de Jean et Laurent de Brunhoff  et celle de "Pierre et le loup" de Prokofiev. Jean-Marie classe, range, répertorie. Madame Brel se fâche après ses petits-enfants, qu'elle trouve turbulents. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de France. Nous lui offrons un abonnement à "Femme actuelle".  Et puis il y a le bon Edouard. Edouard Caillau, natif de Biarritz, adopté de Bruxelles, humoriste doublé d'un excellent caricaturiste, est un bon vivant. Il a été très souvent aux côtés de Brel, à l'Olympia, dans la distribution de certains de ses films. Un ami, quoi, qui, lui aussi, connaissait très bien Jacques Brel. Edouard, malgré sa santé devenue précaire, passe beaucoup de temps à la Fondation. Il me prend en amitié. Il ne se déplace jamais sans une liasse de photos où l'on peut voir de grandes pointures du music-hall. Il n'a pas perdu son sens de l'humour. Je l'ai vu planté devant l'entrée de la Fondation, parodier Brel et inviter les passants : "Venez danser, copain, copain, copain... allez venez danser..."
Un beau matin, Edouard arrive et me montre des cartes postales que Jacques lui a envoyées. Je lui dis que ça me ferait plaisir de les photocopier. Il me dit : "Fais en ce que tu veux.."
Brel, citoyen du monde, écrit du Brésil, en novembre 67 : Bonjour Mon tendre ! Je t'embrasse de bien loin mais tu me manques fort. A bientôt. Brel."
Le 7 novembre 1973, il est à Gibraltar : "Tendre ami Bonjour ! Tu vois, même à la voile, ça avance. La vie est belle encore une fois. Je t'embrasse très fort. Le Vieux Brel."
De Saint-Austell, en Cornouailles, en 1974, il regrette : "Bonjour Tendre Edouard. Tu sais,  je suis passé par Bruxelles et j'ai tenté sans succès de te voir. Je pense souvent à toi et t'embrasse de loin. Sincèrement. Le vieux Brel."
De Tunis (Bab El Khadra), il confesse : "Bonjour cher Edouard. J'espérais faire un saut mais j'ai les journalistes au cul. Alors, c'est la fuite... Mais on pense bien à toi. Tu embrasses les copains et à tout à l'heure. Jacques et le Doudou."
A l'issue de mon stage, Edouard m'offre un merveilleux cadeau. Son crayon sympathique nous a "croqués" tous les deux, sous le portrait sarcarstique du Grand Jacques, qui semble nous narguer. En légende, Edouard se fait dire : "Rapport à votre stage, on peut dire que vous êtes Ferré sur la question de Brel."

Rapport à votre stage...
Si Edouard est élogieux, France se montre d'une sévérité inattendue lorsqu'elle doit donner ses appréciations pour mon rapport de stage... A la question : "A-t-il rencontré des difficultés au cours du travail lui-même ou en ce qui concerne son rythme d'éxécution ?" elle répond : "Se disperse trop dans le travail de secrétariat. A mon avis, cet élève est plus doué pour le contact humain que pour le travail de secrétariat. Un peu trop tendance au bavardage."
A la proposition : "Vous pouvez, si vous le désirez, émettre d'autres observations.", elle émet : "Je regrette qu'il n'ait pas encore compris qu'il ne faut pas profiter de toutes les conversations "professionnelles" qui se déroulent à proximité de son bureau pour arrêter ce qu'il fait et désirer ajouter son petit "grain de sel".
Joël est-il vraiment à sa place dans le travail qu'il a choisi ? Un métier plus "basé" sur la communication me semblerait mieux correspondre à sa personnalité."
Inutile de vous dire que j'a été vexé comme un pou.

(A suivre.)

Joël Fauré

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Brèves:

"Animots"

J'ai un ami qui est "dompteur de mots". Il a belle allure avec des hautes bottes de cuir noir. Il fait entrer avec lui des mots dans la cage, et leur fait faire des choses extraordinaires. Il met les noms d'un côté, tient les verbes à distance avec son fouet, range les compléments dans un coin.
Un jour, il a mis le mot "sexe" dans le mot "bouche" et a demandé au verbe "sucer" d'intervenir.
Puis, il a dégrafé sa braguette, et a invité une spectatrice à entrer dans la cage...
Il voulait savoir si elle aimait les mots...


