12 juillet 2009 7 12 /07 /juillet /2009 18:26
Toute la poésie du cirque : dans les coulisses du cirque Amar, le baisemain du clown Achille Zavatta à la dompteuse Jeannette Mac-Donald. (Coll. part. JMD)

La dompteuse rêve d'élever des poissons rouges.

Amar sillonne la France. Avec succès. Le cirque plante sa toile à Châlons-sur-Marne, en juillet 1958. Le journal "L'Union Républicaine de la Marne" confie à un journaliste, René Vadrot, le soin de rencontrer Jeannette Mac-Donald. A la lecture du grand papier qu'il lui consacre, le vendredi 1er août 1958, cette mission semble l'agréer amplement. Il est dans les rédactions des chanceux qui allient le travail et le plaisir. Rien de fastidieux, donc, à reproduire l'article dans sa quasi intégralité, si l'on veut bien considérer encore que le temps, les rats ou tout autre forme d'animal, ont mis à mal les deux exemplaires conservés.
"L'union Républicaine de la Marne"
Vendredi 1er août 1958

"En marge de la venue du Cirque Amar.
Dresseuse de lions et tigres, Jeannette Mac Donald rêve d'élever... des poissons rouges.
Ce jeudi 31 juillet, Amar dresse son vaste chapiteau à Châlons-sur-Marne. Il n'en fallut pas plus pour attirer sur les lieux tous ceux qui, dans notre cité, aiment le cirque.
Tous ceux qui connaissent bien les "gens du voyage" et ont appris à apprécier leur solidarité et leur esprit de famille étaient là. J'étais évidemment parmi eux, joignant aux obligations professionnelles l'agrément de rerouver l'odeur de la sciure, odeur sèche, qui se mêle aux relents -j'allais écrire le parfum- des bêtes fauves.
Réveillés par le bruit des masses enfonçant les piquets destinés au montage du chapiteau, quelques lions mugirent. Il n'en fallait pas plus pour que je parte à la recherche des souvenirs, ces souvenirs qui, à la moindre occasion nous obsèdent. L'homme aime, parfois, à se pencher sur le passé -ce fut d'ailleurs, à peu près, le titre d'un roman qui, avant cette guerre, valut à Maurice Constantin Weyer le prix Goncourt-, et ce fut ce qui me poussa à rencontrer Jeannette Mac Donald, la dresseuse-vedette du cirque, à laquelle j'avais eu le plaisir d'être présenté voici près de sept ans.
C'était, je m'en souviens, un soir d'hiver, à la fête à Pigalle, sous le chapiteau de la ménagerie Lambert. J'accompagnais mon vieux camarade Teddy Michaud, le dresseur du cinéma, et nous conversions avec notre ami commun le dompteur Etienne Lambert.
"Viens, me dit ce dernier, je vais te présenter une fille bien : Jeannette Mac Donald. Elle connaît toutes les "ficelles" du métier et, d'ailleurs, tu la verras à l'oeuvre tout-à-l'heure.
(...)
Ce matin, à Châlons, j'ai retrouvé Jeannette Mac Donald ; très gentiment, malgré les fatigues du voyage, elle a bien voulu m'accueillir dans le salon de sa confortable caravane et m'accorder, en toute exclusivité, une interview pour les lecteurs de "L'Union Républicaine".
J'ai retrouvé tout de suite la jeune femme simple que le succès n'a pas grisée et après avoir, comme il se doit, évoqué les années communes, nous avons parlé de son métier.
(...)
"Les bêtes, me déclara, Jeannette Mac Donald, comment puis-je ne pas les aimer puisque j'ai été élevée avec elles.
(...)
Je ne conçois que le travail en douceur. Sans doute le numéro est-il moins spectaculaire pour le public non-initié, mais il est infiniment plus prisé des amateurs.
Ne croyez pas cependant que le travail soit moins dangereux qu'en "férocité". Au contraire, le dresseur qui opère en "douceur" est constamment en contact direct avec les fauves alors que dans le cas contraire, il les tient toujours à une certaine distance de lui."
(...)
Et, avec amour, la jeune femme me parla de ses lions et lionnes : "J'en ai une, dit-elle, que j'ai élevée au biberon. C'est une enfant gâtée, devenue, de ce fait, capricieuse et qui ne travaille pas.
Ne croyez pas cependant que je n'aime pas mes tigres. Ma tigresse Uhlah, par exemple, est adorable. Elle a eu souvent les honneurs de la photographie et elle est une des préférées de mon camarade le dompteur-écrivain Jim Frey. "
(...)
"Ici, reprit-elle, j'ai encore d'autres pensionnaires que je vais vous présenter : deux chimpanzés, Sophie et Caroline, cinq chiens, deux chèvres, deux poules et trois oiseaux."
Puis, comme je lui faisais remarquer qu'il lui manquait des poissons rouges, notre aimable interlocutrice me répondit :
"Hélas ! Avoir des poissons a été le rêve de toute ma vie, mais dans nos demeures ambulantes, il est pratiquement impossible d'avoir un aquarium. L'eau est trop remuée."
Achille Zavatta, Mme Zavatta, Jeannette Mac-Donald et l'acteur Michel Simon.
(Coll. Part. JMD)
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11 juillet 2009 6 11 /07 /juillet /2009 19:22

Au fronton du Cirque d'Hiver Bouglione à Paris, l'affiche spécialement conçue pour le numéro de fauves de Jeannette Mac-Donald. Coll. Part. JMD

Fac-similé du programme-papier Cirque d'Hiver Bouglione, 1956. Jeannette Mac-Donald ouvre le spectacle.
Collection Jean-Pierre Jerva.

Cirques divers

Toujours en 1956, la prestigieuse piste du Cirque d'Hiver Bouglione, à Paris, voit Jeannette Mac-Donald, au même programme que mademoiselle Sandrine Bouglione, Maïss et Manetti, et Albert Fratellini !

Pour la saison 1957, les spectateurs du cirque Amar sont accueillis sous un portique où brillent les quatre lettres magiques, entre deux splendides panneaux, en façade : sur l'un, on retrouve l'affiche de Ruddy pour Jeannette , sur l'autre un portrait d'Achille Zavatta.

C'est une photo.

Elle est magnifique. Elle dégage toute la poésie du cirque. Dans les coulisses du cirque Amar, Achille Zavatta, en peignoir, donne un baisemain à Jeannette Mc Donald.

Ce sont d'autres photos, de celles où se figent des instants, où s'immortalisent des célébrités : Jeannette avec Jean Robic, vainqueur du Tour de France, avec Alphonse Halimi, boxeur, avec Michel Simon ; aux "Folies-Bergères", avec l'avocat Maurice Garçon, qui lui remet, sous le regard de Monsieur Joseph (Bouglione), la médaille du Club du Cirque ("Le Pantre", un cheval cabré).

