4 mai 2007 5 04 /05 /mai /2007 14:38
Cet épisode est dédié à la mémoire, aux choix, au parcours et au destin de Vanessa Duriès (auteure du "Lien").
Cet épisode est aussi dédié à E. et H., mère et soeur de Vanessa, à qui j'exprime toute mon affection et toute ma gratitude, car elles m'aident à mieux comprendre le SM.
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Betty ne tira pas de plans sur la comète ; au crayon tendre, elle ébaucha ceux de son futur palais. Elle se devait de rester réaliste si elle voulait durer. Le stock de phantasmes était impressionnant. Lorsqu'il serait en alerte, elle aviserait.
Elle avait fait un découpage pertinent de l'espace. Au rez-de-chaussée, elle installerait son bureau, sa bibliothèque et un coin convivial pour s'asseoir et parler. Au premier, elle conférerait une salle d'évolution qui serait à la fois un cirque, un théâtre, une arène, un plateau ; il y aurait des gradins et des loges, des coulisses et des rideaux de scène, de quoi se laver aussi, pisser et chier itou fissa recta basta ric rac l'affaire est dans le sac. Et toc !
La polyvalence qu'offriraient ces mètres carrés et ces mètres cubes, la superficie et le volume, la modulation et la combinaison qui se pourraient organiser là excitaient Betty. Dans la partie haute, juste sous le toit, elle voyait une alcôve, un lit douillet, intime, une tour d'ivoire. Gravir les dégrés et grimper là serait une récompense suprême, la dragée haute pour les invités de marque.
En bas, elle serait Betty ; en haut, elle serait Maîtresse Salomé, et dans la partie plus haute, de nouveau Betty.
Il suffirait de redescendre pour recommencer le cycle.

Betty aimait l'argent, la liberté. Betty avait peur du sida et des maladies sexuellement transmissibles.
Elle avait domestiqué le nerf et le microbe.
Elle avait appris à calmer les emballements de son coeur quand elle enfilait ses cuissardes.
Elle était devenue une grande dame du sado-maso le jour où elle le pratiqua avec le discernement qu'il se doit.
Elle avait inclus dans le cadre réservé à cet effet -si vous dépassez les doses prescrites, que va-t-il arriver ?- le crescendo décrescendo des accès au plaisir, donc à la mort.
C'était un flirt permanent avec l'abîme, une mise en danger qui la fédérait.
Le nerf et le microbe se faisaient la guerre sans relâche. Et combien de ses petits soumis-soldats lui disaient leur rage de vaincre, malgré le feu de la mitraille ? Leurs têtes disaient "non", leurs queues gonflées, leurs culs serrés, leurs yeux décillés "oui".
L'eau, le sang, les larmes, l'urine et le sperme charriaient des maladies encore sans nom. Tous les trous étaient calés par des sabres au clair ; des membres endoloris, des corps échangés, meurtris, souillés, persistaient à dire : "Vous passerez me prendre ?"
Le psychiatre, le prêtre et le magistrat qui sonnaient à la porte de Betty, dans leurs tenues indécentes, avec leurs grotesques goupillon, balance et caducée, étaient trop confrontés au choix, au doute et à l'erreur. Betty les aidait à passer quand même, à accepter cette usure.
Quand on lui faisait remarquer qu'elle était psychologue, elle disait qu'elle avait des recettes et des méthodes, et qu'elle les appliquait, un point, c'est tout. Elle n'était pas gourou. Elle n'ouvrirait pas une secte.

"Mais enfin, comment, toi, ma petite Betty, peux-tu faire des saletés pareilles ? Je t'assure, quand j'ai vu les photos, j'ai eu envie de vomir. Qu'est-ce qui t'a pris ? De qui tu tiens ? J'aimerais comprendre."
La maîtresse se faisait vertement rabrouer par sa mère. La scène était cocasse.
Betty se réveilla, un goût amer dans la bouche, de grises pensées dans la tête. Ah, non ! Ca n'allait pas recommencer? Ces fronts qui se plissent, ces index qui se brandissent, deux mille ans où la petite histoire rejoint la grande, retombe sur les frêles épaules d'une femme, repasse à chaque repas les plats de lentilles et ressert le vin des noces avarié.
Betty se sait sujette aux changements d'humeur. L'alternance ne la surprend plus comme autrefois où elle se posait la question de savoir si elle n'était pas deux, ou trois ? Au détour d'un quart d'heure, ce qui la brûlait tout-à-l'heure n'était que cendres salissantes. Des flammes allaient de nouveau surgir, et sa force serait d'allumer des contre-feux.