*

De la réincarnation de Philippe Delerm


"Le Journal du dimanche"
de ce jour offre à ses lecteurs un supplément pour se faire mousser : "Un été, des bières." Je l'ai parcouru avec plaisir et je compte bien le conserver au frais. D'autant plus que j'apprends, contrairement à une idée très répandue, que la bière ne fait pas grossir.
Mais ce qui a surtout étanché ma soif de connaissance, c'est l'éditorial de cet opuscule qui a été confié à... Philippe Delerm. Mais si, vous savez bien, le père de Vincent, celui de "La première gorgée de bière".
L'auteur de "La sieste assassinée" conclut son sous-bock comme suit : "En fait, je ne suis pas devenu un livre, mais une gorgée de bière. Une expérience digne des plus folles imaginations d'Alice au pays des merveilles." (...) La modestie des écrivains est toujours le reflet de leur immense orgueil. Tout va bien, donc. Mais je vous en supplie, ne dites pas "La petite gorgée" comme vous le faites presque toujours. Dites bien "la première". Car j'aime la deuxième aussi."

*
Le petit pénis

Et pour rester dans la sensualité, je ne saurais conclure ces brèves sans évoquer le papier d'une des premières lectrices de ce blog, Ondine Millot, de "Libération", qu'elle a tout entier consacré samedi  (Page "Vous") au clitoris, la petite fleur encore trop méconnue. J'aimerais tout recopier, tant tous les mots m'ont chaviré et donné envie de devenir fleuriste. Merci, Ondine.
Cet article a rappelé chez moi le souvenir d'une nouvelle de Charles Bukowski dans les "Contes de la folie ordinaire."Le petit ramoneur". Où un homme est réduit à la taille d'un godemiché par une femme un peu "sorcière"...
Un extrait ?
"Sarah m'a soulevé et m'a posé entre ses cuisses à peine écartées. Je me suis retrouvé nez à nez avec une forêt. J'ai bandé mes muscles, me doutant de la suite. (...) J'ai entendu Sarah gémir. Puis Sarah a commencé à me faire subir un va-et-vient très lent. (...) Coup sur coup, ma tête, le bout de mon crâne, butait contre le capitaine Clito, et là Sarah lâchait un grondement d'illuminée.
Sarah me faisait aller de plus en plus vite."

JF


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30 juin 2007 6 30 /06 /juin /2007 18:12

img057.jpg

Avec ce graphisme "à la Cocteau" croqué sur une table de bar Toulousain, l'ami Claude a voulu rendre hommage, entre de

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30 juin 2007 6 30 /06 /juin /2007 16:48
Justement, Nougaro
J'ai très peu connu Claude Nougaro. La première et la dernière fois que je l'ai vu, c'était en bas de chez moi, au coin de ma rue. Il était planté dans une sorte de pelisse miteuse, seul, en repérage d'une sensation de hasard. De celles qui se transmutent en mots. Je l'aborde, comme il se peut aborder quelqu'un qui est dans le dictionnaire. Claude ? Monsieur Nougaro ? Qu'ai-je bien pu dire ? Je ne sais plus. Il m'a repondu, avec son timbre de voix de collection. "On va boire un pot ?" Et nous nous sommes retrouvés dans un bar Africain rue des Couteliers. D'autres sont venus nous rejoindre. Il a commandé force libations. A l'homme sensible, j'ai demandé ce qu'était un homme sensible. "Je suis un homme sans cible." m'a-t-il répondu. Au chanteur, j'ai demandé ce qu'était un chanteur : "Nous ne faisons que répéter le mur du son."  J'ai oublié de lui rappeler ce que Brel disait de lui : "Moi je ne suis pas de mon époque. Je ne suis pas la 5e avenue, à New-York. Alors qu'un type comme Nougaro, c'est la 5e avenue à New-York." 
Lui confiant mes affres et mes tourments dûs aux TOC : "Ah oui ! Les TOC, c'est une incarcération mentale..."
Il me trace un dessin "à la Cocteau", sur un ticket de caisse... Ce sont deux visages qui se bécotent. "Je te roule un patin graphique". Puis, m'appliquant la paume de sa main à plat sur mon front, il me dit : "Je te transmets mes neurones."