 
C'est une autre photo, prise à Bayonne. Jeannette Mac Donald et Achille Zavatta, tous deux en costume de ville, posent devant une voiture-cage. Ils tiennent dans leurs bras des lionceaux. Le cliché, signé André Ocana, a été publié dans "Sud-Ouest", édition des "Basses-Pyrénées" du vendredi 1er mars 1957 :
"NURSERY AU ZOO"
Trois lions sur la place des Basques.

Certains spectateurs privilégies ont pu avoir accès à la nursery du cirque Amar, sur la place des Basques, durant son séjour à Bayonne. Trois bébés lions y étaient l'objet des plus grandes attentions.
Les voici entre les bras de la dompteuse Jeannette Mac Donald et du clown Achille Zavatta"


 
"Sud-Ouest" - 1er mars1957

A Bayonne, Jeannette, Achille et les trois lionceaux (mâles) nés le 20 février 1957 de la lionne Zouina.
Photo André Ocana.

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10 juillet 2009 5 10 /07 /juillet /2009 18:42

"Vous dansez ?" Collection JMD

"Je pensais que vous étiez autre chose qu'un tube digestif."

Donald.

A Aubervilliers, Jeannette, qui n'est pas une monomaniaque des fauves, accueille une veritable Arche de Noé. Tous les chiens "sans niche fixe" trouvent refuge et pitance. Haute et basse cour cohabitent comme dans un pays sans histoire, où le bon Jean de La Fontaine puiserait grande inspiration. Tigres, éléphants, hyènes, ours, panthères, mais aussi poneys, chèvres, poules, canards, "veaux, vaches, cochons et couvées" écrivent un merveilleux album coloré. Ou s'éclatent dans un dessin animé de Walt Disney.
"Le clown de la bande est un canard de Barbarie que Jeannette appelle Donald. Il préside aux repas de la gent canine. Une fois la soupe tiède servie, Donald se fraye un chemin pour arriver au plat, fait la police et distribue coups de bec et coups d'ailes aux impatients. C'est le chef du protocole de ces agapes affamés.
Aucun des chiens ne lui manque de respect.

Souvent, un visiteur, croyant faire de l'esprit, demande à Jeannette Mac Donald, en voyant évoluer dans la cour les animaux comestibles :

- Oh, les beaux civets. Quand les mange-t-on ?

- Je pensais que vous étiez autre chose qu'un tube digestif, dit-elle, et son regard indique nettement qu'une retraite prudente est encore préférable au risque de se faire jeter dehors" écrit Jim Frey dans "Les Fauves et leurs secrets".

Il est vrai que Jeannette n'a jamais cassé trois pattes à un canard : elle n'en a cassé aucune.

"Et le canard était toujours vivant..." concluerait l'humoriste Robert Lamoureux.


En visite chez Jeannette, Pierre Lartigue se souvient : "J'étais reçu chez Jeannette avec beaucoup de cordialité, et chaque fois que j'entrais dans sa caravane, j'étais toujours surpris de ce qu'il y avait autour. Il y avait des chiens, il y avait des chats, il y avait des poules, il y avait des canards, il y avait tout un tas d'animaux de basse-cour, et plus spécialement, une chose qui était amusante et qui m'avait marqué, c'est qu'elle avait un petit cochon. Et, ce petit cochon, je lui avais fait remarquer qu'il allait grandir. On ne pouvait pas cohabiter avec cette gent porcine parce que, en fait, elle allait grossir. Et elle m'avait dit :

- Mais non, monsieur Lartigue, ce petit cochon, il restera toujours petit. Regardez comme il est mignon ! C'est pour dire toute l'affection assez surprenante qu'elle portait aux animaux, et pas spécialement aux fauves, mais à tous les animaux qu'elle pouvait recueillir".


Tournées et engagements.

Le numéro de Mademoiselle Mac Donald des cirques de Paris se tient. Il peut être vendu "clefs en mains" aux établissements qui en font la demande.

Jeannette est engagée pour la saison 1954 (début : 3 avril 1954 ; fin : 30 septembre 1954) par le cirque suédois Moëller. Les conditions particulières du contrat précisent : "Prolongation éventuelle du contrat pour octobre 1954.
Les appointements de 15 000 francs français par jour seront payés par quinzaine. (...) Les animaux seront nourris à raison de 50 kg de viande consommable pour animaux, une balle de paille et un sac de sciure par jour à fournir par la direction et à ses frais. Voyages de deux personnes
(1) aller-retour de Paris à ville de début des deux wagons de matériel de travail et voitures-animaux aux frais de la direction. Les recettes de la ménagerie sont pour le compte de la direction du cirque Moëller. Les appointements fixés plus haut du travail sont fixés sans taxes ni impôts. Les formalités de douane au compte de la direction, ainsi que les visas. Deux personnes à voyager. Madame Mac Donald a le droit d'ajouter les petits lions nés récemment sans augmentation de prix et pouvant participer à la visite de la ménagerie.

Sont prévus 5 jours éventuels de perte et non payés au total pour toute la durée de la tournée pour imprévus."

Le contrat signé à Paris le 30 avril 1956 (pour deux jours, les 5 et 6 mai 1956) entre madame Figuier et Jeannette Mac-Donald stipule :
"Il est entendu que madame Figuier fera prendre les animaux et le matériel à Aubervilliers pour l'amener au cirque et le ramènera à Aubervilliers une fois l'engagement terminé. Mme Macdonald se conformera aux instructions de la direction pour les passages en piste."

Au répertoire, un "numéro de fauves : Neuf lionnes et un lion présentés par une dame".

Les appointements se montent à 25 000 francs par jour nets de taxe.

A cette même époque, le clown Achille Zavatta -"Le clown le mieux payé du monde- perçoit un cachet de 80 000 francs par jour au cirque Amar, et Luis Mariano, 300 000, pour chanter à cheval au cirque Pinder. (2)

 

(1) Jeannette est accompagnée du dompteur Fredo Manzano.

(2) Source : "Les Cirques des Frères Amar". Dominique Denis. Editions Arts des 2 Mondes.


  Avec Uhlah et Jim Frey, on tire les rois. Collection particulière JMD

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9 juillet 2009 4 09 /07 /juillet /2009 18:44

Collection JMD

Fredo Manzano à l'école de dressage de Jeannette Mac-Donald.
Collection JMD

"Prenez-le quand même, Jeannette, personne n'y verra rien."

L'abbé Pierre.