Mais les flammes de l'enfer n'éclairent-elles pas le paradis ? Le vice la vertu ? "Et toi, maman, qu'est-ce qui t'a pris de me faire lire "Le rosier de Madame Husson" de Maupassant ?" Il lui arrivait de rougir encore quelquefois.

Ce que maîtresse enlevait d'abord à ses esclaves, c'était la montre. C'était à un voyage intemporel qu'elle invitait où nul bagage ne devait scier les phalanges et les poignets. Elle délestait du poids des apparences et des habitudes les impétrants acceptés dans son univers. L'homme qu'elle aura devant elle, elle le voudra prêt et nu sur l'embarcadère. Il est là pour ça. Pour qu'il accède au belvédère. Elle lui fera la courte-échelle. Il a laissé ses accessoires et ses marqueurs sociaux au vestiaire.

Elle se cala dans son fauteuil et se mit en condition. Dans un quart d'heure, elle jouera les viragos. Elle alluma une cigarette, dénoua ses cheveux, prit conscience de ce qu'elle avait aux pieds, ouvrit son agenda ; elle allait commencer ses "trois-huit". Le C.I.E.L était maintenant au pigeonnier.

Rex aboya. Au bout du chemin herbeux, un fourgon de livraison stationnait. Le livreur avait cru bon de laisser le goudron plus rassurant de la départementale aux essieux. Un gamin dégingandé et boutonneux s'approcha, machouillant un chewinn-gum à s'en déformer les mâchoires.
" - Un colis pour vous, Madame..."
Elle signa un papier ; il lui tendit un carton.
Betty le posa sur la table. Elle fit sauter les deux agrafes qui assujetissaient son impatience et deux rabats ondulés. Elle plongea sa main dans une mer d'écumes, de copeaux blancs, légers mais crissants, presque insaisissables. Petite, c'était dans la lessive qu'elle allait pêcher des porte-savonnettes cadeaux Bonux.
Bonne pioche ! Une boîte rouge gisait par trente centimètres de fond ; elle renfloua le bâtiment. C'était une boîte oblongue, chapeautée d'un couvercle posé, facile à ôter. Elle le fit avec excitation.

(A suivre)

Raoul Jefe

Qu' y-a-t-il dans cette boîte ?
Vous le saurez en suivant les aventures du "Pigeonnier" prochainement sur ce blog.
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3 mai 2007 4 03 /05 /mai /2007 13:02
Le contrôle silencieux que Salomé exerçait sur ses objets et ses sujets nécessitait une parfaite maîtrise.
Mais elle se sentait vidée et épuisée des voyages dans l'imaginaire qu'elle proposait à ses hôtes.
Il fallait les ramener sur Terre quand on était allé très haut.

Longtemps elle s'était refusée à toute investigation du côté de l'anus. Longtemps le mot "cul" ne put ni entrer ni sortir de sa bouche ; c'était le sale, le sacré, l'intouchable. Semblable traitement fut appliqué aux matières fécales, qu'il faut bien se résoudre à appeler, par commodité sonore "merde".
Maîtresse Salomé intégra ces deux mots dans son vocabulaire, et dès qu'elle leur eût donné de la poésie, qu'elle s'accordât à reconnaître qu'ils étaient essence de vie, elle fut libérée de partout, libéra les autres et alla dans un sex-shop acheter un gode-ceinture.

Maîtresse Salomé aime s'harnacher du gode-ceinture. Lorsque ses trompes de Fallope se muent en ce substitut phallique, est-elle émue jusqu'aux ovaires ? Oui.
En classe de seconde littéraire, elle se souvient que ses oreilles ont été meurtries par ce distique proféré par une jouvencelle délurée : "J'ai quelque chose de pointu qui me rentre dans le cul."
Aujourd'hui, les muqueuses du séant, après l'avoir révulsée, l'intéressèrent assez pour chercher à les émouvoir parfois.
Droite dans ses bottes, elle adore percer les hommes par cette intimité-là ; elle s'enfonce et revient, tire sa révérence et rend son tablier, file à l'Anglaise et répète à l'Italienne.
Ses coups de reins ne sont légendaires que pour elle ; qu'elle perfore, qu'elle pistonne, qu'elle empale ou qu'elle sodomise, qu'elle encule, aucune trivialité mais une force qui va, cosmique, astrale, subjuguée.

