22 juillet 2009 3 22 /07 /juillet /2009 18:44

Mon premier "contact" avec des fauves, chez Jeannette Mac-Donald. 1973. (Photo DR)

Indigènes.

Comment les indigènes buzetois ont-ils vécu, dans leur fief, l'installation d'une réserve sauvage et l'arrivée d'une des dernières des mohicannes ?
On a dit d'un chercheur de champignons qu'il n'avait pas toutes ses facultés le jour où il a prétendu avoir été effrayé par le rugissement d'un lion. "Il a trop regardé "Daktari" ont déclaré certains.

Sheila est là, aussi, à Buzet...

 

Pourtant, le journal local, "La Dépêche du Midi", belles et impressionnantes photos de l'époque dorée à l'appui, vient mettre tout le monde d'accord.
"Son cirque avait brûlé.

LA DOMPTEUSE JEANNETTE MAC DONALD est devenue gardienne du zoo de Buzet.

Un jour de 1967, son cirque a brûlé, là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie. (...) Le saviez-vous ? Jeannette Mac Donald est aujourd'hui parmi nous. Elle vit depuis trois mois au zoo de Buzet dont le directeur, M. Chapate, lui a confié la garde. Mais la dompteuse n'est pas venue seule. Accompagnée de Smati, son fils adoptif, de cinq de ses magnifiques lions, de ses singes et de trente-cinq chiens. (...) Dans cette retraite forcée, Jeannette Mac Donald conserve l'espoir de jours meilleurs. Elle travaille avec ses lions pour mettre sur pied un numéro qui lui permettra de retrouver la vie du cirque, la grande aventure qu'elle n'aurait jamais dû quitter.

Venez nombreux au zoo de Buzet, paradis pour enfants que les adultes apprécieront aussi. Beaucoup y retrouveront leur petite amie toulousaine, la panthère "Sheila" qui était autrefois au jardin des plantes. (1)

 

Sauf la demoiselle de la mairie.

"Lorsque je suis arrivée à Buzet, à part la demoiselle de la mairie, qui a des idées justes, dira un jour Jeannette, les gens ont cru que j'étais une bohémienne, puisque j'étais avec des roulottes. Je crois même qu'il y en a qui ont dû ranger leurs volailles".

"La demoiselle de la mairie", Bibiane Mangion, s'est effectivement prise de sympathie agissante envers Jeannette. Beaucoup d'autres la suivront dans cette voie.

En réalité, passés les premiers instants, intrigants, Jeannette a très vite été intégrée chez les sédentaires. On a d'abord dit "la dame du zoo", et puis très vite, on l'a appelée par son prénom.

Dans le tiercé de tête de ceux qui ont apprécié Jeannette à sa juste valeur, et lui sont restés fidèles jusqu'au bout, il y a un homme loyal, désintéressé, altruiste, et surtout d'une grande humilité : le vétérinaire Jean-Louis Agard.

 

 

C'est une photo.

Elle est en couleurs. C'est dire qu'elle fait frontière entre deux rives. A peu de chose près, nous aurions eu droit au noir et blanc dentelé réglementaire des clichés de famille... Mais c'est le timide début des années soixante-dix qui rudoie ma propre timidité. Ma mère m'a accompagné au zoo. C'est elle qui appuie sur le déclencheur. Elle a dû y accorder de l'importance, à cette scène, surréaliste trois ou quatre mois plus tôt. Je tiens ma casquette à la main pour qu'elle ne figure pas sur la photo ! Plus pataud, plus penaud, c'est difficile... Il faut dire qu'il y a de quoi avoir la pétoche. Pourtant, derrière moi, dans la cage aux fauves, installée sous les frondaisons des grands bois, deux énormes lions me regardent, placides. Comme matés.

Ce n'est pas d'eux dont j'ai peur. Mais des autres qui m'observent.

Les fauves chevelus, hiératiques, forts et fort adjectivés, rois, têtes géantes et belles de gagneurs encagés, reconnaissent-ils en moi, dans mes habits trop serrés, quelqu'un qui est de leur race ?

Ma mère en doute. Jeannette moins.

Mais l'une et l'autre me transmettent, photo à l'appui, leurs folies asymétriques.

 

 

C'est complètement "narvalo".

 

Dans le jargon des gens du voyage, "narvalo" veut dire fou. Chez les sédentaires, "fou" ne veut plus rien dire. Tout est dans le degré, tout est dans la nuance, et sans doute, chacun d'entre nous est un peu fou un jour ou l'autre. Si être fou, c'est se dépasser, surmonter, rire plus fort, aimer plus fort, étonner, surprendre et mourir sans rien craindre, alors, oui, il faut être fou.
Jeannette est folle.
Ma mère est folle.
Et je suis contaminé.

Elles ont rendu miens leurs entassements compulsifs, leur crainte de voir les cadres posés un peu de travers ; leur terreur devant le manque, d'eau, d'air, d'argent, du trou, du vide, (une mort annoncée, alors ?) ; leur force rare de femme, amenuisée devant de ridicules points cruciaux -le vent, parfois, craint un pet-de-nonne-.

(1) "La Dépêche du Midi" - M.G. - Indatable.

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21 juillet 2009 2 21 /07 /juillet /2009 18:39

D'autres cochons d'Inde à fouetter...


Je ne connais du cirque que "le grand sympathique", Roger Lanzac, à la télévision le mercredi soir, dans la célèbre "Piste aux Etoiles", et l'index que pointe à sa tempe, en signe de salut, le chef d'orchestre Bernard Hilda.
Gros garçon rustaud, joufflu et ventru, j'investis mes dix ans avec deux seins aberrants qui signent l'obésité des paysans nourris de trop de graisse. Je m'ennuie beaucoup et souvent. Je passe du temps à me salir de terre glaise, près de l'auge aux poissons, et cours me réfugier sous les jupes de ma mère si, d'aventure, quelqu'un vient.