Jeannette prend ses quartiers d'hiver à Aubervilliers, non loin des abattoirs de la Villette. C'est appréciable pour l'approvisionnement en viande. Un fauve ne se contente pas d'une tranche de steack haché.
Lors du terrible et glacial hiver 1954, un homme se présente chez Jeannette Mac-Donald. Désignant roulottes et caravanes, il demande si elles ne sont pas à vendre. Jeannette reconnaît l'homme qui vient de pousser, pour les miséreux et les sans-abri, un cri de détresse, répercuté par la radio et les journaux. C'est l'abbé Pierre. Elle n'écoute que son bon coeur et offre deux caravanes.
"Depuis, raconte Jeannette, l'abbé Pierre est souvent venu me voir. Il était toujours accompagné d'André, un ancien voyou, qui s'était attaché à lui. L'abbé a demandé à Shérif, qui a été mon compagnon pendant 20 ans, de lui apprendre le métier de dompteur. Il venait aussi me voir avec quelque délinquant, sorti de prison, qu'il cherchait à caser. Je lui disais que j'avais déjà dix employés et pas le droit d'en prendre d'autres pour ma ménagerie. Ca ne fait rien, me disait-il, prenez-le quand même, Jeannette, personne n'y verra rien. Je le prenais, ça lui évitait de rester à la rue sans rien faire, en sortant de prison." (1)

 

L'école de dressage.

C'est donc à cette époque que Jeannette et Shérif exploitent l'enseigne "Ecole de dressage de Jeannette Mac Donald". Tout un programme ! Un programme qui aurait séduit les politiques en mal de "sauvageons", de "zone d'éducation sensible", et même de "racaille", tant le mot "dressage" évoque les maisons de correction et l'éducation anglaise.

L'illustré pour la jeunesse "Coq Hardi" consacre un reportage de deux pages à cette école pas comme les autres.

"Si vous voulez devenir dompteur, ce numéro vous apprendra que les montreurs de fauves se recrutent surtout parmi les enfants de la balle : presque tous ont eu des parents qui, sans avoir été dompteurs, sont acrobates, écuyers, clowns. Pour pouvoir affronter les tigres ou les lions sans appréhension, le fait d'avoir toujours vécu avec eux est d'un grand secours.

Cependant, il y a eu des jeunes assez décidés pour surmonter les énormes difficultés que rencontre l'apprenti dompteur : Alfred Court, le plus fameux dompteur de l'entre-deux guerres, était un marseillais dont la famille n'avait aucune attache avec le cirque.

Il n'existe pas d'école de dompteurs fonctionnant de façon régulière ; cependant Jeannette Mac Donald, célèbre femme dompteur, familiarise quelques élèves avec leur futur métier, lorsque ses tournées lui laissent quelque répit. Elle accepte aussi de prendre en pension quelques bêtes dont les propriétaires blessés ou retenus par d'autres engagements, ne peuvent s'occuper ; ainsi elle dispose en plus de ses animaux personnels de sujets déjà dressés sur lesquels peuvent s'exercer ses élèves.

Plus loin, "Coq Hardi" poursuit :

"Pour plonger sa tête dans la gueule d'un lion, il est nécesaire d'avoir beaucoup de courage, de savoir-faire et très peu d'odorat ; car il se dégage de la bouche de ces fauves une odeur pestilentielle.
Pour empêcher la lionne de refermer ses crocs, Bernard a pris les lèvres de la bête et les a repliées sur les dents : si elle voulait mordre, elle serait la première blessée. Cette précaution rend relativement aisée l'éxecution de ce tour."
(Sic). (2)

Pour agrémenter son école, la directrice a engagé un jeune "Tarzan espagnol", sans doute né dans la couronne : Fredo Manzano. Il affronte les fauves avec un tel luxe de témérité qu'il retiendra l'attention du photographe Paul de Cordon. Deux clichés en disent long, dans l'indispensable ouvrage "Instants de Cirque" (3)

(1) Propos recueillis par Hervé Valéri dans "La Dépêche du Midi" du 4 avril 1996.
(2) "Coq Hardi. Je serai dompteur" Nouvelle série - Mensuel - Dépôt légal : 4e trimestre 1955.
(3) "Instants de cirque" Paul de Cordon. Editions Chêne.


Le dompteur Manzano et les lions de Jeannette Mac Donald.
Photos Paul de Cordon.

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8 juillet 2009 3 08 /07 /juillet /2009 10:29

Jeannette Mac-Donald et sa favorite. Collection particulière JMD

Jeannette Mac-Donald, une "mordue" du cirque.

Marseille, Palais des Sports, 1955. Au Festival du Cirque, Jeannette, habillée, bottée, gantée, maquillée, mais surtout pas parfumée (les fauves détestent Chanel et Guerlain) fait son "entrée de cage" sous les ovations du public. Tout se déroule le mieux du monde. En finesse. La dompteuse ne joue pas les gros-bras, les forts des halles. Elle se faufile entre ses bêtes, telle une liane. Elle n'a rien du "dompteur déménageur" qui passe son temps à déplacer les tabourets et autres "réquisits". Jeannette donne dans la dentelle. Elle fait corps avec les autres, lionne parmi les lionnes. Elle se fait épauler par Lola, qui est pleine, et va mettre bas ce qu'elle a de plus beau.
Jeannette, la maîtresse de céans, la maîtresse de séance, en tenue d'apparat, officie pour la Grand'messe. C'est dimanche matin, même le vendredi soir.
Jeannette place la lionne Lola autour du cou comme le prêtre son étole.
Spectaculaire.

Mais ce soir, il a suffi d'une toute petite maladresse. Jeannette, sans s'en rendre compte, a dû pincer Lola. Celle-ci s'est rebiffée, à sa manière. Elle a planté ses crocs dans la main droite de sa "partenaire".
L'accident.
Jeannette n'a pas paniqué. Elle a reposé Lola, s'est dégagée de la gueule du fauve. Il y a eu "du sang sous le chapiteau". Elle a pansé sa blessure et a terminé son numéro.
Un journaliste et un photographe du "Provençal" sont dépêchés sur les lieux. Le photographe demande à Jeannette de refaire le geste fatal. Le résultat fait penser à quelqu'un qui remonterait ses bretelles...
Le journaliste écrit :

"Emotion, hier soir, au Palais des Sports.
La dompteuse Jeannette Mac Donald est mordue par l'un de ses lions.

Parmi les nombreux numéros présentés chaque jour au Palais des Sports par l'International Circus 1955, celui de Miss Jeannette Mac Donald et ses dix lions appartenant au Bothwell Circus du Cap (Afrique du Sud) [NDA : !] provoque toujours une certaine émotion chez les spectateurs.

Celle-ci a atteint son comble hier soir lorsque la charmante dompteuse a été mordue par l'un de ses redoutables "compagnons" de travail.