Alors qu'elle se promenait à la campagne, Betty était tombée amoureuse d'un pigeonnier. Ses élucubrations au sujet du SM avaient trouvé un port, et surtout un phare. Ce qu'on appelle, dans le jargon, un "donjon". Ses rêves fous, ses extravagances avaient cristallisé la peur, la différence, alterné l'attrait et le rejet, substitué la défiance, chassé les scrupules, imposé sa loi.
Dès l'instant qu'on ne touche pas aux enfants...
Elle nourrissait une fascination sans frein pour Asmodée, démon de profession, qui avait le pouvoir de soulever le toit des maisons pour voir ce qui s'y passait. Lors de déplacements, de voyages, ou même tout simplement dans son cadre habituel, quand elle levait les yeux vers des fenêtres, un vertige plus ou moins angoissé la saisissait ; et alors, elle échafaudait des scénarios, faisait des inventaires et des états des lieux.
Salons, halls, vestibules, caves, greniers, combles, mansardes, buanderies, souillardes, salles, ateliers, laboratoires, entrepôts, couloirs, corridors, salles à manger, chambres à coucher, salles à baiser...
Elle se grisait de lieux communs pour une raison peu commune. Elle se refusait à admettre : "Là-haut, je verrai bien un donjon SM." Elle chassait l'idée intruse qui revenait. Elle voyait des salles de torture partout, des croix de Saint-André, des cachots, des instruments de bourreaux, une guillotine. Ce trouble qui l'anima lui fit un temps tourment, lui donna la fièvre. Elle consulta un psychiatre. Ce dernier lui dit : "Quand on peur de la grenouille, il faut aller voir la grenouille."

Ce pigeonnier arriva donc à point nommé dans sa vie. Il était à vendre. Il était pour ainsi dire vendu. Mon Dieu qu'il était joli, le pigeonnier de Maîtresse Salomé ! Il s'était invité il y a longtemps sur une terrasse de bromes et de fleurs sauvages, à un écart raisonnable d'un corps de ferme, isolé sans l'être, relié à une route carrossable par un chemin herbeux à l'époque où les volatiles domestiques servaient à tout et finissaient avec des petits pois.
C'était un pigeonnier dit "à toit de mulet". Il s'érigeait du sol, bâti parti, surgi de la terre comme une taupinière ; il s'ingéniait à n'être pas terne mais mystérieux, orbe partout fors la petite porte qui y donnait accès, où un homme de haute stature ne rentrait pas sans courber la tête. Il avait gardé sa ceinture de faïence près du faîte, ce qui lui donnait un cachet élégant et majestueux.
Betty avait de quoi être contente. Lorsqu'elle cesserait ses activités, elle en ferait un boudoir pour prendre le thé.

Betty lut un peu la Bible pour imiter Asmodée. Un soir, en songe, elle prit le toit du pigeonnier et l'ouvrit, comme le couvercle d'une boîte. D'un seul regard, elle put apprécier le contenu ; il n'y avit qu'un seul tenant, une enfilade, un puits de jour, ouaté, feutré, beurré de colombine. Ce petit jouet l'excita ; sa tour de guet et sa tour de garde, sa cabane la ramenait au merveilleux pays de l'enfance. En vue écorchée, elle rêvait de son nouvel agencement harmonieux ; elle pensa à "La vie, mode d'emploi" de Georges Pérec, et son illustration sur "Le livre de Poche".

Comme Alphonse Daudet acheta son moulin, elle acheta le pigeonnier.
Maîtresse signa le sous-seing privé chez Maître N., notaire, détenteur des minutes de son père, de son grand-père et de son arrière grand-père, et demanda à un cousin maçon de venir installer une douche et un ou deux murs en épis selon ses goûts.