Mes parents élèvent des poules, des canards, des lapins, des cochons. Ils cultivent leurs petites vignes, leur jardin.
Je ne connais des bêtes que le meuglement des vaches, les criaillements des pintades, l'aboiement d'autres chiens dans le lointain.
Mes parents se couchent comme les poules et se lèvent au chant du coq. Pour unique espoir d'exotisme, il faut se rabattre sur le bruit du train porté par le vent et les fêtes foraines de l'été.
Là, c'est vrai, je peux prétendre gagner à la tombola des poissons rouges, des bengalis, des cailles et des cochons d'Inde.

Les cochons d'Inde, autrement appelés cobayes, sont des animaux faciles à nourrir, faciles à élever, et qui se reproduisent très facilement.
Qu'il me soit beaucoup pardonné pour avoir, au stade sadique anal, dans des lapinodromes improvisés, maltraité ces petites bêtes rondes et poilues, jusqu'à les faire couiner...
"Les cochons d'Inde sont les partenaires de jeu idéal des enfants" dit la fiche illustrée du "Grand Fichier du Monde Animal", auquel je suis abonné, tandis que ma mère l'est au "Fichier du Club des Gourmets en Famille", et que mon père, dans une France Pompidolienne à souhait, s'occupe de ses salades...

 

Il me suffit de faire trois pas sur la route qui longe les Grands Bois pour franchir la porte du zoo.

Une dame est là, qui vit dans une roulotte -"une caisse à savon" selon son expression-, une éternelle gauloise à la bouche, un ruban de cheveux autour de la tête, comme les Cheyennes.

C'est Jeannette Mac-Donald. Blanchie sous le harnais. Rides profondes. De quelqu'un qui a roulé sa bosse. Cicatrices.

Depuis son arrivée en France, depuis ses soucis, depuis ses ennuis, ses "emmerdements" comme elle dit, elle a perdu toutes ses dents.

Mais pas son énergie.

Elle a cette fierté et cette force de femme dont la vie intègre, intégrale a été vouée à une passion exclusive : les bêtes. Toutes les bêtes.

Je mesure, à l'aune de mes réflexions d'enfant, la chance que j'aie d'approcher un mythe.
Comme elle est habituée aux bêtes sauvages, lors de ma première "simple visite" au parc, je trouve l'audace de lui demander : "Ca vous intéresse, des cochons d'Inde ?" Proposer des animaux à Jeannette, ce n'est pas offrir de la confiture à un cochon, quand bien même fût-il d'Inde.

Elle me répond : "Bien sûr".

Sur le porte-bagages de la bicyclette, j'ai solidement attaché, avec de bons tendeurs, un cageot, avec, dedans, les petits rongeurs promis. Mon père, dans un accès subit de générosité, a offert de la salade pour les nourrir.

Et c'est ainsi -cochon qui s'en dédit- qu'a débuté une extraordinaire histoire.

 

La "collection" du zoo de Buzet était à l'époque "riche" d'Apollo et Bellone, lions d'Abyssinie, Clarence et Angélina, lions de l'Atlas, Duranton et Rachel, lions d'Afrique, Samson, loup de Sibérie ; Shanghai, léopard ; Sheila, panthère mouchetée ; un vautour fauve qui refusa, pour mieux rester anonyme, qu'on lui donne un prénom ; Boubou et Titou, callitriches, singes verts ; Nénette, macaque Rhésus ; Mimi, magot d'Australie ; Napoléon et Joséphine, macaques de Java ; des grues antigones, des émeus d'Australie, des mouflons de Corse, Pascal, le poney...

Autour de cette "planète" vient graviter en satellite la petite plèbe animalière dont Jeannette ne s'est jamais départie : des chiens (innombrables), des chats, des chèvres, des cochons, des poules, des canards, des dindons, des oiseaux de toutes espèces, mais aussi des porcs-épics, et des rats aussi, et des papillons aussi, et des mouches aussi...

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20 juillet 2009 1 20 /07 /juillet /2009 18:23


La dernière étape ?
(Photo Gerard Florand)

Le chien aboie ; la caravane passe.

C'est un peu comme une dépanneuse qui tracterait une autre dépanneuse. Là, c'est un cirque qui transporte un autre cirque. Ou ce qu'il en reste.
Image fugace qui me fait penser à la scène d'un film néerlandais, "Les habitants",  où l'on voit arriver, dans un village de nulle part, près d'une forêt, et dans un bringuebalant camion, des montreurs d'us et coutumes d'un pays lointain...
A Bordeaux, on a donné à Jeannette des camions, des caravanes et... des sabots.
Savez-vous ce que sont, au cirque, des sabots, quand ce ne sont pas des semelles de bois avec une empeigne de cuir qu'enfilent vite les paysans et les artistes... de cirque ?
Ce sont des petites cages mobiles sur roues pour le transport des animaux. (1)

C'est la première et la dernière fois que le fantôme du cirque Amar passe devant chez nous.
Mon père, qui se trouve dans son jardin à empêcher les salades de monter, me certifie avoir vu un homme vert avec un nez rouge lui tirer la langue.
La caravane passe ; notre chien aboie.

Un confort spartiate.


Après enquête "commodo et incommodo", qui permet d'évaluer les troubles qu'un projet peut entraîner dans le voisinage, le zoo de Buzet "ouvre" ses portes. Loin de tout branchement, il n'est pas équipé -aussi surprenant que cela puisse paraître- en électricité, en eau courante, et ne possède pas le téléphone. Seul, un puits est creusé, chapeauté d'une "chèvre" (2) rudimentaire, d'une poulie, d'une corde et d'un seau, pour subvenir aux besoins essentiels en eau. Pour étancher la soif du roi des animaux et le laver de tout affront.


Le cirque de A à Z.


