Cette tranche de vie
est dédiée à Patricia L.
(Si elle lit ces lignes...
elle saura pourquoi.)
"Une tarte tatin me glorifia
d'une brûlure au majeur."
Tout au bout de la classe de 3e, où l'orientatton est on ne peut plus importante, les aiguilles de la boussole s'emballèrent. Ne désirant plus être captif d'un système qui m'avait déjà beaucoup
abîmé, j'empruntai la première route qui s'ouvrait à moi.
De perches et de mains tendues aucune ; seul un carrefour sans indicateur.
J'entrai en apprentissage dans un restaurant pour y apprendre le noble métier de cuisinier. Je garde le souvenir de tonnes de pommes de terre à éplucher, d'oignons et d'échalotes dont on
connaît les vertus, d'une tarte tatin qui me glorifia d'une brûlure au majeur, de la "machine à friser le persil" qu'on m'avait envoyé chercher partout, d'un maître d'apprentissage
"pressé", mais de noblesse aucune trace, ou alors très lointaine, tout au fond de l'eau de vaisselle. Mon passage dans la gastronomie n'aura marqué personne ; mon nom ne figurera pas dans les
guides étoilés.
Au bout d'un mois, dégoûté, désemparé, je quittai le piano et rendai mon tablier.
Je repris mes études.
Au nom de Molière et Zola qui m'avaient fait aimer les Belles Lettres, je fus admis en seconde littéraire.
Nous étions dans une classe à forte densité féminine. De jeunes drôlesses eurent beau jeu pour me déstabiliser à grands coups de rires sonores, quolibets graveleux et autres subtilités
insidieuses.
L'emprise n'offrait aucune résistance. Il est tellement agréable de se fendre la pêche avec un benêt, aux connaissances "déconnatoires" déficientes et pas du tout préparé aux mots et aux
réjouissances de son époque. On repère toujours facilement les malhabiles, les laissés-pour-compte, les rougissants, les douffre-douleur, les têtes de Turc, les cibles faciles.
Bref, parlons peu et parlons bien : Pythagore se renfrogna encore un peu et ne voulut plus me livrer les secrets de son théorème ; la mer d'Aral confondit ses eaux avec celle
du lac Titicaca ; Bayard, offusqué par ma lâcheté, tourna une page de son histoire, et tout arriva aux oreilles de Molière et de Zola qui me refusèrent le
bénéfice d'un happy-end.
"Molière et Zola
me refusèrent
le bénéfice d'un "happy-end".
3 garçons pour 27 filles en seconde A5... Les pauvres, ils n'ont pas eu la vie facile tous les jours, je l'avoue volontiers.Mais je ne vous dirai pas ce que nous leur faisions subir. Il y en a un qui était très amoureux de moi, il était petit, môche et gauche avec un fort accent régional... moi j'aimais celui-ci de seconde C qui était grand, blond, beau... mais qui ne m'aimait pas... , il faut dire que j'étais boulotte, mal dans mes baskets et mes jeans trop serrés, la mode était aux longues anguilles... les années ont passés et les écheveaux doivent être les mêmes pour les lycéens d'aujourd'hui !A parier.