(A suivre)

Raoul Jefe
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2 mai 2007 3 02 /05 /mai /2007 15:41
Salomé comprit qu'il n'existe que trois sortes d'histoires : les histoires de coeur, les histoires de corps et les histoires de cul. Elle n'en privilégia aucune, laissa agir le temps mais n'eût plus peur d'aucune. La peau et les orifices, les siens et ceux des autres, pouvaient devenir le terrain sur lequel elle allait évoluer à l'aise, en Diane chasseresse ou en déesse de l'Olympe, en fée ou en sorcière, une pomme empoisonnée et une baguette magique dans ses mains gantées.

Instaurer une relation SM est assez facile. La maintenir est plus compliqué. Le phantasme est inoffensif. Le passage à l'acte peut être traumatisant. Pour celles et ceux qui, travaillés par cette tyrannie, refoulent et angoissent, c'est l'enfer.
L'éducation a tabouisé le sexe, les non-dits et les interdits ; stigmatisé des déviances, fabriqué des névroses.
La religion s'est chargée, du reste, de distribuer ces copieux restes d'authentique croix du Christ où il mourut cloué et fouetté.
Le pêché et la pénitence, le vice et la vertu sont copains comme cochon, et les flammes de l'enfer éclairent le paradis. Le jeu social est un jeu érotique.
Maîtresse Salomé passa une annonce dans des revues spécialisées. "Je vais recevoir des inquiets et des perturbés." pensa-t-elle, "mais s'il crachent au bassinet, c'est pour mieux se réparer. Je suis une pute. Et alors ? Madeleine, au catéchisme, telle qu'on me l'apprenait, qui était-elle d'autre ?"

Qui reçoit-on aujourd'hui ? Un fonctionnaire trop consciencieux dont la vie a été emposonnée par un scrupule élevé au rang d'obsession : craindre de glisser par erreur un document pornographique dans une enveloppe du Ministère qui l'emploie. Fermer l'enveloppe relevant alors de l'exploit surhumain, toute son énergie passée à ça.
Son trouble obsessionnel compulsif l'a aliéné, dépersonnalisé, tenté de le clochardiser.
Il vérifie, ouvre, ferme, rouvre, referme. Ce qu'il souhaite, c'est que Maîtresse Salomé l'oblige à fermer des enveloppes en toute liberté de mouvement et de pensée.

Maîtresse Salomé écrivait : "Je sais que je ne deviendrais jamais une vieille dominatrice. Je ne ferai pas "ça" toute ma vie. Je dois gérer cette carrière très vite, tout solder avant que je ne sois humiliée et tremblante. Je dois agir comme le footballeur ou le cycliste. Je me reconvertirai dans la plume. Je passerai de la plume au chapeau à la plume au derrière pour la placer là où elle tient le mieux : dans la main. J'aurai des choses à raconter..."

Assise à son bureau, Betty trouvait un peu de repos. La séance, achevée à grand peine, avait été décevante.
Il avait fallu ramer. Il avait été difficile de se séparer de cet échalas pas assez mûr pour le corps à corps.
Elle pensa intensément à ce qu'elle faisait. Jamais, au demeurant, elle ne versa dans le Grand'Guignolesque, et si, au cours de ses numéros de visuels, elle frisait parfois le ridicule, ce dernier ne tuait pas. Aucune indécence ne remontait ; ses sexes nus s'apparentaient au théâtre, à cette forme à la fois si pure et si crue qui restitue la vie, l'enjolive ou l'enlaidit, mais est impuissante à la traduire dans sa routinière banalité.

(A suivre.)

Raoul Jefe
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1 mai 2007 2 01 /05 /mai /2007 20:17

Maîtresse Salomé porta à sa bouche la fraise qu'elle venait de saisir dans le compotier.

Ses lèvres happèrent le fruit, l'engobèrent ; elle pinça la queue, mais ne la jeta pas. Elle la garda, la fit jouer entre ses doigts longs et graciles, comme une molette qui monte ou baisse le son de la radio.

Rex aboya ; le facteur venait de passer.

Maîtresse Salomé se donna du temps.

Elle n'aimait rien tant que le dépouillement du courrier, aux heures alanguies de ce qu'il restait de la matinée.

