"Philistin ?"
A l'image de mes parents, devenu philistin
moi-même, je ne vois pas d'un oeil averti les progrès et les nouveaux outils de communication.
Hier, les ordinateurs étaient gros comme des maisons ; aujourd'hui des maisons sont dans les ordinateurs. Rétif à toute "vocabulairerie" venue d'outre-Atlantique, c'est la bonne pâte à papier et
les billes qui restent pour moi de précieux alliés.
Les supports de l'industrie du disque se sont aussi modernisés : la galette de vinyle, où se gravaient les microsillons, sont supplantées par le Compact Disc, d'un format plus petit, d'une
matière plus résistante...
Dans la chambre de la maison grise et verte, depuis le premier disque de Brel, j'ai aimé écouter les
vignettes musicales, les chansons, et, devant la glace, je m'investissais chanteur à texte et à frisson, et m'inventais des récitals et des galas. Avec force gestuelle, le coeur sur la main,
je remerciais le public. Je reconnais qu'il ne fallait pas trembler en posant le bras articulé de l'électrophone sur la plage à écouter. Mais le plaisir d'oreille était intégral.
Au plus loin encore dans ma mémoire, je me souviens de ma petite voisine italienne, ma compagne de Commedia dell'arte, avec qui j'écoutais, sur le tourne-disque de sa tante, les reliques sonores
de nos nostalgies.
La recherche des morceaux aimés est plus aisée aujourd'hui : les lecteurs de compact disc savent reconnaître le digital de nos envies. J'ai acheté un de ces lecteurs. En rappel à l'histoire, le
premier disque qui y fut inséré fut un disque de Brel.
Je reviens à l'informatique. L'information et la robotique sont entrés dans la gestion des affaires pendantes de l'institution qui m'emploie. La hiérarchie a vu mon effort accompli, la
constance, la qualité du rendu dans mon travail, malgré les toc. Elle souhaite m'équiper au dernier cri et me doter d'un ordinateur. J'accepte. J'ai appris sur le tas le maniement des puces
et des souris ; j'ai pianoté sur les claviers, comme un homme "azerty" qui en vaut deux ; j'ai admiré les belles icônes, consulté des menus et ouvert des fenêtres ; j'ai cliqué sans
claquer, et j'ai beaucoup mieux traité les textes qu'autrefois...
Bref, ce fut une révélation, un nouveau départ... un élan...