Il était environ 20 h 55. Miss Mac Donald ouvrant le spectacle s'apprêtait à exécuter son numéro après le tonnerre d'applaudissements saluant son entrée.

Elle prit sur ses épaules, s'en faisant une écharpe, la jeune "Lola", lionne de deux ans et demi pesant le poids respectable de 80 kilos.

Le fauve ne réagit pas et se laissa faire comme à l'accoutumée. Mais tout d'un coup, "Lola" mordilla légèrement la main droite de sa maîtresse et finalement lui planta ses crocs acérés dans la chair..."

La suite de l'article est illisible, la coupure de presse ayant été très endommagée.

 

Radar.

"Radar", "Voilà", "Qui ?", "Noir et Blanc", "Le Miroir du Monde" sont des publications des années cinquante, déjà gourmandes de people et de faits-divers.

"Radar" surfe sur la vague de "La petite Illustration", où abondent les images sensationnelles des dompteurs dévorés par leurs bêtes, ou en passe de l'être.

"Radar" du 15 janvier 1956 publie en pleine page, sous le titre "SANS RANCUNE !" une photo magnifique : Jeannette Mac-Donald, un pansement à la main, embrasse langoureusement la lionne Lola. Elle n'a aucune dent contre elle. Bien au contraire, la belle et la bête ferment les yeux : un vrai baiser de cinéma.
Et "Radar" rédige :

"La foule qui remplissait le Palais des Sports de Marseille applaudissait à tout rompre la jeune dompteuse Jeannette Mac Donald. Soudain, de cette même foule, s'éleva un cri de terreur. La jeune lionne de 2 ans Lola (80 kg), que Jeannette avait prise sur ses épaules, venait de cruellement planter ses crocs dans sa main droite. La jeune femme eut le courage de terminer son numéro. Puis, aussitôt après, elle était transportée à l'hôpital pour pansement. Et le lendemain, elle était à nouveau dans la cage !

Les dompteurs sont d'une race où la témérité s'allie à la douceur et à la patience. Et le premier geste de la blessée (voyez sa main) a été d'embrasser Lola sur le museau !"

 

A Jim Frey, dans "Les fauves et leurs secrets", Jeannette confiera : "La pauvre bête est si gentille ! (...) Je ne lui en veux pas, car je suis certainement fautive. J'ai dû mal la prendre, lui pincer la peau du ventre, que sais-je ? Et puis, je ne peux pas avoir de rancune pour cette lionne qui allait être mère huit jours plus tard." (1)

 

(1) Op. Cit. Page 231.
"Radar" du 15 janvier 1956. DR

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7 juillet 2009 2 07 /07 /juillet /2009 10:42

Jeannette Mac-Donald, dans sa loge-caravane du cirque Amar, à Bordeaux.
Photo Jacques Amouroux. Collection particulière JMD


Pin-up et post-it

C'est Ruddy, illustrateur injustement oublié, qui a été chargé de dessiner l'affiche de Jeannette Mac-Donald. Pigeonnants sont les seins ; élancée est la silhouette ; les bottes montent à bonne hauteur, la main gantée tient une badine. A la taille de guêpe, dans un étui, est glissé un revolver. "Au cas-où..." Au cas où un spectateur se montrerait dangereux. Les longs cheveux lâchés ruissellent en cascade, et le visage est harmonieusement habité. Vraiment tout pour éveiller les sens. Sur fond couleur bordeaux, la superbe créature de rêve, à faire damner tous les saints, est adossée à un blason or, rehaussé d'une couronne royale où dix lions noirs, en rangs serrés, géminés, sont étonnamment ressemblants à ceux que l'on voit sur les calandres de certaines berlines. Derrière elle, un vrai de vrai, en crocs et en griffes. La belle ombre à peine l'écu.
"Amar présente l'artiste Jeannette Mac Donald, la seule femme au monde présentant un groupe de 10 lions" annonce le texte, avec un jeu de caractères moderne pour l'époque.

Combien de collectionneurs, de retour du cirque, ont épinglé la pin-up dans leurs mansardes, silhouette de papier à faire surgir des pensées sauvages ?
Aujourd'hui, dans les bourses d'échanges ou les vide-greniers - à moins que ce ne soit le contraire- Jeannette en pin-up voisine avec Nicolas en post-it.
Devinez qui a le plus de succès.

Vedettes.

 

Le vedettariat n'existe pas au cirque. C'est totalement injustifié.

Existe-t-il un barème de la reconnaissance ?

Le numéro de Jeannette Mac-Donald est réglé, rodé. Il a demandé de la passion, de la patience, de la force, beaucoup de travail surtout.

 

Volontaire, acharnée, d'une santé et d'un moral de fer, elle évolue avec aisance en son domaine où seule Sarah Caryth, Martha la Corse ou Marfa la Corse, "La Goulue" un peu plus tôt, courent dans la même catégorie.


Critiques.

Sur les pistes prestigieuses où elle se produit, le "grand public" -et pas seulement les enfants- apprécie le jeu de Jeannette Mac-Donald.
Les amateurs, plus avertis, sont plus regardants sur les détails.
Ainsi, "Le Cirque dans l'Univers", animé par des puristes, publie dans ses colonnes des critiques sans concession. La barre est fixée très haut. Pour Jeannette, si on lui reconnaît d'indéniables qualités de présentation, on se montre assez sévère.

"Le Cirque d'Hiver-Bouglione a fait sa rentrée avec un programme honnête de vrai cirque.

Le spectacle débute avec un numéro de fauves dressés. Jeannette Mac Donald, fille d'un dompteur forain qui avait plutôt la spécialité du travail en férocité, présente en douceur une dizaine de jeunes lionnes avec un seul mâle. Le numéro est bien réglé, la dompteuse est pleine d'assurance avec d'élégantes attitudes, mais les fauves, apathiques et de stature médiocre, ne font guère valoir le travail" écrit le réputé journaliste Henry Thétard, en 1956. (1)

Quant à Pierre Paret, à Bordeaux, il rend compte, en 1957 : "Festival de lumière sur la place des Quinconces et festival de cirque sous le chapiteau. Le programme d'Amar est l'un des meilleurs qu'il m'ait été donné d'applaudir.

Aussi, le public n'a guère boudé. Bordeaux est une ville dure, où l'on se "ramasse" souvent. Or, pendant les dix jours, les guichets de location affichaient complet pour le lendemain.

Deux conclusions s'imposent :

1° Amar offre, cette année, un excellent programme et la qualité paie toujours.