Ah ! Le A du cirque Amar ! Le A d'amour. Le A de l'arrivée de Jeannette Mac-Donald à Buzet-sur-Tarn ! Ah ! Le A. L'aîné. L'Alpha. De A comme Amar à Z comme Zavatta.

Le A tracé plus grand. C'est une technique, une astuce publicitaire. Une bonne accroche. Des exemples ? Allez-donc à l'épicerie : le café LAVAZZA. Allez donc chez le concessionnaire électro-ménager : le rasoir BRAUN. Les appareils-ménagers FAURE. Quittez donc la lecture de ce blog et allez-donc sur la place de votre ville, et regardez : le cirque AMAR est là !...

Alors que le Z... Il permet une fuite au gaz. Il termine en insistant sur le jazz.

Le Z. Il commence le zoo.


(1) "Le cirque, un art à la croisée des chemins" Pascal Jacob. Découvertes Gallimard.
(2) Appareil rustique de levage.

Un sabot, au cirque, est une petite cage roulante. Ici, a Buzet, "chez Jeannette".
(Photo Jacques Madrennes)
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19 juillet 2009 7 19 /07 /juillet /2009 18:44

                                           DEUXIEME PERIODE
                                                    (1973 - 1999
)
.
Un paysan, un "gadjo".

Tout comme chez les juifs le "goy" est un non-juif, dans le milieu des gens du voyage, le "paysan" ou le "gadjo" est le nom donné à celui qui n'en est pas...

Je suis doublement paysan : paysan par mes parents ; paysan par Jeanne, Louise, France Corfdir dite Jeannette Mac-Donald, "la dame du cirque", "la dame du zoo".

 

Puzzle.

Du zoo, je n'ai qu'une seule idée. Celle d'une boîte de puzzle, 40 pièces environ, représentant quatre images d'animaux exotiques. Un lion. Un ours blanc. Non, brun. Non, c'est ça, blanc. Un éléphant. D'Afrique. Non, d'Asie. Non, c'est bien ça, d'Afrique : les éléphants d'Afrique ont de grandes oreilles alors que ceux d'Asie en ont de plus petites. Et un chameau. Non, un dromadaire. Non, un chameau. Le chameau a bien deux bosses, c'est bien ça ? L'idéal serait que je retrouve la boîte.  Si ma mémoire est bonne, il manque quelques pièces, mais nous pourrions avoir un meilleur socle de connaissances.

Lorsque Jeannette Mac-Donald arrive à Buzet-sur-Tarn, pour Pâques 1973, elle a 55 ans, et moi 11.
Je suis le petit garçon de "Cinéma Paradiso" ; elle est la star déchue de "Boulevard du crépuscule".

Voici pour la distribution des rôles.

Pour ce qui est du décor naturel, la forêt royale, puis domaniale, puis oecuménique de Buzet-sur-Tarn fera l'affaire.

Et l'histoire pourra commencer, puisque ainsi en a décidé la grande loterie "Destins, hasards et compagnie".

 

La forêt de Buzet.

La forêt de Buzet-sur-Tarn, environ mille hectares, s'incline entre Garonne et Tarn. La route départementale qui la traverse de part en part joint Toulouse à Albi ou à Montauban, c'est selon. Vue du ciel, elle a vraiment la forme d'un poumon, si bien que la métaphore de "poumon vert" lui va très bien.

Si vous arrivez de Toulouse, à pied, à cheval, en méhari ou en voiture, la route vous fera d'abord du plat, entre les chênes sessiles et les fougères ; puis elle vous offrira la sensation des montagnes russes. Une première descente, en pente pas très douce, puis une seconde. C'est là, tout en bas, en lisière, que se trouve le zoo. La parcelle boisée appartient à la municipalité de Buzet.

A l'angle droit, il y a comme une encoche, une ablation du poumon.

Ensuite, la route file tout droit, et vous fait sortir du bois. Un peu plus loin, il y a "la ferme des deux frères". (Ils ont bien aidé Jeannette et Smati à s'installer.)

A droite, comme à gauche, une autre route longe la forêt.

Ces considérations géodésiques faites, quelle que soit la direction que vous prendrez, le seul habitat concentré que vous découvrirez sera celui des feuillus et des moussus.
Si vous prenez à gauche, vous irez vers la décharge publique ; si vous prenez à droite, vous tomberez sur la maison grise et isolée où j'ai grandi... près des bois et des bêtes sauvages.
Voilà pourquoi je le suis resté. Sauvage.


Les dimanches à la campagne.

C'était un dimanche, à la campagne, au début des insouciantes années soixante-dix, comme tous les autres dimanches. Il fallait bien les occuper. Mornes et vides, dans un univers figé et étriqué.

Je me souviens de deux dimanches marquants : celui où nous nous sommes rendus, en voyeurs, ma mère, mon père, ma tante, mon oncle et moi, à Saint-Nauphary, voir "la maison du crime", théâtre d'un sordide fait-divers qui faisait alors la une de l'actualité.(1)

Et celui où nos pas nous menèrent naturellement dans la forêt proche, où le zoo était en construction.
Ma mémoire est assez imprécise, mais je réentends mon père dire : "Ici, on ne pourra plus venir chercher des champignons". Et je revois les cages en béton armé, dotées de solides barreaux et de portes à guillotines. Elles étaient séparées par une cloison et une porte coulissante.

Les maçons n'avaient pas encore jeté le crépi. Finies, elles ressembleraient à la façade d'une maison comme une autre...
Il y avait ce qui serait "l'allée des fauves" et ce qui allait devenir "l'allée des singes". Sur le chantier encore, des jeux pour les enfants (une balançoire, un tourniquet...) ; un décor résolument voulu couleur locale avec matériau du cru. Des petits bancs et des tables de bois, une buvette façon saloon, western, Far West... Vraiment, je me demande pourquoi Shérif n'a jamais voulu venir à Buzet...

