11 juillet 2007 3 11 /07 /juillet /2007 18:49
Je suis parti parce que j'ai eu peur de devenir trop vite mort, trop vite vieux...
Jacques Brel, par l'entremise de ma mère, qui poursuit son interview dans la salle à manger, m'interroge : "Pourquoi n'avez-vous pas pu rester derrière le bureau où la vie vous a placé ? Pourquoi votre champ à labourer ne vous a pas rempli sufissamment ?"
Alors je me hasarde à expliquer : "Je suis rentré de justesse au Ministère de la Justice, en qualité d'employé aux écritures, le 1er avril 1991. Fonctionnaire de l'ombre, gratte-papier et rond-de-cuir ou rond-de-papier en gratte-cuir, je n'ai jamais cherché à grandir dans cet écosystème. Il y a plus de 15 ans que je suis convoqué tous les matins au tribunal, et mon affaire n'a toujours pas avancé... Moi, j'aurais bien voulu être un artiste. Ce que je fais est alimentaire. Vous, Jacques, vous avez bien quitté la cartonnerie, en menaçant de casser les carreaux de l'usine qui étaient toujours mal lavés... Voulez-vous que je vous dise ?"
"Tu arrêtes tes conneries ?"
tonne mon père... "Tu es trop intelligent pour rester ici et trop con pour aller ailleurs..."
N'empêche qu'il a été fier d'assister à la première de ma pièce "Agence" donnée d'une bien insolite manière...
Au tribunal, mes collègues de bureau -à qui je m'étais ouvert du délit d'écriture- ont tenu à jouer mon texte... dans une salle d'audience.
Quel dramaturge peut se vanter d'une pareille prouesse : voir sa première pièce créée dans une salle d'audience d'un Palais de Justice, avec, dans l'assistance, le Président du Tribunal, le Procureur de la République, la Concierge, les Femmes de Ménage, une Soumise de ses amies en bottes-cuissardes, sa Psychiatre et ses Parents ?
Je vais vous faire une confidence : ce soir-là, j'ai entendu le souffle de la voix de mon ami Jacky, depuis son exil à "Ailes Blanches", qui me disait : "Vas-y, Jo..."

Erreurs, coquilles...
Aujourd'hui, chez mon marchand de journaux préféré (19, place du Salin à Toulouse), j'ai acheté une carte postale. Il me faut vous dire que toutes les semaines, j'envoie une carte postale à ma mère...
Celle-ci, je la garde, en collector, comme on dit aujourd'hui... Elle représente l'une des plus belles places en forme de triangle isocèle presque parfait de la ville rose, la "place de la Trinité". Or, au dos, avec superbe, la légende dit : "Toulouse, la place Esquirol". Il y a un téléphone. J'appelle l'imprimeur. J'ai presque envie de lui dire que non, c'est pas là que Brel est mort... Il me répond gentiment : "Je sais, il y a une erreur. On va corriger ça..." La carte est tirée à 500 exemplaires. Peut-être en dénicherez-vous une, un jour, au rayon des curiosités, dans une brocante... Dites, vous penserez à moi ?

Le désert des Tartares.
Dans la bibliothèque de Jacques Brel, on trouve le si beau livre de Dino Buzzati "Le désert des Tartares". Ce texte est d'une réussite totale sur l'attente, l'action qui ne vient pas, l'espoir d'un coup d'éclat, et la mort lorsque l'ennemi est là...
La chanson "Zangra", autre réussite de densité, s'inspire de la même veine. Lisez ou relisez le livre. Ecoutez ou réécoutez la chanson. Et ne partez pas encore... On ne sait jamais... Tout peut arriver... Apprêtez-vous à vivre le moment où vous vous y attendrez le moins... Et il arrivera... quand vous ne vous y attendrez plus.

La bibliothèque de Brel.
J'ai dans l'idée de reconstituer un jour quelque part la bibliothèque de Brel. Par recoupements, on sait les livres qu'il a lus et aimés... C'est une bonne idée, vous ne trouvez pas ?
J'ai pris plaisir à établir la bibliothèque commune que nous aurions pu partager, Brel et moi, si nous nous étions retrouvés sur une île déserte. Nous avons assisté aux mêmes messes et nous avions les mêmes missels. Les auteurs cités seront rassurés d'avoir au moins deux lecteurs confirmés :
Alphonse Daudet :  Le Petit Chose
Aldous Huxley :  Le meilleur des mondes
La Fontaine : Fables
Guy de Maupassant : Boule de suif
Henry de Montherlant : La ville dont le prince est un enfant (dédié à l'abbé Casy Rivière.)
Antoine de Saint-Exupéry : Terre des hommes
Franz Kafka : Le procès
Joseph Kessel : Belle de jour
Molière : Oeuvres
Jacques Prévert : Paroles
Jean-Paul Sartre : Les mots
John Steinbeck : Des souris et des hommes
Boris Vian : L'écume des jours

Les Russes sont bons pour écrire.
Tourgueniev, Gogol, Tchékov... Les lire, c'est pas mal du tout, du tout...
Quand Brel va chanter en Russie, il fait un triomphe. Les Russes pleurent sans comprendre un seul mot. Le poète Evtouchenko écrit une phrase magnifique que je cite de mémoire : "Il incarne toute l'impétuosité chaotique, comme les vivrations d'un moteur."

(A suivre.)

Joël Fauré

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Brèves:

Comme un arbre dans la ville.