2° En dépit de ce que prétendent les esprits chagrins, le spectacle de cirque pur est toujours aussi vivement apprécié en France. (...) Deux numéros de lions forment un heureux contraste : celui -neuf femelles et un mâle- de Jeannette Mac Donald, travaillé en pelotage, et celui, en férocité des quatre mâles de Saulevitch." (2)

Enfin, Jean Texier, à Saintes, en 1958, affirme : "Après l'entracte, la dompteuse Jeannette Mac Donald présente 7 lionnes. J'avais déjà vu ce numéro en novembre 1956 avec dix bêtes et je pensais qu'il était en progrès.Ce n'est pas le cas ; les bêtes sont indisciplinées et Jeannette Mac Donald devrait montrer plus de fermeté ; il est à craindre qu'en prenant de l'âge, les fauves obéissent de moins en moins. Ce numéro est trop lent."  (3) (4)

 


(1) "Le Cirque dans l'Univers" n° 24. 3e trimestre 1956.
(2) "Le Cirque dans l'Univers" n° 25. 1er trimestre 1957.
(3) "Le Cirque dans l'Univers" n° 28. 1er trimestre 1958.
(4) "Trop lent" : Jeannette s'en souviendra. Trente ans plus tard, elle dira à un ami : "Et si parfois, certains ont trouvé le numéro un peu lent, eh bien c'est parce que les bêtes n'étaient pas "poussées".


Jeannette Mac-Donald, longeant le "tunnel" au cirque Amar. Collection particulière JMD

"La dompteuse est pleine d'assurance, avec d'élégantes attitudes." (Henry Thétard)

"Ne sera pas oubliée la feinte et élégante nonchalance avec laquelle [Jeannette Mac-Donald] se déplaçait parmi les lions et les tigres" (Paul Adrian)

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6 juillet 2009 1 06 /07 /juillet /2009 18:31

"On ne savait plus s'il y avait dix lionnes ou onze, tant elle était arrivée à s'incorporer à ses bêtes"
Pierre Lartigue


Comme un animal en cage.

Avant d'aller plus avant, et pour déblayer une bonne fois pour toutes le stérile débat qui oppose ceux qui ne sont vraiment pas pour et ceux qui ne sont pas contre les animaux sauvages en captivité, une question s'impose, qui réconciliera tout le monde : que faut-il en penser ?
"Capturés, arrachés à leur milieu naturel, ces bêtes vivent un véritable calvaire" martèlent les détracteurs des zoos et des cirques.

"Sans la domestication d'animaux sauvages, certaines espèces auraient été menacées, voire se seraient éteintes" rétorquent les autres.

Qui faut-il croire ?

Dans son livre "Les fauves et leurs secrets", où tout un chapitre est consacré à Jeannette Mac-Donald, Jim Frey a des propos qui se tiennent : "Il faut avoir vu un lion récemment capturé, le poil et la crinière arrachés aux épineux, envahi de tiques et de vermine, efflanqué, le cuir zébré de cicatrices, pour comprendre que les fauves de nos ménageries, et particulièrement ceux de Jeannette Mac-Donald, sont plus heureux que leurs congénères de la brousse.
- Vos lions de ménagerie ? Ce sont des lions de salons, en comparaison des lions "de capture", me disait un jour un piégeur de mes amis."
(1)

 


Peindre ou peigner la girafe.

"Faire ça ou peigner la girafe" entend-on dire pour signifier qu'une activité est inutile, ou impossible. De mémoire d'éléphant, on n'a jamais vu effectuer ce soin corporel sur une piste de cirque. Il y avait pourtant là un créneau à prendre.

Aujourd'hui, la législation française interdit aux établissements itinérants de posséder des girafes : il existe des risques d'écartèlement lors du transport. Certains pays ont purement et simplement proscrits les numéros d'animaux.

Le rapport de l'homme à l'animal a une thématique forte. Tout est imaginable : danser avec les loups, murmurer à l'oreille des chevaux et laisser pisser le mérinos.

 

Jeannette Mac-Donald a mis au point un numéro basé sur la complicité et l'amour porté à ses bêtes. Seule, face à un groupe de dix fauves -neuf lionnes et un lion-, elle exécute avec grâce et élégance des "coups" spectaculaires : elle place sa tête dans la gueule d'un fauve  comme elle examinerait une stalactite dans une grotte ; elle porte sur ses épaules une lionne, comme elle porterait une écharpe ; elle échange un baiser langoureux avec le roi des animaux... Comment ne pas être sous le charme ? Sa prestation a quelque chose de sensuel, d'érotique presque.

Pierre Lartigue, fondateur du Grand Cirque de Toulouse se souvient : "Dompteuse d'une rare élégance, portant culotte de cheval, bottes noires vernies, chemisier de soie blanche, mains gantées de blanc, Jeannette avait une allure princière qui fascinait les fauves et les hommes. Elle était vraiment très belle, et on ne savait plus s'il y avait dix lionnes ou onze, tant elle était arrivée à s'incorporer à ses bêtes."
    
 
 Jeannette Mac-Donald au Cirque d'Hiver, Paris, 1956. Collection particulière JMD

Une lettre d'un admirateur.


C'est une lettre venue de Belgique, de Bruges très exactement. L'expéditeur l'a adressée à Madame J. Mac-Donald - 36, rue des Cordelières, 36 - PARIS 13 FRANCE. Le scripteur, circophile averti, a pris soin de noter dans un coin : "Faire suivre". Il a bien fait. Les gens du voyage voyagent. La lettre a été retournée à l'envoyeur, qui, tenace, l'a renvoyée "chez M. Pardo, agent en douane, à Hendaye". De nouveau, l'agent des postes a biffé la nouvelle adresse et l'a acheminée 64, rue St-Denis, à Aubervilliers (Seine) où elle est enfin parvenue à sa destinataire.
La lettre est dactylographiée sur un papier à en-tête de G. de B., chirurgien-dentiste, Boulevard Elisabeth, 25 - BRUGES.
Elle dit :

"Bruges, le 17 - 10  56

Madame

Permettez moi de me présenter : je suis amateur de fauves et membre du Club du Cirque Français.

Comme amateur de fauves, je collectionne les photos des dompteurs et dompteuses. Puis je vous demander Madame de m'envoyer une photo pour ma collection ?

Je n'ai pas encore eu le plaisir de voir une séance avec vos lions, mais comme je vais assister en qualité de représentant Belge au congrès international des amis du cirque du 16 au 18 novembre à Rouen et à Paris, l'occasion me sera donnée de venir vous applaudir.

Dans l'espoir de voir votre représentation à Paris, je vous prie Madame d'agréer avec mes remerciements mes salutations très distinguées."

 

La popularité est indéniable. Jeannette fait imprimer de superbes cartes postales. On la voit dans la cage aux fauves, dans un cirque bondé. De sa main gantée, elle flatte le flanc d'une lionne qui s'avance, féline, sculpturale.