(1) L'affaire Portal



"La Dépêche du Midi"  - indatable : appel à témoins (3 mois "autour de Pâques 1973")
Document aimablement transmis par Bernard Albarède.
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18 juillet 2009 6 18 /07 /juillet /2009 19:08

"Sud-Ouest" , 15 septembre 1969.
Document aimablement communiqué par Jean-Pierre Jerva.

Y avait-il un moyen de "rebondir" ?

Jeannette débarque à Bordeaux le 14 septembre 1969.
Le journal "Sud-Ouest", daté du lundi 15 septembre 1969 titre :

"Malgré une traversée agitée entre Casablanca et Bordeaux les fauves du "Monte-Berretin ont gardé leur bonne humeur".

et poursuit :

"Arrivant de Casablanca, un cargo, le "Monte-Berretin", s'est amarré, hier soir, quai Queyries.

Dans ses cales, le "Monte-Berretin" transportait... une insoltite ménagerie qu'aucun barrissement n'annonçait."

 

Le jeudi 9 octobre, "Sud-Ouest", sous la plume de Jacques Sylvain, se montre plus précis et réaliste :

"Je mourrai de faim avec mes bêtes" jure la dompteuse Jeannette Mac Donald, échouée sans un sou sur un quai du port de Bordeaux

(...) Le décor a de quoi surprendre : une roulotte délabrée, envahie par une meute de petits chiens qui pleure pitance. Au dessus d'un réfrigérateur rouillé, un tableau noirci.

"C'est mon père, Mac Donald. En 1906. C'était un grand dompteur..."

La grande dompteuse que fut au cirque Amar sa fille, Jeannette Mac Donald, est aujourd'hui une femme seule, sans chapiteau, sans public, sans argent, avec pour seuls compagnons ses "enfants" : huit lions, deux ours, une hyène, quatre singes, une éléphante (efflanquée et folle d'inquiétude dans un camion pourri), six chats et vingt-deux chiens !...

Elle a échoué sur les quais de Bordeaux, débarquée, il y a un mois, par un cargo en provenance du Maroc, le "Monte-Berretin". Il y a une roulotte qui menace ruine dans laquelle Jeannette Mac Donald vit avec deux de ses lions. Ils couchent avec elle dans l'unique divan. A côté, des camions agonisants abritent l'éléphante et les autres membres de cette insolite famille.

Les yeux rougis par les larmes, Jeannette Mac Donald m'a raconté l'incroyable odyssée qui l'a conduite sur le quai désert...

"- Notre cirque a brûlé en Algérie, pendant la fête du "Mouloud". Nous n'avons pu sauver que les animaux. Je me suis retrouvée seule avec eux. Sans eux, je n'aurais pas continué...

Je suis allée au Maroc. Ca n'a pas marché. Avec les quelques sous qui me restaient, j'ai pu payer notre retour jusqu'à Bordeaux. Et me voilà..." (1)

Et la voilà. Propulsée malgré elle dans une chanson noire et triste de Piaf, disparue, elle, en 1963.
Le "Cercle Enchanté" devient un cercle vicieux.
Pour gagner sa vie, elle fait la tournée des terrasses et des bars, avec Nenette, un singe macaque rhésus, qui exécute, à la demande, le salut militaire. Jeannette vivote.
Elle donne des petits spectacles, avec l'éléphante Sabu. Jeannette survit.
Elle vend des cartes postales, souvenirs de ses anciens spectacles. Jeannette subsiste. Jeannette résiste.
Le destin se montre peu clément, et le sort s'acharne : une bouteille de gaz explose dans sa caravane, détruisant encore un peu plus de morceaux de vie.

Que faire ? Y avait-il un moyen de "rebondir", d'être réengagée dans un grand cirque, d'utiliser somme toute une notoriété réelle ?
De grandes zones d'ombre demeurent : avec son "projecteur-poursuite", le machiniste n'a pas dû éclairer là où il fallait.

La solidarité "légendaire" des gens du voyage paraît ici bien écornée. Jeannette ne doit pas être loin de faire sienne la définition que le journaliste et écrivain Ambrose Bierce donne du cirque :
"Cirque : Endroit où les chevaux, les poneys et les éléphants sont autorisés à voir des hommes, des femmes et des enfants se conduire comme des idiots".

Si elle ne se pose pas trop de questions sur la condition animale, elle commence à douter de la gent humaine.

Pourtant, lorsque, en 1973, le propriétaire d'un petit zoo, installé dans la forêt de Buzet-sur-Tarn, près de Toulouse, lui propose l'idée de le rejoindre avec ses bêtes, elle accepte.
Elle rappelle son fils "adoptif" Smati, qui la retrouve à Arcachon.
Il veut bien la seconder, être de l'aventure.
Il veut bien être "l'avant-courrier".
C'est donc lui qui va escorter, de Bordeaux à Buzet, cet étrange convoi qu'est le patrimoine Mac-Donald.

(1) Les archives du quotidien "Sud-Ouest" ont été aimablement communiquées par Jean-Pierre Jerva.

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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 18:25

"On achève bien les chevaux" au cinéma ;
au cirque, on les oublie.


Le cirque brûle.

Le 19 juin 1967, place du Champ de Manoeuvres à Alger, le cirque est dressé.

Faute d'espace, les vehicules sont garés sous le chapiteau.

Au cours d'une fête, des enfants jouent avec des pétards.

Une brochette de ces pétards atterrit malencontreusement sur la toile, gagne le réservoir d'essence d'un camion ; ce qui a pour effet d'embraser aussitôt l'établissement.

Tout le cirque est détruit par l'incendie ; seuls les animaux pourront être sauvés.

Pour des raisons obscures, la compagnie d'assurance, basée à Tlemcen, ne veut rien dédommager.

Jeannette Mac-Donald, qui n'est pas une multimillionnaire du spectacle, qui n'a pas investi dans la pierre, se retrouve dans une fâcheuse posture.

