Jeannette Mac-Donald et sa favorite. Collection particulière JMD
Jeannette Mac-Donald, une "mordue" du cirque.
Marseille, Palais des Sports, 1955. Au Festival du Cirque, Jeannette, habillée, bottée, gantée, maquillée, mais
surtout pas parfumée (les fauves détestent Chanel et Guerlain) fait son "entrée de cage" sous les ovations du public. Tout se déroule le mieux du monde. En finesse. La dompteuse ne joue pas les
gros-bras, les forts des halles. Elle se faufile entre ses bêtes, telle une liane. Elle n'a rien du "dompteur déménageur" qui passe son temps à déplacer les tabourets et autres "réquisits".
Jeannette donne dans la dentelle. Elle fait corps avec les autres, lionne parmi les lionnes. Elle se fait épauler par Lola, qui est pleine, et va mettre bas ce qu'elle a de plus
beau.
Jeannette, la maîtresse de céans, la maîtresse de séance, en tenue d'apparat, officie pour
la Grand'messe. C'est dimanche matin, même le vendredi soir.
Jeannette place la lionne Lola autour du cou comme le prêtre son
étole.
Spectaculaire.
Mais ce soir, il a suffi d'une toute petite maladresse. Jeannette, sans s'en rendre compte, a dû pincer Lola. Celle-ci s'est rebiffée, à sa
manière. Elle a planté ses crocs dans la main droite de sa "partenaire".
L'accident.
Jeannette n'a pas paniqué. Elle a reposé Lola, s'est dégagée de la gueule du fauve. Il y a eu "du sang sous le chapiteau". Elle a pansé sa blessure et a terminé son numéro.
Un journaliste et un photographe du "Provençal" sont dépêchés sur les lieux. Le photographe demande à Jeannette de refaire le geste fatal. Le résultat fait penser à quelqu'un qui
remonterait ses bretelles...
Le journaliste écrit :
"Emotion, hier soir, au Palais des Sports.
La dompteuse
Jeannette Mac Donald est mordue par l'un de ses lions.
Parmi les nombreux numéros présentés chaque jour au Palais des Sports par l'International Circus 1955, celui de Miss Jeannette Mac Donald et ses dix lions appartenant au Bothwell Circus du Cap (Afrique du Sud) [NDA : !] provoque toujours une certaine émotion chez les spectateurs.
Celle-ci a atteint son comble hier soir lorsque la charmante dompteuse a été mordue par l'un de ses redoutables "compagnons" de travail.
Il était environ 20 h 55. Miss Mac Donald ouvrant le spectacle s'apprêtait à exécuter son numéro après le tonnerre d'applaudissements saluant son entrée.
Elle prit sur ses épaules, s'en faisant une écharpe, la jeune "Lola", lionne de deux ans et demi pesant le poids respectable de 80 kilos.
Le fauve ne réagit pas et se laissa faire comme à l'accoutumée. Mais tout d'un coup, "Lola" mordilla légèrement la main droite de sa maîtresse et finalement lui planta ses crocs acérés dans la chair..."
La suite de l'article est illisible, la coupure de presse ayant été très endommagée.
Radar.
"Radar", "Voilà", "Qui ?", "Noir et Blanc", "Le Miroir du Monde" sont des publications des années cinquante, déjà gourmandes de people et
de faits-divers.
"Radar" surfe sur la vague de "La petite Illustration", où abondent les images sensationnelles des dompteurs dévorés par leurs bêtes, ou en passe de l'être.
"Radar" du 15 janvier 1956 publie en pleine page, sous le titre "SANS RANCUNE !" une photo
magnifique : Jeannette Mac-Donald, un pansement à la main, embrasse langoureusement la lionne Lola. Elle n'a aucune dent contre elle. Bien au contraire, la belle et la bête ferment les yeux : un
vrai baiser de cinéma.
Et "Radar" rédige :
"La foule qui remplissait le Palais des Sports de Marseille applaudissait à tout rompre la jeune dompteuse Jeannette Mac Donald. Soudain, de cette même foule, s'éleva un cri de terreur. La jeune lionne de 2 ans Lola (80 kg), que Jeannette avait prise sur ses épaules, venait de cruellement planter ses crocs dans sa main droite. La jeune femme eut le courage de terminer son numéro. Puis, aussitôt après, elle était transportée à l'hôpital pour pansement. Et le lendemain, elle était à nouveau dans la cage !
Les dompteurs sont d'une race où la témérité s'allie à la douceur et à la patience. Et le premier geste de la blessée (voyez sa main) a été d'embrasser Lola sur le museau !"
A Jim Frey, dans "Les fauves et leurs secrets", Jeannette confiera : "La pauvre bête est si gentille ! (...) Je ne lui en veux pas, car je suis certainement fautive. J'ai dû mal la prendre, lui pincer la peau du ventre, que sais-je ? Et puis, je ne peux pas avoir de rancune pour cette lionne qui allait être mère huit jours plus tard." (1)
(1) Op. Cit. Page 231.
"Radar" du 15 janvier 1956. DR