Une légende annonce "Souvenir de passage de Jeannette Macdonald" "L'amie des bêtes". Au dos, il y a de l'espace pour dédicacer, tracer quelque chose, faire un signe que la dompteuse a posé le fouet et retiré le gant pour signer, entre la mention "Photo véritable" et "Adresse permanente : 64, rue Saint-Denis, Aubervilliers (Seine)".

Si l'attraction séduit, c'est en grade partie dû au fait qu'elle est présentée par une femme, jolie qui plus est. Elle dépare dans un milieu d'hommes. La publicité mise sur cette particularité.

Le temps a fait son affaire. Le public d'aujourd'hui, blasé, saturé d'images et de sensations, n'est guère plus impressionné par un lion obéissant, tout obnubilé qu'il est par la neige de ses ordinateurs, et des monstres pixelisés qu'il dompte avec de vulgaires souris !
Mais il ne serait pas étonnant, une fois le tonnerre mécanique et virtuel des nouveaux médias passé, de revenir à des valeurs simples et fortes, véhiculées par des savoir-faire séculaires.

(1) "Les fauves et leurs secrets" Jim Frey. Presses de la Cité. 1957. Page 227

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5 juillet 2009 7 05 /07 /juillet /2009 17:04

        Jeannette et Jeanette


Hollywood-sur-Seine

Il est des homonymies heureuses. Jeannette Mac-Donald dompteuse jouira de la célébrité de Jeanette Mac-Donald chanteuse et actrice américaine. Toute sa vie, la question lui sera posée : "Alors, vous êtes bien "la" Jeannette Mac-Donald qui a triomphé dans "Parade d'Amour" ou "La Veuve Joyeuse" dans les bras de Maurice Chevalier ?"

Si elle ne cherche pas coûte que coûte à cultiver l'amalgame, elle se prête volontiers au petit jeu mystérieux des destinées de stars.

Jeannette est née à Montrouge, département de la Seine, France, en 1918.

Jeanette est née à Philadelphie, Pennsylvanie, Etats-Unis d'Amérique, en 1903.

Se sont-elles rencontrées ? Il semble que non.

Auraient-elles pu ? Assurément oui.

Ont-elles des points communs ? Sans aucun doute. Une douce et fulgurante beauté, pas d'enfant, une carrière vouée à une passion exclusive, une vie sentimentale, comme beaucoup de jolies femmes, paradoxalement partagée par très peu d'hommes.

Un homme, justement, les a rencontrées toutes les deux. Et pas des moindres. Maurice Chevalier.
A Hollywood, il partagera l'affiche avec Jeanette dans des comédies musicales qui ont fait date.
A Aubervilliers, au cours d'une émission de télévision, il deviendra le parrain d' Uhlah, une magnifique tigresse de Jeannette.

                       Jeannette et sa tigresse Uhlah, dont le "parrain" est Maurice Chevalier.
                                                             Collection particulière JMD.

Henri Garat.

Acteur, chanteur en vogue ("C'est un mauvais garçon", "Avoir un bon copain"), élégant, beau garçon, Henri Garat, révélé par Mistinguett, connaît une gloire foudroyante, et rend toutes les femmes folles. Il se dit qu'elles vont jusqu'à embrasser les pneus de sa voiture. Il se dit encore qu'Henri Garat aurait demandé Jeannette en mariage. Le père Mac-Donald aurait répondu : "Mais enfin, Jeannette, tu ne vas pas épouser un saltimbanque !"

L'information est invérifiable.

 

Dans les pages "people".

Ce sont deux pages déchirées d'un magazine "pipole", rongées par des souris savantes ou griffées par un lionceau colocataire, impossible à dater donc intemporelles. Jeannette Mac-Donald les a conservées, mais n'a pas pris soin de noter ni le titre ni la date. Les photos sont magnifiques. Emouvants visages de femmes, bouches sensuelles, "rougealèvrisées". Les starlettes d'aujourd'hui peuvent bien aller se rhabiller.
La légende de la grande photo dit : "Cette dompteuse qui cajole un lionceau, c'est Jeannette Mac-Donald dompteuse. Elle exerce ses talents dans un grand cirque français."

En bas de page, une autre photo. La légende dit : "Jeannette Mac-Donald et Maurice Chevalier dans "La veuve joyeuse", grand film musical que les spectateurs du monde entier accueillirent avec enthousiasme."

Le surtitre dit : "De parade d'amour" à la parade des lions ; le titre : "JEANNETTE MACDONALD GARDE SON SECRET".

Le journaliste, qui pourrait aujourdhui "piger" dans bon nombre d'illustrés qu'on feuillette dans les salons de coiffure, feint de s'interroger :

"En 1927, une jeune artiste débutait dans une revue de Broadway. Quelques années plus tard, son nom envahissait les façades des cinémas. Parade d'Amour qu'elle tournait avec Maurice Chevalier acheva de consacrer la vedette Internationale qu'était devenue Jeannette Macdonald.

Et, soudan, son nom disparut. On l'avait oublié lorsqu'il y a quelque temps, un grand cirque international le remit à son affiche, dans un numéro de... dompteuse de lions.

Que s'était-il passé ? S'agissait-il bien d'une seule et même personne ou bien d'un de ces hasards dont la "vie d'artiste" a le secret ? Pour le savoir, j'ai essayé de lui rendre visite.
J'ai de la peine à retrouver l'héroïne des films d'autrefois dans l'élégante personne qu'un écuyer me dit être Mme Macdonald. L'accent américain a presque totalement disparu  
[NDA : !] et, surtout, sa voix est rauque et cassée.
Est-ce en perdant sa voix que le rossignol s'est fait dompteur ?
"- Mon grand-père, mon père étaient déjà dompteurs en Ecosse et je suis rentrée dans la cage à six ans avec mon père, et seule à quatorze ans. Maintenant, j'ai une école de dressage à Neuilly, la seule existant en France.
Sur ce sujet, Mme Macdonald est intarissable. Il faut me résoudre à poser une question indiscrète :
- Avez-vous fait du cinéma ?
- Oui. Récemment, j'ai tourné dans deux films : "La paix dans la jungle" et "Jacques et Jacqueline".
- Des films documentaires ?
- Oui et non.
- Auparavant, quels ont été vos derniers films ?
Pas de réponse. Un lion, fort à propos, mène grand tapage et la dompteuse court s'assurer qu'il ne se passe rien d'extraordinaire.
Je n'en saurai pas davantage. Et dans le tohu-bohu des cirques ambulants, je confronte une fois de plus l'image de la partenaire de Maurice Chevalier et celle de la femme aux lions. Aucun doute, les deux images se ressemblent , mais il y a pour ainsi dire un monde entre elles, celui qui sépare les créatures de rêve dont l'écran multiplie les grâces et les êtres posés comme nous à même la réalité. Le mystère demeure. Faut-il vraiment s'en plaindre ?"
(1)

 

Deux photos complètent l'article. L'une représente Jeannette avec des chimpanzés. La légende dit : L'amour pour les lions ne contrarie en rien les sentiments que nourrit Jeannette pour les autres protégés du cirque, les chimpanzés par exemple."