Le cirque fantôme.

 

Quels étaient les titres des journaux, à Alger ou à Casablanca, en 1967 ? La coupure de presse retrouvée ne comporte aucune indication qui pourrait orienter la recherche. Un coin de papier est rongé, un mot amputé. Ce mot est-il énorme ? Ultime ? Le style est "flamboyant". Il est digne des grandes productions d'Hollywood. L'article, signé Michel Durand, joue sur la corde sensible du violon.
"Enorme (ou Ultime) pari de Jeannette Mac-Donald.

GRANDE PREMIERE LE 22 DECEMBRE SOUS LE CHAPITEAU DU "CIRQUE FANTÔME"

Mi-juin 1967 : c'était nuit de fête à Alger, de bal, de rires. Pétards fusant, fusées pétaradantes, on dansait pour le plaisir de vivre la journée la plus longue de l'année, la plus chaude aussi mais que l'on réchauffe encore par des brasiers de fagots.

Une nuit de joie qui allait tourner à la tragédie. Suchauffée, l'ambiance l'était aussi sur les gradins du "Cirque Royal" où parents et enfants trépignaient aux facéties des clowns. Soudain, un long sifflement couvrit le chuintement de la clarinette de l'Auguste et le chapiteau s'embrasa comme un gigantesque cercle enflammé. En quelques secondes, les flammes montaient plus haut que les immeubles voisins, rosissaient les façades, éteignaient les étoiles.

Les minutes qui suivirent furent de cauchemar, les hurlements du public se mêlaient aux rugissements des lions, aux barrissements des éléphants et aux cris suraigus des singes : il fallait agir très vite et évacuer avant tout les animaux rendus furieux qui se jetaient contre les cages avant qu'ils ne broient avec une force décuplée par la peur, les barreaux et loquets de la ménagerie.

Quand les lourds camions furent parqués sur un terrain vague, les artistes revinrent sur la place ; quatre mâts tendaient vers le ciel une dérisoire toile d'araignée où s'achevaient de se consumer les lambeaux de ce qui avait été le plus grand chapiteau d'Afrique du Nord. Eparpillées à l'entour, les roulottes noircies gisaient, éventrées et noyées par les lances à incendie.
Les quelques camions sauvés, les animaux, les gradins épargnés ont repris la route du Maroc et le triste convoi qui épuisa les ressources de la troupe, s'est installé à Casablanca.
(...)
Là, le 22 décembre, une représentation de soutien est prévue.

Source : inconnue. Appel à témoins.
Document aimablement transmis par Bernard Albarède.

"On achève bien les chevaux" au cinéma ;

au cirque, on les oublie.

Le sinistre a sapé le beau moral de Jeannette. Elle va se battre avec une paperasserie avec laquelle elle n'est pas familiarisée.

Durant deux ans, elle ne va plus dompter qu'avec des termes rétifs et jongler avec des revenus qui s'amenuisent.

En 1969, elle se retrouve au Maroc, hébergée dans un centre de jeunesse, grâce à un père Franciscain, le Père Pigeon, dont elle ne cessera de vanter la bonté et la générosité.

Finalement, elle sera rapatriée en France, par liaison maritime Casablanca-Bordeaux.

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16 juillet 2009 4 16 /07 /juillet /2009 18:39

"C'était la couleur que je me rappelais pas..."

Convert.

Jeannette et Shérif ont une réelle complicité, bien que le cadet des frères Amar ait un ascendant sur la fille du "dompteur-cyclone" Mac-Donald. Elle l'admire et elle le hait. L'un est le dompteur de l'autre et vice-versa.
Shérif, qui n'est pas pêché d'hier, s'amuse de la confiance que Jeannette accorde à tout le monde. Il ironise :
" - Oh, Jeannette, l'enfant qui vient de naître..."

Jeannette, encore, parle des hommes qui tournent autour d'elle.

" - Il est si gentil... Et puis, tu sais, c'est un fou de cirque."
Shérif prend son menton dans la main :

" - Comment il s'appelle, ce type du Cercle des Amis du Cirque qui vient toujours te voir ? Voyons... Con... Con... Ah oui ! Convert ! C'était la couleur que je me rappelais pas."

Une carte postale de Gustave Soury.

C'est une carte postale. En couleurs. Au recto, il y a deux chimpanzés, attablés dans un intérieur cossu. Ils prennent leur petit déjeûner.

La carte a été glissée dans une enveloppe, timbrée à trente centimes. Le cachet de la Poste indique qu'elle a été jetée à la boîte le 17 octobre 1961 à une heure, à Paris, rue du Louvre, dans le premier arrondissement.

La destinataire est :

Jeannette Mac-Donald
8, rue d'Amsterdam, 8
Casablanca (Maroc)
L'adresse a été rayée et remplacée par :

Zoo-Circus 61

Marrakech Maroc

Au verso de la carte postale, une très belle écriture racée, presque calligraphiée. Tracée à la plume.

Elle dit :

Paris, le 16 octobre 1961

Mes chers Amis,

J'attendais de vos nouvelles d'un jour à l'autre, mais je ne m'attendais nullement à ce qu'elles soient mauvaises en ce qui concerne ta santé, mon vieux Schérif.

D'après ce que vous me dites, sur votre jolie carte postale qui m'a fait grand plaisir, le plus mauvais moment serait passé : aussi j'espère que tu vas te remettre rapidement et reprendre ton activité.

Quant à toi, Jeannette, je constate que tu es toujours solide au poste, mais tu dois être plutôt fatiguée ?

De mon côté, ça va aussi bien que peut le souhaiter un vieillard qui, depuis le mois d'août, est entré dans sa 78e année.

Les amis Piot et Rossignol vont bien et me prient de vous transmettre leur bon souvenir.

Aucune nouvelle de Louis. (1)

Le Cirque d'Hiver n'a pas encore effectué sa réouverture.

Donnez-moi de vos nouvelles.

