6 février 2008 3 06 /02 /février /2008 10:16

DEUXIEME ACTE

Un pré pentu et herbu.
En contrebas, un ru dessine un coude au milieu de cognassiers.
Deux gués en assurent le passage à pieds presque secs.
La chroniqueuse et le peseur d'eau sont assis, chacun sur une vieille pierre. 
A même le sol traîne un exemplaire d'un magazine illustré, chiffonné et corné.

La chroniqueuse : Le conflit de canards a été dur. Ils ont absolument tenu à venir terminer leurs noces ici, dans ce ru dont vous leur avez parlé pour mieux expédier les affaires courantes. Nous n'avons pas pu les empêcher. Nous n'avons pas retrouvé le fabricant de bottes qui dépassent le genou. Nous ne savons toujours pas qui a écrit le message de détresse. Il a un peu plu. Nous n'allons pas manquer d'eau. Votre style à vous faire mal comprendre a beaucoup plu. Nous sommes le mercredi de Pâques.
(Aperçevant le magazine.)
Qu'est-ce que c'est, ça ?
(Elle se saisit du magazine qui n'en a plus la forme ; des pages sont arrachées, d'autres pendouillent.)
C'est un exemplaire du "Factotum du Caparnaüm", un magazine à qui je ne prêterai plus ma plume. Il est revenu à son état primaire : un torchon, une serpillère. Quelqu'un a dû le jeter là, craignant d'être jugé à ses lectures. Jugez plutôt : (Elle lit.) "Le plus grand acteur du monde a été contraint d'annuler un jour de tournage. Il était affublé d'un bouton sur le nez. Perte sèche : une somme suit." Sa photo aussi est publiée. Il a vieilli. Je ne sais pas si c'est son front qui est réellement aussi ridé ou si c'est le papier qui est fripé. 
(Après un temps :) Où avez-vous mis la plume qu'il vous reste après en avoir beaucoup laissé là-bas ? Il y a longtemps que vous ne m'avez pas écrit. Je me charge d'alimenter la chronique, et je connais mon métier. Je prends les choses en main : passez-moi les choses.
(Le peseur d'eau extirpe d'une de ses poches intérieures le stylo qu'il tend à la chroniqueuse.
Elle feuillette le magazine.)
Que d'espace perdu ! Tenez, ici, quelqu'un s'est même payé le luxe d'acheter une page blanche pour faire savoir qu'il n'a rien à dire.
(Tout-à-trac, au peseur d'eau :)
Vous ne voulez pas aller voir là-bas si j'y suis ?
(Le peseur d'eau s'éloigne mais reste dans le champ. 
On le voit de dos.
Il se met dans la position pour uriner et la chroniqueuse dans celle pour écrire.
Un long moment s'écoule durant lequel les positions adoptées seront maintenues, un peu caricaturalement.
Le peseur d'eau laissera supposer qu'il urine toujours...
Une musique se laisse entendre durant cet épisode : le concerto n° 21 de Mozart.
A la coda, le peseur d'eau revient près de la chronqueuse.)

Le peseur d'eau : Vous n'y êtes pas.

La chroniqueuse : Pardon ?

Le peseur d'eau : Vous n'y êtes pas. Je reviens de là-bas ; vous n'y êtes pas...

(La chroniqueuse hausse les épaules.)

(A suivre.)




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commentaires

J
Théo, que faire ? Circonscrire la flaque ? L'écoper avec un seringue vert fluo de la panoplie de la parfaite infirmière ? Allez, je vous attends, flic flac, les pieds dans la flaque :-)
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T
Déjà le deuxième acte de Flaque, et moi qui suis en retard de lecture de pages, et de pages et de pages... je vais me réserver une plage horaire-heureuse-tout-exprès ce weekend. Joël, vous allez trop vite, je ne suis pluuuuuuuuuus !!!<br /> à tout bientôt :-)
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