Clara
Je me demande comment une chanson aussi ratée que "Clara" peut contenir dans sa chute une aussi belle pépite :
"Je suis mort à Paris
Que la mort me console
La mort est par ici
La mort est espagnole."

C'est bien une ville, l'hiver.
Si je suis jaloux de Philippe Delerm, je le suis aussi de Richard Borhinger. Je vais écrire comme lui :
"Pluie. Les flaques brillent. Des cornets de frite jonchent le sol. Bruxelles excelle. Pas le moral. Le blues. Oui, le blues. Vivre quand même. La vitrine embuée. Bien chaud dedans. Mes alcools, mes alcôves. Le sang accueille l'alcool. Ils coulent, se mêlent... La rivière étincelante luit de mille reflets d'or. La lippe d'une fille en cuir suce le bord humide de mes rivières... Elle boit mon sang qui ne saurait mentir..."
Ce que Borhinger a écrit, j'aurais pu l'écrire aussi. Pourquoi Richard a du succès et pas moi ? Pourtant, si je rencontre Borhinger dans un port, au bord d'un moment de sa vie ou au hasard, je lui dirai toute l'admiration que j'ai pour lui. Il partage avec Brel les mêmes quartiers chauds des nuits sans lune où les loups-garous mettent des masques de chats-huants. Peut-être lui dirais-je, sous mon masque de chouette-effraie, les mots de la chanson de Ferré : "Richard, ça va ?... Et, monsieur Richard, un dernier, pour la route."

Lege, quaeso.
C'est une citation latine qui veut dire : "Lisez, je vous prie."... Depuis qu'on ne sert plus la messe en latin, on la sert en grec... ou en anglais. La si belle langue Française se paupérise. Certains même se parlent et s'écrivent comme ça :
wwwwwwwwwwww.wwwwwwwww _wwwwww.wwwwwwwww-wwwww @wwwww PS : www

(A suivre.)

Joël Fauré

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Brèves:

Z

Ne marchez pas sur les pelouses. Ne parlez pas au conducteur. Ne vous penchez pas par la fenêtre. Ne fumez pas. Ne buvez pas. Ne bougez pas. Ne bougez plus. Ne pensez pas. Ne mangez pas trop salé, trop sucré, trop gras.
Et puis, zut ! Quand on a eu des TOC toute la journée, la charcutaille arrosée de 50 centilitres de vin rosé, moi, ça m'annule un peu la tête... et ça m'aide un peu à avancer. Brel que j'ai très bien connu, m'a dit un jour : "Je vois déjà tout ça, et l'on a le brave culot d'oser me demander de ne plus boire que de l'eau, de ne plus trousser les filles, de mettre de l'argent de côté, d'aimer le filet de maquereau et de crier vive le roi. Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !" De toute façon, vivre est artifice...
Voici pourquoi je suis tombé d'accord avec un type que je ne connais absolument pas, mais que m'a fait découvrir mon journal préféré aujourd'hui. Il s'appelle Antoine Sénanque. Il est neurologue et écrivain. Dans son "Journal de la semaine", il écrit :
"Je crains beaucoup plus le cancer social et ses métastases d'interdiction que le carcinome bronchique." et un peu plus loin : "NB : Je suis aussi assez favorable à l'alcool et aux nourritures grasses."