En attendant, je t'embrasse ma chère Jeannette, et je te serre cordialement la main, mon cher Schérif, en te souhaitant une prompte et complète guérison.

Bien à vous.

Gustave Soury (2)
Carte postale de Gustave Soury à Jeannette et Shérif Amar (Coll. part. JMD)

Coll. part. JMD)

L'imbroglio des noms, des enseignes, des mots ronflants, des superlatifs n'est pas une surprise au cirque. C'est le lieu de tous les "possibles", de tous les changements...
La magie opère. Il ne sert à rien de vouloir percer le mystère de la femme coupée en deux, de la disparition d'un lapin, de l'apparition d'une colombe.
Les hommes, les bêtes et les accessoires ont cette alchimie rare qui marie la surprise, l'étonnement et la crainte.
"Tout le reste est jouer aux dés..."

Un télégramme à casser la baraque.


C'est justement un document étonnant et mystérieux. Conservé et parvenu jusqu'ici. C'est un télégramme. De cette jolie couleur bleue, comme celle d'un ciel clair, pur, sans nuage.

Il a été envoyé d'Hussein-Dey, et il est destiné à :

BARAQUE SERPENTS ME JEANNETTE MAC DONALD ORAN
Les 19 mots qui le composent disent :
"VOUS PREVIENS ARRIVEE DE MR SCHERIF CE SOIR 11 H NE DITES PAS QU'ON VOUS A PREVENU = FRANSISCO"

L'employé des Postes et Télécommunications de la République Algérienne a marqué au crayon tendre : "Baraque fermée le 29.7.64 à 19 h 55." 
Pourtant, le document est arrivé à bon port.

 

A-t-on voulu faire avaler des couleuvres ? Y-avait-il, au cirque, des langues de vipère ? Voulait-on casser la baraque ? Pourquoi ces cachotteries ?

 

A quel moment et pourquoi les destins de Jeannette Mac-Donald et de Shérif Amar se sont-ils contrariés jusqu'à se désunir ?

 

(Coll. part. JMD)

(1) Il s'agit probablement du frère aîné de Jeannette, prénommé comme son père Louis. Il est difficile de retrouver des éléments le concernant.
(2) Le MuCEM (Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, ancien Musée national des arts et traditions populaires) possède le fonds Gustave Soury : la collection se répartit en 31 albums représentant 6060 documents dont 2330 cartes essentiellement sur le cirque, la fête foraine, les ménageries et les parcs zoologiques.
http://www.culture.gouv.fr/documentation/carpo/presentation.htm

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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 18:38

Shérif Amar "en prière "devant Jeannette. (Coll. part. JMD)

"Tout le monde t'embrasse, les porcs-épics aussi..."

Shérif Amar, grand épistolier devant l'éternel.

Qui l'eût cru ? Shérif Amar, grand homme de cirque, est aussi un grand épistolier.

Il écrit souvent, partout... "Tu sais, dit-il à Jeannette, écrire, ça ne coûte qu'un timbre." Lorsque les tournées, les itinéraires, les impératifs l'éloignent de Jeannette, il lui envoie sa prose, non dénuée d'humour.

D'Alger, le 28 août 1964, il écrit, sur papier à en-tête déssiné par Gustave Soury, orné d'un cartouche "Que Dieu me protège !" et sous lequel il rajoute (en rouge) à la machine à écrire : "Que Dieu vous protège des vilains messieurs qui courent après les vieilles dames". Il agrémente son courrier de force cachets "AMAR, LE GRAND CIRQUE NATIONAL" et de tampons "Prière de répondre en Français. Merci".

La lettre, maintenant, dactylographiée :

"Ma chère petite Jeannette,

Je suis très étonné de ne pas avoir de tes nouvelles, pense que j'ai sacrifié toute ma jeunesse à tes côtés, pour aujourd'hui ne pas avoir de tes nouvelles.

Bon ! ! ! rigolons plus. Est-ce que tu as trouvé la remise ??????????????

Je vais t'envoyer les deux panneaux qui vont à côté (sur les côtés de la voiture.)

Ici, tout va bien, les animaux vont bien. Il n'y a que Francisco qui a le rhume et si ça continue, nous l'enverrons chez un Gynécologue.

Je fais venir le beau-frère à Barello. (Luciano avec sa femme). Il a fini la saison chez Francki, il tombe bien, je vais l'envoyer en Tunisie et à Tripoli. Comme ça, Séni va s'occuper d'Alger, Oran, Tlemcen, et Luciano, quand il aura fini Tunis et Tripoli, il ira faire le Maroc, comme ça l'avant marchera bien. Parce que nous avons du travail, la frontière tunisienne, la frontière de Lybie, Algérie et Maroc.

Tu vois que c'est de la paperasserie, à eux deux ça sera juste.

Séni demande combien il te doit, de toute façon, il ne touchera à rien tant que tu ne lui auras pas dit le prix et si c'est trop cher, il te la renverra. (Blague à part, combien je vous dois ?????)

Demain, je vais renvoyer une lettre à la mairie pour essayer d'avoir la Médina.

Il va falloir que tu rentres bientôt pour la Foire. Dis-moi si le dompteur est venu te voir et si tu as trouvé un décorateur.

Je termine en t'embrassant bien fort, les serpents mangent bien, ils t'embrassent, le varan aussi, les Hyènes aussi, les chiens aussi, les chacals aussi, les condors aussi, les singes aussi, les chiens aussi, les porcs-épics aussi, les chameaux aussi, l'éléphant aussi, Salah aussi, Laïd aussi, Boudjemah aussi, et le nouveau qui vient d'arriver... aussi sans Séni aussi, sur les pieds, moi aussi je t'embrasse aussi sur ton ver solitaire et les serpents embrassent ton ver solitaire aussi, le varan aussi, les porcs-épics aussi, les hyènes aussi, les chacals aussi, les condors aussi, les singes aussi, les chiens aussi, les chameaux aussi, Francisco aussi. Embrasse bien Smati de la part de Séni, je l'embrasse aussi, Francisco aussi, les chiens aussi, le ver solitaire aussi etc....