La seconde représente Jeannette, dans la cage aux fauves, devant une pyramide de lions. Elle donne le repas à une lionne qui porte une serviette autour de l'encolure. La legende dit : Dans la cage, Jeannette fait preuve d'un courage extraordinaire. Peu de femmes dans le monde peuvent se vanter d'exercer un métier aussi périlleux."

 


(1) Gilbert Chapallaz

 

 "En l'état", peut-être rongée par des souris savantes ou un lionceau colocataire, l'une des deux pages d'un illustré, consacrées à Jean(n)ette Mac-Donald. Collection Particulière JMD.

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4 juillet 2009 6 04 /07 /juillet /2009 19:20

Fais-moi peur, Shérif !


Née dans la sciure, Jeannette est l'enfant de la balle type : l'itinéraire est tracé d'avance. Elle ne sera jamais pharmacienne ou fonctionnaire.
Elle n'aurait pu être qu'une de ces nombreuses filles de cirque, au destin vibrant, trépidant, certes, mais anonyme.

C'était sans compter sur l'intervention du déjà cité Shérif Amar, de quelques fleurs son aîné, cadet d'une fratrie issue d'Ahmed Ben Amar et de Marie Bonnefous, fille du directeur de la "Ménagerie Lozerienne" qui joua un rôle décisif dans la vie de la fille Mac-Donald.

Jouissant d'une grande popularité, les frères Amar, astucieux et roués, avaient lancé sur les routes de France des attractions fort prisées du public.
Jeannette,  si on la retrouve déjà adulescente, était un beau brin de fille, et avait déjà du "métier" derrière elle : loups, hyènes, serpents, ours, lions avaient été dressés par elle, et lui avaient sans doute livré bien des secrets.

Il n'en fallait pas plus. Shérif ne demeura point insensible aux charmes de la belle et de ses bêtes. Et comme il savait y faire, il lui donna très vite les dernières "clefs" pour un domptage "en pelotage", c'est-à-dire en douceur (Jeannette a toujours refusé de "travailler" avec les bêtes "en férocité") et l'amena très vite dans la lumière du célèbre chapiteau vert.
Le public, semble-t-il, apprécia fort cette jeunesse, insolente de beauté, qui faisait ramper les lions à ses pieds et menait les ours à la baguette.

Le miracle des loups.

 


"Au XVe siècle, les amours de Jeanne Hachette et Robert Cottereau, contrariées par le Seigneur du Lau, que Jeanne a repoussé.
Après sa capture par les soldats de Charles le Téméraire, une horde de loups va la libérer et la protéger."

Telle est l'intrigue du roman d'Henry Dupuy-Mazuel, "Le miracle des loups", que Raymond Bernard, en 1924, veut adapter au cinéma. Il s'entoure d'une belle brochette d'acteurs : Gaston Modot, Charles Dullin, Yvonne Sergyl et Albert Préjean.

Reste le plus dur à trouver pour parachever la distribution : les loups !
Les frères Amar se targuent de fournir à la production des bêtes magnifiques.
Sur le tournage, dans les sommets neigeux du col de la Porte de Lautaret, au dessus de Grenoble, ils mandatent un "type formidable" pour encadrer et dresser les Ysengrin.
"Le type formidable, écrit Albert Préjean (1), nous rejoignit quarante-huit heures plus tard. C'était un colosse, moustachu et ventru, qui nous arriva botté et pris dans un vêtement d'allure militaire, dont le noir originel était devenu d'un gris tirant par places sur le verdâtre. Sur son dolman à brandebourgs, on distinguait la trace de médailles qu'il avait dû retirer durant le voyage.

Il se présenta :
- Mac-Donald, dompteur en férocité."
De multiples péripéties et rebondissements jalonnent le tournage.

Pour les plus curieux, il faut bien sûr se rendre dans une confortable cinémathèque voir le long-métrage, mais surtout lire les mémoires d'Albert Préjean, où il relate, avec force détails savoureux, les coulisses, ce qu'on appellerait aujourd'hui un makinf-off.

 

Gaston et Gustave.

Gaston Rossignol est doreur sur cuir. A-t-il gravé des abeilles sur des sous-mains ? Des arabesques et des grotesques sur des harnachements d'éléphants ? Des volutes sur des selles de chevaux ? A-t-il dessiné sur des fouets, des chambrières et des "Perpignan" des scènes érotiques qui n'auraient pas déplu au Marquis de Sade ? Quoi qu'il en soit, c'est un grand amateur de fauves et de ménageries.
Gustave Soury, lui, est peintre animalier. Son trait, fin et précis, restitue un bestiaire au réalisme saisissant. Des têtes de fauve, où pas un poil ne manque, aux jambes des chevaux, où pas un muscle n'est pas saillant pour rien, son art est parfait. On lui doit de très nombreuses affiches pour les cirques et les ménageries. Pour les frères Amar, et à l'occasion de la sortie dans les salles obscures du "Miracle des loups", il signe une magnifique composition : une meute de onze loups est matée par un seul homme qui se permet de jouer au cerceau avec les carnivores, tandis que le texte annonce que "les superbes loups des frères Amar sont ceux qui figurent dans le grand film historique français "Le miracle des loups".

Gaston et Gustave se retrouvent chez Mac-Donald, boulevard Richard Lenoir, à la foire du Trône ou à la fête à Neu-Neu.

Ce mélange odorant de cuir, d'urine de fauve, de paille, de sciure mouillée a quelque chose de viril. On est dans une photo de Doiseau. Noir et blanc.
Dans les odeurs de vin chaud et de châtaignes grillées ; au milieu des forains qui chahutent et montent leurs "métiers", Jeannette s'échappe de la roulotte et va donner la main à une liseuse en ligne ou une jeteuse de sorts pour monter son entresort. Avec un intérêt à la clef. C'est qu'elle est dégourdie, la fille à Louis. A la femme à barbe-à-papa, elle dit : "Je t'aide un peu, mais tu me donnes une cigarette ou un peu de tabac."

C'est normal, elle vient d'avoir six ans, Jeannette.

 

C'est comme au cinéma.

Elle vient d'avoir six ans, Jeannette, et son père l'emmène au cinéma. Voir "Le Miracle des Loups".