*

Plan B

C'était aujourd'hui l'ouverture de la ligne B du métro toulousain. A l'heure où nous imprimons, on peut déjà parler de succès populaire.
J'ai regardé sur TLT les discours des élus, en plein cagnard. Fallait-il voir une allusion politique lorsque le Président du Conseil Général (à gauche sur la photo) a ironisé devant le Super ministre de l'environnement, de l'écologie, des transports : "Où sont les ombrelles et les éventails ?"
Et puis, je suis à mon tout descendu dans la rue.
Station "Jeanne d'Arc", Sophie Calle a fait du bon travail. Mon message était bien là... Pour l'instant, "la fille aux hautes bottes" ne s'est pas manifestée (Voir "brèves" précédentes.)
Nougaro a "sa" station aux "Minimes", où il est né ;  les "Trois cocus" aussi...
J'ai "sali" l'une des rames entre "Jeanne d'Arc" et "Les Carmes". Cette station est magnifique. Imaginez une immense voûte, faites de feuillets A4, gribouillés, annotés, brûlés... On doit ce travail à Jean-Paul Marcheschi.
J'ai vu l'oeuvre de Bernar Venet, station "Barrière de Paris" qui s'érige tout en hauteur et qui me fait penser à deux parenthèses collées. M'est avis que le "monument" va susciter polémique.
Par contre, je n'ai vu que "sur le papier" la proposition de Jean-Pierre Bertrand, station "Ramonville." Il s'est amusé à réécrire l'alphabet pour les bossus des maths. Ce qui nous donne pour Ramonville :
18, 1, 13, 15, 14, 22, 9, 12, 12, 5

17, 5, 12, 12, 5    8, 15, 18, 18, 5, 21, 18

10 - 6






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29 juin 2007 5 29 /06 /juin /2007 21:45
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Photo Jean Bars - Rennes

FESTIVAL NATIONAL DE VARIETES
ET MUSIC-HALL
RENNES - NOVEMBRE 1963
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29 juin 2007 5 29 /06 /juin /2007 19:40
Du flamand à l'occitan.
Chacun s'exprime en son patois...
De l'archange Saint-Michel terrassant le dragon à la croix du Languedoc, quatre branches et douze boules, nous vivons les choses pareillement mais nous ne les exprimons pas de la même manière. Laissons de côté les querelles intestines entre flamands et wallons, pour nous attarder, en France, sur la langue d'Oc et la langue d'Oil.
Mon père, Fernand, était plus à l'aise lorsqu'il parlait en occitan. Il disait "escaraougner" le Français, c'est-à-dire le malmener. J'ai encore dans l'oreille les dialogues de la vie courante en patois local qui, naturellement, régissait les échanges.
Ce que je retiens, entre autres, ce sont les verbes que me prêtait volontiers mon père. Il me disait : "Tu vois bien que tu mascagnes..." ou bien : "Qu'est-ce que tu tchaoupines ?"  ou encore : "Qu'est-ce que tu rembailles ?". Du coup, je me taisais et ne faisais plus rien.
Mascagner : s'appliquer maladroitement à un travail, faire des efforts sans résultat.
Tchaoupiner  : toucher quelque chose maladroitement.
Rambailler : mettre en désordre.
Ma mère, elle, préférait me dire -en Français dans le texte- : "Toi, si tu fais quelque chose de bon dans ta vie, j'irai le dire loin." Elle n'a pas eu à se déplacer.
En Belgique, j'aime les mots "septante, octante et nonante" pour soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix.
En Belgique, pour signifier que quelque chose est joyeux, on dit : "C'est gai, hein ?" Nous, en France, quand on dit "gai", la langue se mord la langue...
"En schuurt het zand over mijn land mijn platte land, mijn Vlaanderenland"

Le Monde des Lettres n'est pas une République.
Pas plus un royaume.
C'est une succession de hameaux.
Brel ne se sent bien qu'à la campagne. Il aurait souhaité écrire des romans -et y aurait sans aucun doute excellé ou, en tous cas, des nouvelles qui auraient été des amplifications de certaines de ses chansons-.