Shérif aussi"

 

Et c'est signé, sans "copier - coller",... Shérif Amar !

 

Lettre de Shérif Amar à Jeannette. (Coll. part. JMD)

Au dos de l'enveloppe frappée "Shérif Amar, l'un des fondateurs du cirque", on trouve cette truculente indication : "Société philanthropique de Philosophie de la Société pour le développement des vers qui vivent dans la solitude.

Un pour tous, tous pour un."

S. AMAR. H.DEY / ALGER

(Coll. part. JMD)

Toujours fleurie du cachet-couronne du Cirque Amar, une lettre de Shérif, non datée, cette fois écrite à la main, se fait tendre et langoureuse :
"Je viens de recevoir la lettre d'un Monsieur qui va à Tizi-Ouzou et qui m'a porté ta lettre. Séni allait partir à la Poste.
Si tu as besoin d'argent, télégraphie tout de suite, ne reste pas à crever de faim et si tu le veux, rentre à la maison, ici, il y a toujours à manger pour toi, je ne travaille que pour ça.
Je t'embrasse de tout mon coeur et j'en ai marre de la vie de célibataire car tu es tellement câline et douce que tu me manques. Tu manques aussi aux serpents, les chiens aussi, les chameaux aussi, les porcs-épics aussi etc...
P.S. : Je m'excuse pour ta fête, mais ici je vis comme un abruti, car pour monter le grand Cirque, il manque toujours quelque chose et je tourne dans tous les sens.
Schérif Amar.
Lettre manuscrite de Shérif Amar à Jeannette (Coll. part. JMD)

(Coll. part. JMD)

Jeannette et Shérif, une épopée. Ces deux-là toujours sur la route, si proches et si lointains, l'un dompteur de l'autre et vice-versa.

Shérif glisse un feuillet dans la machine à écrire et lui fait dire :
"Alger, le 2 juillet (1)

 

Chère Jeannette,

Ces quelques lignes pour te dire que tout va bien, je mouche mon nez, je dis bonjour à la dame (quand elle vient.)

Nous avons trouvé une combine pour la viande des lions, nous avons la possibilité de l'avoir gratuitement à la Bergerie Nationale.

A part ça, tout va bien, j'espère que tu n'as pas d'ennuis et que tout marche comme tu le désires.

Tout le monde t'embrasse et moi par dessus le marché.

P.S. : Tout le personnel, c'est des enculés, tu peux en enlever un pour en mettre un autre, ce n'est pas pour cela qu'il y en aura un qui te dira si ça marche et combien il y a de recette.

S. Amar

(1) Pas d'indication de l'année.



 

 

Lettre de Shérif Amar à Jeannette. (Coll. part. JMD)
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14 juillet 2009 2 14 /07 /juillet /2009 18:41

Jeannette Mac-Donald et ses ours. (Coll. Part. JMD)

La montreuse d'ours.

Les ours bruns du Caucase, à collerette, ont fière allure. Jeannette enturbannée et empanachée, devant eux, aussi. La photo est bonne. Elle peut être transmise à l'imprimerie pour le futur programme-souvenir.

Prendre un enfant pour le sien.

Une tournée en Afrique du Nord.

Shérif Amar lance des cirques comme il lancerait des boomerangs. Cirque de Paris, Cirque de France, Grand Cirque National, Cirque Royal...
Avec sa première épouse, Emilienne, il présidera aux destinées du Cirque de Paris.
Il se brouille avec ses frères et fait cavalier seul.
A Jeannette, il propose le Cirque Royal. Il lui propose une tournée en Afrique du Nord. Jeannette accepte.
Elle n'aurait peut-être pas dû.

Impressions d'Afrique.

 


Marrakech, Casablanca, Rabat, Tanger, Fès, Tlemcen, Oran, Mostaganem, Alger, Tunis, Tripoli...

Dans son livre indispensable, "Les Cirques des frères Amar", Dominique Denis écrit :

"Après les accords d'Evian du 18 mars 1962, et le vote d'autodétermination par les algériens du 3 juillet, l'Algérie était devenue indépendante ; ce fut l'occasion pour Shérif Amar de prendre la tête, en qualité de directeur général, d'une entreprise intitulée "Le Grand Cirque National Algérien", subventionnée par le Ministère du Tourisme algérien. (...) Le chapiteau vert était à six mâts, d'une contenance de 3 400 places. Pour le transport, il combinait le chemin de fer et la route, avec trente vehicules unifiés Citroën. Les quartiers d'hiver d'Alger étaient situés rue Louis de Bourmont, à Hussein-Dey. (...) Les deux vedettes du spectacle, acompagnées par l'orchestre de Marcel Bien, étaient la dompteuse Marfa la Corse avec ses tigres, et Jeannette Mac-Donald et son groupe de 10 lions."

 

Et plus loin, nous apprenons :
"En Algérie, le Grand Cirque National Algérien, dirigé par Shérif Amar entama une nouvelle saison. (...) Le spectacle se déroulait sur trois pistes de douze mètres de diamètre, plus quelques attractions qui passaient sur une scène. Jeannette Mac-Donald présentait un éléphant musicien et la représentation se terminait par le saut de la mort en automobile, et par un ballet lumineux."