Elle avait adopté pour la journée une tenue aimée : chemisier blanc à manches gigot, jean et cuissardes noires.

Blanc, bleu et noir : ça allait avec ses cheveux caramel.

Elle sortit de la maison, s'engagea dans la petite allée jusqu'à la boîte. Elle jeta le relief de la fraise dans un massif d'hortensias. Rex lui fit fête. Elle le gratifia de quelques câjoleries, et quelques tapes... Il apprécia.

Elle ouvrit la boîte. Elle évalua la livraison : une bonne dizaine de lettres et plis divers, tous formats, dominance blanc et beige. Elle fit glisser les enveloppes, et, dans sa tête, inconsciemment, se hiérarchisa la priorité d'en ouvrir une plutôt qu'une autre.

Elle regarda le ciel, qui lui offrit l'une de ses plus belles nuances bleu, puis la plaque apposée sur le portail : C.I.E.L. (Cercle des Instants et des Espaces Ludiques), Maîtresse Salomé.

 

C'est en faisant du rangement que Pauline eût la révélation et se convertit vraiment au sadomasochisme.

Elle avait lu, petite, dans les volumes de la bibliothèque rose qu'elle venait de retrouver, les romans de la Comtesse de Ségur née Rostopchine, et les mémorables fessées s'imprimèrent dans sa chair et jetèrent un trouble sournois dans sa jolie tête.

Au lycée, les garçons semblaient se bousculer sur une ligne imaginaire qu'elle avait tracée devant elle, qui partait de ses pieds et qui devait faire plus de trois mètres cinquante les jours où elle portait du patchouli et des bottines.

En file indienne. Mais jamais en troupe.

Quand elle comprit que le trou béant de son sexe ne la remplirait jamais de la joyeuseté imbécile des hommes, trop peu habiles à combler ses attentes, plus enclins à bouder son plaisir pour atteindre le leur, elle épousa la condition de dompteuse, et entra dans le plus grand cirque du monde.

Elle songea à mourir.

Elle se mit à écrire. Assez bien. Des poèmes d'abord, par trop naîfs mais utiles à l'expression d'une envie.

Du plaisir sec à la jouissance cérébrale, elle choisit bien vite ; elle opta pour la pénétration jusqu'au cerveau, avec un labour à travers ses entrailles et une escale dans le coeur, la gorge.

A ce niveau, elle savait qu'elle devrait jouer finement et être à la hauteur de ses exigences.

Elle serait ivre de vie ; elle écrirait.

Son intelligence lui permit d'élaborer une ligne de conduite.

Pauline deviendrait parfois Maîtresse Salomé.

Elle acheta son premier fouet dans une grande surface, au rayon des toutous.

 

(A suivre)

Raoul Jefe

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30 avril 2007 1 30 /04 /avril /2007 15:10
Avec "A propos de Bottes", j'ai voulu soulever un problème qui ressemble à ces croutes de peau que l'on soulève aussi parce que ça démange.
Je raconte l'histoire d'un homme fétichiste des bottes en cuir qui dépassent le genou.
Sa marotte, obsédante, gère son système de pensée jusqu'à l'assiéger.
Alternant fascination et répulsion, il analyse cliniquement l'anomalie.
Une femme viendra, le comprendra et l'aidera dans sa démarche.
Pour y voir plus clair.

La pièce "A propos de bottes" n'est pas éditée. L'immatriculation SACD est en cours. Bien entendu, elle ne demande qu'à vivre sur un plateau.
Un texte de théâtre est un squelette ; ce sont les acteurs qui lui donnent sa chair.
Lire le théâtre implique une discipline, une gysmastique cérébrale.
"A propos de bottes" ne déroge pas à la règle.
Toutefois, en voici un extrait, en amuse-bouche :