Bonnes et mauvaises nouvelles de Bretagne.
Nostalgique de mes années Bretonnes, je m'abonne à "Ouest-France". J'ai gardé quelques bandeaux d'expédition du journal, logo rouge, adresse noire sur fond kraft et de nombreux exemplaires du journal. "Fiston" est devenu peseur de lait. Il va de ferme en ferme vérifier la lactation des vaches, avant qu'elles ne sombrent dans la folie.
Ludovique Lefrêne, qui a appris que j'étais devenu fou avant les vaches, entretient sa belle relation épistolaire, et m'écrit pour me consoler : "Je fais le souhait que le petit garçon qui sommeille en vous, avec sa tendresse et sa sensibilité, s'impose pour toujours. Quand au petit garçon effrayé qui bouscule et complique la vie de l'homme que vous êtes, que le vent fort qui souffle en Bretagne l'emporte pour toujours."  Ludovique m'adresse de jolies enveloppes colorées, toujours ornées d'un timbre de collection, décorées avec goût avec des collages merveilleux. Un très beau jour, je reçois une belle enveloppe rouge, qui est la couleur des cardinaux et de la passion. Collée en façade, une photo de Brel découpée dans la presse. De sa bouche, Ludovique fait partir une bulle qui contient mon adresse. A l'intérieur, je trouve une photo véritable de Brel. Ludovique, de son porte-plume bleu, m'écrit : "Je joins à cette lettre, à votre intention, cette photo de Brel, que j'avais achetée après son si bon spectacle, auquel j'avais tenu à assister à Rennes. J'étais assise juste derrière Pierre Nougaro, père de votre voisin Toulousain Claude. Hélène Nougaro était, à ce moment-là, élève dans le même lycée Rennais que moi...
Puis j'ai revu Brel plus tard, lors de sa tournée d'adieux.
J'exagère un peu. Cette photo n'est guère présentable car, comme elle s'est trouvée rangée dans le tiroir des photos de famille, qui était archi-bondé, elle a souffert, malmenée lors d'une fermeture de celui-ci."
Ludovique exagère quand elle dit qu'elle exagère : la photo est seulement un peu froissée et, si elle donne à Brel un visage chiffonné et quelques plis sur son costume, l'émotion, l'énergie de l'interprète sont bien là.

Les facteurs feraient bien de ne pas s'arrêter quand ils apportent de mauvaises nouvelles. Ou bien les chiens, qui ont de l'intuition, devraient laisser les mollets tranquilles et croquer les plis fâcheux. En voici un. Fiston est mort. Une maladie foudroyante vient de l'emporter dans l'Achéron, mais pas dans le Styx, ce fleuve qui fait sept fois le tour de l'Enfer. Fiston est mort de la maladie du Légionnaire, lui qui ne l'a jamais été.

(A suivre.)

Joël Fauré.

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Brèves :

LE PIGEON

J'avais trop en mémoire le livre de Patrick Süskind qui m'avait marqué au fer rouge.
Et pourtant, rien à faire, tous les jours, dans ce gros machin public en construction, où j'essaie de gagner ma vie, à la pause-café, derrière une énorme baie vitrée, en vis-à-vis des distributeurs de planètes "Mars" et de constellations "Lion", je ne pouvais m'empêcher de le voir. Il était là. Le cadavre.
Un pigeon commun des villes, mort et tombé là, sur les dalles grises...
Impossible de ne pas le voir. C'est un passage obligé pour les usagers et les employés du lieu. La mort en vitrine. Comme une belle pute.
Au début, on d'est dit : "Quand même, y pourraient au moins l'enlever... " Mais bon, on  ne meurt pas toujours dans des endroits commodes. Alors il est resté là, le pigeon. Un jour, deux jours... un mois, deux mois, six mois..." Et puis, on a fini par s'y habituer... Finalement, on s'habitue à tout, même à la mort.
Nous avons assisté à sa décomposition. Chaque jour, en sirotant mon café court, je m'interdisais d'écrire... je ne sais pas, moi... une nouvelle, une allégorie sur le thème de la mort, avec des passerelles entre les pigeons et les hommes.
Je méditais sur cette dépouille que TF1 n'est jamais venu filmer ; sur laquelle, jamais, je n'ai vu une pigeonne s'incliner.
On est bien peu de choses.
Aujourd'hui, il est réduit à l'état de squelette.
Je n'ai pas pu m'empêcher de lui écrire, faute d'une épitaphe, ces quelques mots... même pas des vers...