Ca n'a pas tardé. Dans mes "brèves" du 30 juin, je m'inquiétais sur le sort de l'oeuvre d'art de la ligne B du métro Toulousain, station "Barrière de Paris". Pour mémoire, ce sont deux énormes arcs d'acier qui s'érigent vers le ciel, qui me font penser à deux parenthèses ouvrantes. Je ne trouve pas ça si vilain.
Une dame, interrogée par le correspondant du journal "La Croix" (et pas forcément "croix-yante") a éclaté : "Pourquoi ce truc ? Autant planter un arbre que cette mocheté."

*

France Inter ou la différence

Déjà traumatisé par la disparition en son temps des "Choses de la Nuit" de Jean-Charles Aschéro, et polytraumatisé par le départ -volontaire- de José Artur et de son "Pop Club", la grille d'été de "France Inter" me fait sortir de ma réserve et m'empêche de garder ma contenance.
A des rediffusions en série, sans même le souci de faire un montage -à 1 h 28 du matin, il est 18 h 32- succèdent des bouts de morceaux de redites. Où sont les "Dramatiques de Minuit", les "Maîtres du Mystère" qu'il suffirait de ressortir ? Que n'offre-t-on un laboratoire à des voix et des concepts nouveaux ?
Vieil auditeur de "France Inter", je perds tous mes repères. Où est "La nuit Caroline" de Caroline Grimm ? Et "Le mot du jour" d'Alain Rey, chassé comme un malpropre ?
La grille d'été de "France Inter" ressemble à un "barbecul" bancal qui n'aurait même pas sa chance dans un vide-grenier.
Une petite modération tout de même à mon propos :
Entre 8 h 45 et 9 h, une petite sonate vient se glisser dans votre oreille. C'est Jean-Pierre Coffe, dans un petit quart d'heure joliment facturé : "Permettez-moi de vous présenter..." un fruit, un légume, un aliment. Avant-hier c'était l'ail, hier l'abricot ("l'oeuf du soleil" pour les Perses) et aujourd'hui les piments...
C'est une émission "making-coffe" pour faire réfléchir les "grosses légumes" et "le gras du bouillon" de Radio France ?

JF

*

Ce n'est pas sans fierté que je vous annonce que Camille C. songe à "ouvrir" un blog, un support bien séant et bien naturel où les mots qu'elle dompte, qu'elle caresse, qu'elle accomode prendront toute leur ampleur, et tout leur épanouissement.

QUELQUES MOTS D'ELLE
par Camille C.

"A PROPOS DE BARRES"

Chez lui, gênant à demi l'entrée de la cuisine, apposée à la porte blanche, une chose étrange et insolite retint mon attention et mes pas.
Qu'était-ce ?
Un objet indéfinissable que je ne saurai plus décrire dans le détail tant sa présence m'incommodât et me forçât à fermer un peu les yeux pour ne pas le voir tout entier. Deux barres parallèles montées peut-être sur quatre pieds. Quel pouvait en être l'usage en cet endroit ?
Ma première idée fût que ce fer avait pu servir les penchants sadomasochistes de mon hôte.
Mais de quelle façon ?
Ma nature curieuse l'emporta sur le dégoût.
La matière est froide : impossible de se mettre entre les barres. Peut-être dessus ? S'y accrocher ? Y être attachée ? L'objet serait-il plus lourd qu'un corps ?
Non ! D'ailleurs, je ne vérifierai pas car je ne toucherai pas. Je ne m'habituerai pas non plus... sauf... si ces barres parallèles me faisaient penser à celles que les gymnastes essaient de maîtriser par tous les muscles tendus de leurs beaux corps.
Des gymnastes nains alors ? Des gymnastes de jardin ?
Le fou rire qui sourd en moi me rassure. L'objet me semble moins repoussant.
Oserai-je passer un doigt dessus ? Pas encore.
Le mieux serait d'en parler. Le dénoncer.

Inimaginable ! Un suspensoir à linge ! Je glousse.
Pour quel linge ? Celui des trolls mais pas celui de mon hôte. Tout juste une culotte, deux chaussettes ou un gant de toilette.
Je suis perturbée et vexée car ce substrat d'un vert pisseux a obscurci mon esprit malade qui s'est laissé dominer par des pensées malsaines.
Heureusement, elles ont été lavées par le linge propre et humide de Gulliver.

Camille C.

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commentaires

J
JLG : Puissent ces mots alléger votre fardeau... Tout mon concentré de bonnes pensées va vers vous...<br /> Puisse-t-il vous rafraîchir le front, comme d'autres l'ont fait et le font pour moi, quand la sueur de l'angoisse mouille même les draps...<br /> Mais songez à Brel... <br /> Venez ici quand vous voulez...
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J
La vie m'est chappe en ce moment<br /> mes mots me sont cruels<br /> mais j'aime tant venir vous vister<br /> Je peux un instant lacher la pierre que j'ai dans la poche...et "Déplier mes yeux"<br /> Me réparer...<br /> Merci pour tout ça<br /> jlg
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J
Camille : Ah ! Ah ! Ah ! Non, ce ne sont pas des installations sadomasochistes bricolées par un frustré... mais... les tréteaux qui supportaient une planche... Elle me servait de bureau, au temps où je n'avais pas assez d'argent pour m'en acheter un !
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J
Jeanne : Bienvenue ici. Je vous ai souvent visitée et j'ai été séduit par votre approche des gens et des choses... Votre regard et votre lumière me touchent... <br /> A bientôt.
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J
nous nous sommes croisés souvent<br /> chez AURORA<br /> et là envie de passer chez vous<br /> une autre regard<br /> une autre lumière..<br /> A bientôt
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