"Nous avons dansé jusqu'à l'écroulement. Je me suis senti aspiré par le bas. Elle, elle est restée debout. Hiératique. Je me suis enfoncé jusqu'au tronc. Elle m'a enjambé. Je n'étais plus qu'une aspérite du sol. Ses bottes étaient si brillantes que je m'y suis miré. J'ai vu ma gueule de chien sauvage, battu, apeuré et traqué.
J'ai vu mes rictus et mes yeux concupiscents. Je me suis effrayé. J'ai senti des bribes et des fantômes de mon passé pleuvoir sur moi en pluies acides.
Pourtant, j'ai tendu mes doigts pour caresser le très luisant objet de mon désir. Ce que j'avais ardemment souhaité, je le voyais, là, tout près, surfait. Spécieux. Mensonger.
J'étais là, las, épuisé de la trop longue attente, de la longue macération dans mon jus faisandé ; incapable d'agir.
A cet instant crucial, qui aurait dû être pour moi le couronnement, "l'abotissement" de plus de trente ans de hantise, de cohabitation forcée, je me suis senti sec, vidé, sans moteur ni énergie, exténué, profondément déçu.
A l'image de ces dépliants qui promettent la vue sur la mer, qui n'est rien d'autre qu'une bouche d'égout.
A grand mal, je me suis extirpé de la fange et je me suis enfui. J'ai couru et je suis tombé à genoux.
Ce qui s'est passé ensuite, je le sais parce qu'elle me l'a raconté. Elle a ôté l'une de ses bottes, rien qu'une, comme ça, pour voir. Elle a gardé l'autre. Elle est sortie du dancing improvisé.* Elle s'est approché de moi , en claudiquant. Elle s'est placée en face de moi qui fermais les yeux. Très doucement, de son genou, elle a effleuré ma joue. Elle m'a dit : "As-tu un jour songé que, sous le cuir, il se pourrait qu'il y ait un peu de peau ?"
J'ai veillé au grain. C'est ce jour-là que j'ai découvert la tendresse.

* Pour situer le contexte, la scène se déroule dans une cabine téléphonique, le seul lieu clos et sécurisant où la femme, selon l'auteur, apprend à l'homme à danser !

Joël Fauré
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30 avril 2007 1 30 /04 /avril /2007 15:07

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28 avril 2007 6 28 /04 /avril /2007 22:17

Le magasin Chat-Botté

(Photo JF)img025.jpg

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28 avril 2007 6 28 /04 /avril /2007 15:07

En 89 (19), mon parcours me vit -ou plutôt m'entendit- dans les studios d'Europe 2, dont les premières ondes berçaient Toulouse.

"Les lumières de la ville ont des reflets de saxo tranquille... Europe 2, ça brille..."

"Ma nouvelle adresse est une radio.... Nouvelle adresse...  Europe 2, c'est beau." disaient les "jingles" que l'on se refusait à appeler "sonals".

J'étais alors affecté au "remplissage" des décrochages régionaux.

A côté des infos sérieuses et de la météo, j'avais imaginé de meubler l'antenne avec des canulars téléphoniques...

Voici ce que j'ai retrouvé dans mes archine sonores.

 

" - Allo, le magasin "Chat Botté" ?

- Oui, c'est ça, monsieur.

- Oui, bonjour. Je voudrais offrir une paire de bottes à ma femme. Est-ce que vous avez le 35, s'il vous plaît ?

- Non. Nous sommes un magasin de laines, monsieur.

- Ah ! excusez-moi. Je suis vraiment navré. Mais vous n'avez donc pas...

- Non. Nous faisons une laine qui s'appelle "Chat Botté". C'est la raison sociale. Voilà.

- Ah, je pensais que vous aviez des chaussures...

- Non. Non. Non. Nous vendons de la laine pour tricoter.

- Ah ! Vous ne vendez pas de bottes, donc ? Vous n'avez vraiment pas...

- Non, non. Pas du tout.

- Bon, mais écoutez, alors, tant pis, je vais prendre un autre pointure, quoi, c'est pas un problème, ça...

- Je vous explique, monsieur, que nous ne vendons que de la laine à tricoter.

- Ah ! D'accord, vous n'avez pas donc... de chaussures? Parce qu'on m'a dit : "Tu pourras trouver des..."

- C'est un eplaisanterie, je pense.

- Ecoutez, non. On m'a donné votre adresse.

- Non, c'est une erreur.  Nous ne vendons que de la laine à tricoter, c'est clair ?

- Vous êtes sur l'antenne d'Europe 2 Toulouse.

- Ah, bon ! C'est une plaisanterie. Il faut le prendre en riant ? Alors, je le prends en riant."