*

DEVOS A LA RESCOUSSE

Un ami me paraîssait bien morose (j'aime bien employer ce mot "rose", depuis qu'Aurora et Théo m'ont dissuadé de bleuir) cet après-midi.
N'écoutant que mon instinct, gonflant mon ventre (sans trop de mal, je bedonne et c'est une mauvaise graisse.), j'ai retrouvé l'imitation de Raymond Devos que j'avais mise au point et qui a déridé mes semblables avant que je devienne fou.
"Un type est devant un sex-shop. Il dit : "Enlevez-moi toute cette saloperie !"Le gérant, n'y tenant plus, sort de sa boutique et dit : "Mais enfin, monsieur, calmez-vous, vous allez me faire perdre des clients. Si vous n'aimez pas, passez votre chemin."
Et le type de reprendre  : "Enlevez-moi toute cette saloperie de buée, je n'y vois rien."
Et voilà comment mon ami s'est fendu d'un bon rire.
Qui a dit "La chair est triste et j'ai lu tous les livres" ?

*

ITINERAIRE D'UN GENIE MALMENE

10 : c'est le nombre de fois que j'ai vu "Itinéraire d'un enfant gâté" de Claude Lelouch dans une vraie salle de cinéma, au temps où il en restait quelques unes, et ce n'était pas compulsif.
Claude Lelouch m'a toujours beaucoup impressionné par ses facultés à être un regard perçant sur la vie. On a dit de cet homme pis que pendre, et si "Un homme et une femme" l'ont à jamais "chabadadisé", ses autres pellicules, navets, flops et bides n'ont pas entamé ses convictions profondes. J'aime chez cet homme ses rapports au temps, aux hasards et aux circonstances, sa façon de tenir la caméra, ses amis (dont Brel), ses femmes, ses maîtresses... J'ai aussi adoré "Il y a des jours et des lunes" tombé dans les oubliettes.
Et aujourd'hui, j'en viens à me demander pourquoi ce génie malmené a été réduit à utiliser un stratagème pour proposer son nouveau film. Il a donc sorti "Roman de gare" sous le pseudonyme d'Hervé Picard...
Je n'ai pas vu ce film, je ne peux rien en dire, mais si je m'appelais Claude Lelouch et si j'en avais les moyens, je deviendrais mysanthrope pour de bon.

JF


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28 juin 2007 4 28 /06 /juin /2007 19:39
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Fiche d'archives du "Figaro"... à propos de Brel (Détail)
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28 juin 2007 4 28 /06 /juin /2007 17:32
Photocopieur ou photocopieuse ?
Si mon livre, je veux parler de celui-là, que vous tenez entre les mains, n'avait pas été "pris" par un éditeur, composé, ajusté en pages bien rectilignes, imprimé, relié, massicoté, transporté, diffusé, empilé, je crois que j'aurais continué à faire ce que j'ai toujours fait avec mes écrits, depuis que personne n'en veut : j'aurais continué à photocopier mes feuillets A4, 21 par 29,7 cm, 80 grammes au mètre carré sur cette merveilleuse invention qu'est la machine à photocopier... 
Le photocopieur... La photocopieuse...
Comment doit-on dire exactement ? Je n'ai jamais su s'il fallait dire "un" photocopieur ou "une" photocopieuse. Il est vrai que l'on n'a jamais vu l'engin dans le plus simple appareil...

Les fiches d'archives du Figaro.