 

Un coin de journal algérien, détaché sans ciseaux, impossible à dater, donne à voir, près d'un avis du Consulat de France aux ressortissants français (qui indique que le Consul Général de France se rendra dans divers cimetières français, pour commémorer, à l'occasion de la Toussaint, les souvenirs de leurs défunts) une photo de Jeannette Mac-Donald, tenant dans ses bras deux lionceaux.
Au dessus de la photo, en gros et en gras : "LE CIRQUE AMAR dans notre ville"

En dessous :

"Armé d'un programme entèrement rénové, le célèbre cirque Amar est de nouveau parmi nous, dans nos murs, où il est arrivé par chemin de fer, vendredi 21 octobre 1966. C'est à croire qu'Oran lui porte chance ; en effet, et cela dès leur arrivée, les dirigeants du cirque avaient l'heureuse surprise de constater la naissance de deux charmants lionceaux, un mâle, Mignon, et une femelle, Rachel, mis au monde par Lolita, une lionne de 4 ans. Déjà une semaine de passée et les premiers crocs apparaissent dans la gueule de ces jeunes rois de la taille d'un gros chat. Le cirque, qui donnera sa première représentation le 1er novembre prochain, ouvrira au public dès aujourd'hui sa ménagerie, qui comporte outre une série de lions, des hyènes, des ours, des chevaux et le fabuleux éléphant Sabu."

 


Prendre un enfant pour le sien.

A l'orphelinat de Constantine, l'attention de Jeannette se porte sur un enfant, dont toute la famille a été assassinée lors des "évènements de Sétif". Il a pour nom Smati.

Il semble qu'il n'y ait pas eu de chichis, ni de papier timbré scellant une adoption simple ou plénière, mais plutôt une affaire d'affection. "Qu'importe la pieuse formule bureaucratique, le formalisme de l'encre et de la parole quand il s'agit des choses du coeur" écrit joliment Joseph Delteil.

Smati a suivi le cirque. De Jeannette, il dira toujours : "C'est ma mère". De Shérif : "C'est mon père". Un point, c'est tout.

Dans les cirques et les cages, Smati sera de tous les voyages, de toutes les vicissitudes. Dehors et dedans. Devant et derrière. Un jour, Shérif "l'oublie" dans la cage, où il se retrouve enfermé avec des hyènes !

Smati est un personnage "à la Chaplin". Il s'essaye à toutes les disciplines : le domptage bien sûr, le trapèze, le cheval, le fil de fer... Il sera écuyer au Maroc espagnol et foulera la piste de grands cirques allemands.

Jeannette veille sur lui, de près comme de loin.

Malgré des heurts, des brouilles, des fugues, Smati lance une phrase qui résume un parcours : "Avec ma mère, j'ai été très heureux".

 

Jeannette Mac-Donald avec une hyène, animal dont le cri ressemble au rire de l'homme.
(Coll. part. JMD)

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13 juillet 2009 1 13 /07 /juillet /2009 19:49

 Photo "inlégendable". Appel à témoins. (Coll. Part. JMD)

Jeannette du cirque.
Jeannette au cirque.

Un spectateur de cirque est parfois un artiste qui s'ignore. Mais un artiste est toujours un spectacteur qui ne s'ignore pas. Jeannette Mac-Donald adore le cirque. Lorsqu'elle a terminé son numéro, elle se change, et retourne sous le chapiteau pour ne rien manquer du spectacle. "Ca me plaît. J'aime ça. Je vais applaudir les artistes que je vois tous les jours. Mais il faut que je me dépêche pour le défilé..."

Elle a vu la grande cavalerie sous la chambrière du Maître Ecuyer Willy Meyer, la grâcieuse trapéziste Betty Stom, le téméraire belluaire Wolfgang Holzmaïer, qui a fait "les trois pistes" chez Barnum, en Amérique ; et des équipes de clowns irrésistibles, les Fratellini, les Dario-Bario, avec leurs comiques de situation et d'accessoires. "C'était à hurler de rire, à "pisser à la culotte", se souvient-elle, on pouvait voir les bras de l'auguste s'allonger, s'allonger, s'allonger, pour embrasser un petit enfant..."

 

Flous artistiques.

"Fortune Carrée", "Jacques et Jacqueline", "La paix dans la jungle" : trois films dans lesquels Jeannette aurait tourné, ou apporté sa collaboration. Aucune trace ne permet de le confirmer. Il n'est pas interdit de penser que sa présence, ou la présence de ses bêtes aurait pu être sollicitée.

Un peu moins floue mais surprenante est sa participation à une émission radiophonique de Jean-Jacques Vital. Jim Frey rapporte l'anecdote dans "Les fauves et leurs secrets".

 

Voir "See"

Signe que la notoriété de Jeannette a dépassé les frontières de l'hexagone, l'équivalent britannique de "Paris-Match", "See" ouvre ses colonnes à l'artiste. La couverture de "See" de novembre 1953, rouge et or, est éblouissante : rien moins que Marilyn Monroe !

Pages 36 et 37, et dans la langue de Shakespeare :
"WHAT'S IN A KISS ?
Why, surely, bliss, beauty, blossoms of love, even ecstasy shared with four-footed friends.
Wheter you string along with Robert Herrick's bit that kissing is the "lime of love", or with Dean Swift's that it is man's "most foolish invention", the art of osculation does continue Boys kiss girl's ; bees kiss flowers ; moonbeams kiss the sea. Demonstrating affection, animals also kiss, and, sometimes, they even kiss people.
On these pages, SEE presents a gallery of kissin' cousins from the animal and human worlds. Bears, tigers, dogs, monkeys and goats all show bussing approval of their masters.
The happy humans, in turn -from ice skaters to circus trainers to film stars- respond in kind. Thus, with monkeys as with men, one touch of nature makes the whole world kin."

L'article, qui décline donc les baisers des belles et des bêtes, est émaillé de photos de femmes qui rivalisent de beauté. On voit Jeannette embrasser à pleine bouche un beau mâle venu d'Abyssinie-sur-Seine. La légende dit :
"Kissing tigers is the specialty of Jeannette McDonald, performing in German Circus."
Pour celles et ceux qui n'entendraient pas l'anglais, la traduction, souhaitable, vous mettra l'eau à la bouche.

"SEE", novembre 1953
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