 

Propos recueillis par Joël Fauré

 

Ces propos "laineux" (pourquoi tant de laine ?) sont impressionnés sur une bande magnétique que je tiens bien entendu (à bon entendeur, salut !) à la disposition des incrédules.

 

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26 avril 2007 4 26 /04 /avril /2007 13:19
DES MATIERES BIEN TRAITEES

Il y aura un avant et un après JS.
Jean Streff, auteur du référentiel "Masochisme au cinéma" (Veyrier, 1978), livre ici un essai passionnant sur les fétichismes.
Nos marottes -les bottes- y sont dignement représentées et "A Propos de Bottes" y cité dans les sources multiples auxquelles l'auteur assoiffé a puisé.

J'ai vu des libraires très embêtés : ils ne savaient pas où poser le livre. Au rayon "Erotisme" ou au rayon "Faits de société" ? N'est-ce pas là le vrai pouvoir d'un livre : interroger, surprendre et étonner ?
J'ai observé une jeune Chinoise lire avidement quelques pages, debout, l'ouvrage en équilibre sur une tablette.
Je l'ai vu voisin de table de "Panique" de Lydia Flem, du "Crachat" de Martin Monestier et contemporain de "La mauvaise vie" de Frédéric Mitterrand.
Je l'ai remis à vue quand il était caché ; je l'ai remis de face quand il était sur la tranche.
J'ai vu une vendeuse s'absorber à sa lecture, après que je lui eût demandé de le consulter moi-même.
J'ai glissé entre les pages 356 et 357 un petit mot écrit à la main sur un ticket de caisse de bar (1 café : 1 € 40) :
"Au théâtre carpe Diem -à moins que ce ne soit dans un rêve-, je vous ai vue, glissée dans de hautes bottes de cuir noir. Je dois être fétichiste. Je suis devenu aussi fou que Maupassant. Il fat absolument que je vous retrouve. Sinon, j'en mourrai peut-être... Si vous vous reconnaissez (et même si vous ne vous reconnaissez pas) : suivait mon numéro de téléphone. Puis ma signature : Raoul Jefe.
J'ai remis le livre en rayon. Il avait rendez-vous avec le hasard...
A ce jour, je n'ai toujours pas eu de retour...
Le plus frustrant dans cet ouvrage, avouons-le d'emblée, est sans doute le manque d'illustrations, mais les fétichistes n'étant pas dépourvus d'imagination, ils sauront se créer leur propre musée iconopithèque.
Par le texte, Jean Streff se veut exhaustif, et il y parvient souvent. (On imagine aisément son bureau truffé de dossiers et de notes !)
Son savant découpage des contenus et des contenants -imaginez un cochon rose, avec tous ses morceaux découpés en pointillés dans un dictionnaire (dans un cochon, tout est bon.)- nous donne en sus des échantillons d'étoffes et de matières avec action immédiate sur nos sens désarimés.
Ce traité de l'a(ROME) à l'usage des jeunes générations fourmille d'informations, de la petite à la grande histoire. Y sont convoquées Jeanne d'Arc et Madonna, c'est dire l'oecuménisme du rendez-vous.
Les jeunes générations, fétichistes de la toile, de la souris et du portable, appelés dans le titre, sauront-ils, demain, découvrir que le cuir n'est pas seulement une faute de liaison "mal-t-à-propos", mais un subtil entremetteur entre le désir et le plaisir ?
Réponse dans deux mille ans après JS, s'il reste assez d'eau fraîche et d'amour pour vivre, deux fétiches parmi tant d'autres...

Joël Fauré

"Traité du fétichisme à l'usage des jeunes générations", Jean Streff (Editions Denoël), 544 p.