Le cinéma, ça change un peu du cirque. Le cirque, c'est pas du cinéma. Tout ça, hein ? c'est du cinéma. Quel cirque !

En rentrant, Louis Mac-Donald, belluaire de la Belle Epoque, médaillé du titre de champion des dompteurs de 1906 à 1922, dit à sa fille : "Ca t'a plu, le film ? Un jour, tu verras, le cinéma, tu l'auras chez toi."

Il ne croyait pas si bien dire...

 

Scène de ménagerie.

L'homme est un loup pour l'homme. Il en résulte à se demander si, finalement, les bêtes les plus féroces de la création ne sont pas celles qui sont devant les cages.

La "contrecarre" qui sévissait à l'époque en dit long sur les pratiques des établissements forains.

En témoigne cette anecdote, que rapporte Paul Adrian, historien du cirque, anecdote qu'il tenait de la bouche même de Gustave Soury.

"C'était en octobre 1913 à la fête du boulevard Richard Lenoir. Il fut souvent écrit que c'était entre les Bouglione et les Amar que cette scène avait été vécue ; or, c'était Mac-Donald, qu'un placier -peut-être facétieux- avait fait installer près de la ménagerie Amar ! A l'heure de la parade, c'était homérique : sur chaque estrade, chaque aboyeur soutenu par des orchestres tonitruants, des claquements de fouets et des coups de carabine, essayait de couvrir le boniment de l'autre..." (2)

C'était sans doute de bonne guerre.

 

Entre mômes.

La rue est un théâtre. La rue est un cirque. La rue est un music-hall. Jeannette s'encanaille dans le ruisseau, avec des mômes de son âge. La petit Edith Giovanna Gassion et la petite Jeanne Louise France Corfdir font à elles deux les huit cents coups. Deux fois quatre cents. Edith et Jeanne s'inventent des scènes et des pistes à la lueur d'un réverbère. Le père Mac-Donald arpente le pavé, à la recherche des fugueuses. Il ramène Edith chez son père, contorsionniste, et sa mère, chanteuses des rues.
Elle va encore l'entendre chanter.
Elle deviendra Edith Piaf.

(1) "Le Cirque dans l'Univers" n° 117
(2) "L'Inter-Forain" n° 800

                           Louis Mac-Donald. Collection particulière JMD

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3 juillet 2009 5 03 /07 /juillet /2009 19:36

Ca se passe comme ça
chez Mac-Donald

 

                                                   HORS PERIODE

"Quand je rentrais dans sa caravane et que je m'asseyais où je pouvais, entre un macaque et un porc-épic..."
Il suffit que j'écrive cette phrase pour que ma mémoire me transporte dans un univers extraordinaire.


                                               PREMIERE PERIODE

                                                    (1918 - 1973)
En piste.

 


Le trois mai mil neuf cent dix-huit, dix heures et demie du matin, est née au domicile de ses père et mère, Jeanne, Louise, France, du sexe féminin, de Louis Marie Corfdir, né à Plounez, Côtes-du-Nord, le quatre juin mil huit cent soixante-seize, dompteur, qui déclare la reconnaître, et de Ernestine, Marie, Joséphine Couture, trente ans, foraine, domiciliés en cette ville, rue Carvès (Champ de fête). Dressé le quatre mai courant, onze heure du matin, sur présentation de l'enfant et déclaration faite par le père. En présence de Azélie Toutain veuve Driancourt, foraine, rue Carvès (Champ de fête) et de Marguerite Braun femme Courvoisier, marchande de vins, rue Carvès 59, toutes deux en cette ville qui, lecture faite, ont signé avec le déclarant et Nous, Louis, Ulysse Lejeune, Maire de Montrouge.

Se choisir un nom.

 


Un nom de guerre. Un pseudonyme. Un nom de scène. Un nom de piste. Un alias. Un "dit".

Comme Roman Gary, qui nous a bien eus. Par deux fois, il a obtenu le prix Goncourt. La première sous sa véritable identité. La seconde sous le masque d'Emile Ajar. C'est fort.
Ou, pour rester dans les livres, comme Anne Desclos, alias Dominique Aury, alias encore Pauline Réage, auteur de la cultissime "Histoire d'O", écrite par amour pour un homme.
A quel moment et pourquoi Louis, Marie Corfdir à l'Etat-Civil, est-il devenu Louis Mac-Donald ?
Du sang écossais coule-t-il vraiment dans les veines de cette famille, ou bien est-ce l'une de ces géniales inventions "à la Barnum", un chiqué d'aboyeur d'estrade ?

Quoi qu'il en soit, "Mac-Donald", c'est bien trouvé. Ca claque comme un fouet de manège.
Et c'est surtout d'une notoriété bien antérieure à celle d'un morceau de boeuf entre deux tranches de pain.

La ménagerie Mac-Donald.

C'est une photo. Il ne paraît pas incohérent de la dater du début des années 1900. A l'époque, le public était friand d'exhibitions d'animaux exotiques.
Que voit-on ? Au fronton de la baraque foraine, mi-baroque, mi-rococo, s'étalent grâce à une police de sacré caractère, les lettres MAC-DONALD en lettres de feu, brûlées jusqu'à moitié, entre une hure de lion et une hure d'ours. Ca a de la gueule. Sur des calicots, des lions peints arborent une crinière volontaire. Derrière, dans la fosse, se trouvent les vrais.
Une fine équipe fait palpiter l'estrade : le maître de céans, superbe, en bottes de cuir et brandebourgs dorés ; son épouse Ernestine dite Anietta, plantureuse partenaire qui sait manier le fouet ; le bonimenteur Gorge-Rouge, qui aboie à s'en rompre les cordes vocales : "Approchez, bonnes gens, et vous verrez. Vous verrez le plus grand dompteur du monde affronter à mains nues les terribles fauves mangeurs d'hommes ! L'honneur de votre présence et l'on commence à l'instant-même. Demi-tarif pour les militaires, les bonnes et les enfants. Approchez... Approchez... Approchez !...." Anietta, copieusement bottée, tient en laisse et en respect un ours, sans doute devenu savant, qui embouche une trompette ou tète un biberon de lait tandis que Louis tient sur ses genoux une guenon.
Pour la parade encore, un jeune garçon, sans trop de complexes, plastronne de toute sa morgue : Shérif Amar !
Derrière la baraque, dans la roulotte, une nouvelle-née gigote plutôt bien : le petit nez rose de Jeanne, Louise, France Corfdir dite Mac-Donald se frotte volontiers au mufle des loups.
Ca se passe comme ça chez Mac-Donald !

 

 La ménagerie Mac-Donald. Collection particulière JMD.

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