C'est un document étonnant. Une mine. Une somme. Ce sont les fiches d'archives du "Figaro" consacrées à Jacques Brel. Je les avais obtenues du journal, suite à une lettre que j'avais adressée, demandeuse de coupures de presse. Ecrites à la main, renseignées au jour le jour, elles attestent du temps pas si lointain où les bureaux des rédactions n'étaient pas équipées d'ordinateurs.
Elle se présentent impeccablement tenues, en diverses rubriques qui permettent un repérage immédiat : date, colonne, page, éditions, sujet et auteur.
On peut lire :
Au 29/4/61 : serait heureux si vous l'aidiez à retrouver sa voiture volée à Paris.
Le 16/1/64 : A perdu volontairement 60 anciens millions de francs en prêtant son concours à des galas de bienfaisance.
Le 9/12/64 : Va faire ses débuts d'acteur dans la Métamorphose des Cloportes.
Le 5/11/65 : quand il chante le public russe pleure sans comprendre.
Le 9/11/66 : A consacré son dernier dîner parisien à F. Mitterrand.
Le 16/1/67 : menacé d'un attentat à la grenade.
Le 18/9/71 : Interprètera un pilote de guerre ds L'Equipage" film Ed. Molinaro.
Le 11/2/75 : rumeurs inquiétantes sur sa santé.
Le 22/2/75 : serait hospitalisé sous un nom d'emprunt à la Guadeloupe.
Le 10/10/78 : est mort hier. Brel, un Céline de la poésie.

Tango.
"Le tango est une pensée triste qui se danse."  Figure lascive, longtemps interdite par la papauté, Brel a utilisé cette danse dans plusieurs de ses chansons : "Tango funèbre", "Rosa"...
Toulouse et Buenos Aires se disputent le cadavre de Carlos Gardel, le père incontesté de ces pas croisés et comptés...
Brel et moi partageons le même complexe : dès qu'il s'agit de jouer les ours savants et de se déhancher sur des rythmes de nos latitudes ou tropicaux, nous aimerions devenir des lapins et détaler dans la nature...

Sans pompes.
Si j'en crois ce qu'écrit Maddly dans un de ses livres ("Pour le jour qui revient", page 34) , Brel a été enterré sans chaussures. (Est-ce invérifiable ?)
Par contre, il se dit que les ongles de Napoléon continuaient de pousser après sa mort, perçant le cuir de ses bottes. (Est-ce vérifiable ?) Est-ce -pour rejoindre et pardodier Nougaro- "la Corse en lui qui pousse un peu sa corne" ?

(A suivre)

Joël Fauré

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Brèves :


FONDS DE CALLE (Suite)


Petite piqûre de rappel : la ligne B du métro toulousain sera opérationnelle samedi 30 juin. De nombreuses animations sont prévues dans toutes les stations, et une belle et riche idée viendra couronner la soirée "escalator-portes palières-coucou, c'est moi, fais ta photo sur ton portable" : un concert en plein air donné "seulement" par l'Orchestre National du Capitole, sur la place du même nom.
Les moins oublieux d'entre vous se souviennent que j'ai donné un petit coup de projecteur sur la station "Jeanne d'Arc" dans mes "brèves" du 21 juin.
Sophie Calle a installé sa contribution artistique : de quoi faire écran à nos petites indifférences et à nos  grands hasards et circonstances. "Transports amoureux" et "messages personnels" défileront de manière moderne et pixelisée pour que l'attente et la "station debout" soient moins pénibles, surtout si Cupidon et ses flèches se décide à prendre le métro.
Pour rappel encore, j'avais donc déposé au portail qui acceuille les messages (www.transport-amoureux.vu) ceci :
"Au théâtre Carpe Diem -à moins que ce ne soit dans cette rame-,  je vous ai vue, glissée dans de hautes bottes de cuir noir. Je dois être fétichiste. Je suis devenu aussi fou que Maupassant. Il faut absolument que je vous retrouve. Sinon, j'en mourrais peut-être. Si vous vous reconnaissez -et même si vous ne vous reconnaisssez pas- :..." Suit mon adresse électronique.
J'ai eu le bonheur d'avoir confirmation que "mon message a bien été accepté. Il sera diffusé du 24/06/2007 au 01/07/2007.
Pour les adeptes de détail, je reprendrai les termes du site où vous pouvez, vous aussi, laisser votre message (par exemple si vous êtes "la fille aux hautes bottes noires" que je recherche.) :
"Pour démarrer le site, des messages ont été empruntés à la rubrique des petites annonces de diverses publications (principalement à celle du quotidien Libération).
Ils apparaissent en vert.
Les textes envoyés dès la mise en service de la messagerie apparaîtront en rose.
Vous m'en voyez tout rose de confusion...
Vous croyez que j'ai quelque chance de retrouver "la fille aux hautes bottes" ?