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Je me hasarderai bien à illustrer ces propos d'une image, mais au vu des premiers essais désastreux, je préfère m'abstenir.
J'ai convoqué un ami, né avec un ordinateur dans la tête, qui m'a parlé pixels, résolution d'images, etc...
Je préfère reporter à plus tard la publication d'images (pour éviter aussi tout risque de droits réservés, droits d'auteur, proriété intellectuelle, etc...)
Je donne priorité au texte.
Un grand merci aux trois premières grandes lectrices de ce blog : A. , O. et Caroline Lamarche...
et aux premiers lecteurs : Ph., et P.B.
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25 avril 2007 3 25 /04 /avril /2007 15:03
Lamarche à suivre. Caroline Lamarche, Belge et écrivain. Maso. Se voit en femelle du renard. Une renarde qui aurait été domestiquée, et tenue en laisse. Femme ouverte et femme au moins trois fois trouée. Son livre "Carnets d'une soumise de province" est un beau livre. Un livre qui pique, qui pince. Où ça fouette le fennec à plein nez. On savait les après-midis de Caroline curieuse transformés en nuit (La nuit l'après-midi, éditions de Minuit.) Ici, elle voue à son Maître un usage particulier et exclusif. Toute la gamme SM hard et soft se décline. Caroline et son dresseur sont des bourges cultivés et esthètes qui vont à l'encontre du titre. Fréquentent des musées d'Europe, rient devant une toile populaire (Schrek, le géant vert), mais aussi se vautrent dans des hôtels bon marché.
Ce qui rend le livre attachant, c'est l'humanité des deux bêtes de cirque. Lui est sans prénom, sans nom, issu semble-t-il d'un passé douloureux. Rien n'est caché au lecteur de ses troubles de l'humeur, ce qui a le pouvoir de désamorcer l'envie de dire : "Ce type est un malade ! Il devrait consulter." A un titre d'un film de Truffaut, il rajoute simplement un verbe. Ce qui nous donne : "L'homme qui aimait fouetter les femmes." Sinon, pas plus malade que les beaufs et les bobos qui exigent de bobonne une pipe après un match de foot et quelques Kronembourg.
Elle, Renarde donc, muselée. Et fière de l'être. Littéraire en diable. "Du mot retenu, tu es le maître ; du mot prononcé, tu es l'esclave." Ses carnets sont autant de figures de rhétorique. On sent l'index luisant de cyprine et de sperme qui alternent les touches du clavier et son cul vaseliné.
A priori, Caroline n'est pas fétichiste. Les bottes ne sont citées qu'une seule fois, page 168.
Le grand intérêt de ce livre n'est pas de ressembler ou d'approcher les histoires d'O, finalement très courues, ni de donner du milieu sadomasochiste une version toute noire ou toute blanche ; non, c'est de conclure habilement sur un détachement de la perversion.
Le crescendo SM qui veut que les doses finissent mal et conduisent à la mort est ici mis à mal.
"Caroline" retourne à son ordinateur et on peut très bien imaginer que son bourreau se range des renardes pour s'intéresser aux souris blanches ou aux chiennes qui ont souvent des instincts de cochonnes.

Joël Fauré

CAROLINE LAMARCHE :

Caroline Lamarche est née le 3 mars 1955 à Liège. Ses ancêtres sont fabricants de fer et de tabac. Petite enfance dans le Nord de l'Espagne. La suite, jusqu'au bac, en région parisienne. Vacances à Beaufays (environs de Liège), au milieu d'une kyrielle de cousins. La faculté de Philologie romane la voit passer comme un zombie studieux. Insomnies redoutables. Refus d'écrire. Un "journal de rêves" tenu secret. Epouse un homme aventureux, qui l'emmène en Afrique. Enseigne le Français en Anglais à de petits Biafrais. retour en Belgique. Travaille comme secrétaire bilingue (Anglais, Espagnol). Naissance en 81 et 83 de deux filles. Se met à écrire au début des années 90. Fin des insomnies. A partir de 1995, créations diverses : romans, nouvelles, poèmes, fictions radiophonques.

Pour "A propos de bottes", Caroline Lamarche a écrit un texte inédit que je vous offre en partage :

Souvenirs d'enfance

J'avais des bottes blanches
La terre était boueuse
Cette terre que, du ciel,
On voit bleue.

Le Carnaval des animaux

La dentiste en cuissardes
Piètine ses instruments
Réclamant
Sa musique préférée.

Repas de fête

Mes bottines en chevreau
Découpées
Nous les mangerons à Pâques
Les cierges pleureront.

Logis de nuit

Bottes ô bottes
Claquant aux nuits obscures
Le corps faiblit, se rend
Le fleuve, plus bas scintille.

Caroline Lamarche

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Dernier ouvrage paru : "Karl et Lola" (Gallimard)
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