L'homme qui a planté des arbres
1997. Merci d'être là, fidèles au rendez-vous. Le moral est bon ? Les troupes sont fraîches ?
Les chênes de Lucien ont cinq ans. La typographie de "La Dépêche" a changé. Nous aussi. Il se passe des métamorphoses lentes et silencieuses.
Qui a écrit : "Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent" ?
1) Darwin
2) Bossuet
3) Chateaubriand
4) Lucien
Réponse demain... ou dans cinq ans !
Coupure de "La Dépêche du Midi", édition Nord-Est, du 4 janvier
1997.
"Les chênes rouges de Lucien ont 5 ans. Pour les avoir salués dans ces mêmes colonnes et dès leur naissance, à leur juste -petite- mesure (1), il était normal que l'on s'intéressât à leur
évolution. Le quinquennat des arbres, c'est aussi celui de la vie. Aujourd'hui, si la chênaie n'est pas encore assez "futaie", elle reste tout de même à découvrir.
Lucien est heureux. Ses "feuilletés" qui vont croissant le comblent d'aise. Ne les a-t-il pas aimés, bichonnés, aidés à fourbir leur armes, individuellement arrosés pour que, de modestes surgeons
en jauge, ils deviennent adolescents ? Si.
Lorsqu'on emprunte le chemin creux, fraîchement rebitumé, qui conduit à son exploitation des "Bardis", le coeur bat la chamade à l'idée de retrouver ses chers amis les arbres, de saison en saison
plus hauts, plus forts.
Passé le pont de pierre, que des enfants, naguère, avaient transformé en port de construction de châteaux de glaise, la vue d'ensemble est surprenante, parce que renouvelée.
La chênaie ne manque pas de charme, à l'aune des tons donnés par l'automne ou sous les verts veloutés du printemps.
Les arbrisseaux poussent.
Avec quoi voisinent à présent leurs racines ? Quelque astragale de wisigoth ? Quelques fragments de poteries antiques ?
Pendant cinq ans, pendant que le système radiculaire fouillait la marne, des choses se passaient en surface : le président François Mitterrand passait l'onde noire ; les impôts augmentaient ; les
salaires se gelaient ; les vaches devenaient folles ; l'amiante de l'école dangereuse ; les téléphones de plus en plus portables ; leurs numéros s'encombraient de deux chiffres.
Lucien remplit ses fonctions de directeur de conscience en homme de l'arbre avisé. Ses petites presque fresques, ses -pour l'instant- bas-reliefs, sont mis en garde comme des végétaux convoités
contre les fabricants d'allumettes et de cure-dents et les sangliers trop ongulés.
Quand les bourgeons se seront encore une fois déboutonnés ; quand on aura inventé la poudre de gland pour soigner les maux d'en dessous la ceinture ; quand les "scies" ne seront plus que des
chansons, il restera toujours l'écho d'un vibrato ondulant la terre, celui de l'aïeul à la main verte qui n'a jamais planté ses semblables mais pour ses semblables.
(1) Voir "La Dépêche", édition Nord-Est, du 2 janvier 1992.
JF
Lucien, en sa chênaie "arbore" la coupure de presse de "La Dépêche du Midi" du 2 janvier 1992 où il est est
fait état... de la naissance de la chênaie de Lucien. Décembre 1996.
Photo JF.