*

Comment faut-il s'y prendre ?

Pour me rendre à mon tavail, je suis tenu de longer une rue où, tous les trois mètres, un SDF, avec même gestuelle et même langage automatiques, me réclame un peu de sous. Parfois, je donne, mais je ne peux donner à tout le monde, sinon je vais me retrouver à leur place (et on sait, si on lit ces lignes, que la chose aurait très bien pu m'arriver...) Bon, ceci dit, on ne peut pas porter la misère du monde.
Quand je ne donne pas de manière sonnante et trébuchante, je me fais un point d'honneur à donner un grand sourire, accompagné d'un hochement de tête, que j'agrémente d'un "Bonne journée". C'est le moins...
C'est ce que j'ai fait ce matin-même.
J'avais fait à peine trois pas que j'ai entendu derrière moi mon sourire et mon "Bonne journée" accueillis par un sonore  "Connard" !
Il y a quelques semaines, j'avais voulu prendre le temps de m'arrêter et d'engager la conversation avec un clochard. J'ai voulu lui demander : "Et vous n'aimeriez pas travailler ?" Il l'a très mal pris... s'est renfrogné et m'a invité à "foutre le camp."
Tout est question d'interprétation, peut-être ?
Je ne sais plus comment m'y prendre... J'en viens même à me demander si je vais pas prendre ma carte à l'UMP... Vous savez : génération gagnant, triomphe de l'argent-roi, etc... Dites moi qu'il ne faut pas le faire...

*

J'aime bien le jeudi : c'est le jour des suppléments littéraires dans les journaux.

Il vous est interdit de ne pas jeter un oeil sur le supplément "Livres" encarté dans Libé aujourd'hui. Si vous n'êtes pas séduit par maquette, textes et photos, je désespère de vous. "Rencontrer des personnages." "Tomber amoureux d'un écrivain." "Apprendre à parler à une pierre." "Voyager sans pa
rtir." Et "s'émouvoir d'histoires de cul." Vous aurez droit au chapitre que vous voudrez.
Et pour ne pas paraître trop sectaire ("L'art est-il de droite ou de gauche" m'a demandé ce matin mon marchand de journaux), feuilletez donc aussi "Le Figaro Littéraire" où l'on se souvient du génial Vauban (Quand j'ai fait "mes classes" dans le 32e régiment de génie de Khel, on nous faisait chanter : "Héritiers de Vauban / Nous sommes les sapeurs / On dit de nous souvent / Que nous avons du coeur."), Vauban à qui l'on ne doit que quelques villes, et quelques ponts ! (La gravure qui le représente chaussé de bottes "à chaudron" ergotées d'un éperon de fer ne me déplaît pas.)
Deux pages plus loin, j'ai photocopié quelques lignes qui tiennent sur 15 cm, mais qui m'ont passionné.
Il est question du fameux "syndrome de Stendhal" ou "syndrome du voyageur".
Tout a commencé à cause de l'auteur du "Rouge et du noir", au cours d'un voyage en Italie :
"En sortant de Santa Croce, j'avais un battement de coeur ; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber." Stendhal s'assoira alors sur un banc, lira un poème pour se remettre ; cet esthète avait été submergé par une trop forte émotion et une concentration de beautés.
Et le phénomène s'est reproduit pour d'autres "âmes sensibles" qui le savent, mais ne peuvent s'abstenir de s'imprégner de beauté. Une psychiatre florentine, Graziella Magherini, s'est même penchée avec sérieux sur ces cas.
J'avais très envie d'en savoir un peu plus sur le phénomène. Voici chose faite avec "Le syndrome du voyageur" de Stendhal, Magellan et Cie, 50 pages, 6 €.


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